L’Espagne met plus de deux milliards d’euros pour lutter contre la sécheresse

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Un étang est asséché dans le parc national de Donana à Aznalcaraz, dans le sud de l’Espagne, le 11 mai 2023 © AFP CRISTINA QUICLER

Madrid (AFP) – Confronté à une des pires sécheresses de l’histoire récente du pays, le gouvernement espagnol a dévoilé jeudi un plan d’urgence de plus de deux milliards d’euros pour y faire face et secourir un secteur agricole en grande souffrance.

Adoptées lors d’un conseil des ministres extraordinaire, ces mesures ont été prises à la veille même de l’ouverture officielle de la campagne pour les élections municipales et régionales du 28 mai, où cette problématique de l’eau s’annonce centrale. Ce qui a amené l’opposition de droite à accuser l’exécutif d’électoralisme.

L’Espagne fait face à une sécheresse dramatique, le niveau des réservoirs d’eau du pays – qui stockent l’eau de pluie afin de l’utiliser lors des mois plus secs – étant tombé durant la première semaine de mai à 48,9% de leur capacité, soit la cinquième baisse hebdomadaire consécutive.

Le niveau est même bien plus bas en Catalogne (nord-est) et en Andalousie (sud), les deux régions les plus touchées, où il avoisine les 25%.

Publié justement ce jeudi, le nouveau rapport du principal syndicat agricole du pays, la Coordination des Organisations d’Agriculteurs et d’Eleveurs (Coag), donne une image dramatique de la situation du monde agricole, qui ne fait qu’empirer, puisqu’à l’en croire, « la sécheresse asphyxie déjà 80% des terres agricoles espagnoles » et que « plus de cinq millions d’hectares de céréales non irriguées » ont subi « des pertes irréversibles ».

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Or, les chiffres du précédent rapport de la Coag, publié le 13 avril, parlaient de 60% des terres « asphyxiées » et de 3,5 millions d’hectares de céréales affectés.

Remédier à la pénurie d’eau

Le pays a connu l’an dernier son année la plus chaude jamais enregistrée, avec plusieurs vagues de chaleur caniculaire, selon l’Agence publique de Météorologie (Aemet).

« L’Espagne est un pays habitué à affronter des périodes de sécheresse, mais en raison du changement climatique, nous avons une incidence beaucoup plus importante d’épisodes chaque fois plus fréquents et plus intenses », a déclaré la ministre de la Transition écologique, Teresa Ribera, lors d’une conférence de presse.

Le simple fait que ces mesures d’urgence aient fait l’objet d’un conseil des ministres extraordinaire consacré à ce seul thème illustre à la fois l’urgence de la situation et l’importance qu’y accorde le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez.

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Sur les quelque 2,19 milliards d’euros de ce plan, un peu moins des deux tiers (1,4 milliard d’euros) doivent servir à la construction de nouvelles infrastructures pour remédier à la pénurie d’eau dans certaines régions, notamment des usines de désalinisation de l’eau de mer et des systèmes pour accroître la réutilisation d’eaux usées.

Mme Ribera a précisé que l’objectif était de porter la proportion des eaux usées réutilisées, de 10% actuellement à 20% en 2027.

Le tiers restant (784 millions d’euros) sera consacré à une aide à l’agriculture, dont près de la moitié (355 millions) prendra la forme d’un aide financière directe aux éleveurs et aux producteurs de lait, afin de compenser en partie la hausse de leurs coûts.

Une somme de 276 millions ira aux cultures et aux zones que le ministère de l’agriculture estimera les plus affectées par la sécheresse.

 « Embobiner »

Enfin, 40,5 millions d’euros serviront à subventionner à hauteur de 70% le coût des polices d’assurance contre la sécheresse contractées par les exploitants.

A ce propos, le ministre de l’Agriculture, Luis Planas, a souligné que les indemnisations pour compenser les pertes subies par les agriculteurs en raison de la sécheresse atteignaient déjà 300 millions d’euros depuis le début de année.

Le manque d’eau a poussé de nombreux exploitants à renoncer aux semis de printemps, notamment de céréales et d’oléagineux, avec le risque de provoquer des pénuries et une nouvelle flambée des prix des produits alimentaires, dont la forte hausse est déjà l’une des principales composantes de l’inflation, qui est remontée à 4,1% en avril.

Assurer la continuité de la production alimentaire est donc aussi une priorité politique pour Pedro Sánchez, alors que des élections générales auront lieu à la fin de l’année et que la campagne pour les élections municipales et régionales du 28 mai démarre ce vendredi.

Le leader du Parti populaire (opposition de droite), Alberto Núñez Feijóo, a réagi aux millions débloqués par M. Sánchez pour les agriculteurs en l’accusant de vouloir les « embobiner » à l’approche des élections, après les avoir négligés pendant cinq ans.

© AFP

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