Sur la presqu’île de Giens, un projet contesté de digue pour protéger les salins de l’érosion

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La plage de l'Almanarre, le 21 avril 2023 à Hyères, dans le Var © AFP Nicolas TUCAT

Hyères (AFP) – Des salins abritant une biodiversité exceptionnelle, une plage parmi les plus belles du monde et un double cordon littoral unique: ce paysage idyllique de la presqu’île de Giens, en Méditerranée française, est cependant menacé par l’érosion côtière dû au réchauffement climatique.

Face à la menace, élus locaux varois et écologistes s’opposent sur la solution: les premiers envisagent de construire une digue sous-marine censée préserver tel quel ce lieu classé aux grands sites de France, quand les seconds, questionnant sa surfréquentation, militent pour laisser la nature reprendre ses droits.

Le décor est assurément époustouflant: d’un côté la plage de l’Almanarre, classée parmi les plus belles du monde par le quotidien américain New York Times en 2018; de l’autre des salins hébergeant une flore et faune remarquables, notamment des flamants roses. Au milieu, la bande ouest du tombolo (NDLR: un cordon fin et fragile de sédiments reliant une île à un continent), un ruban de quatre kilomètres occupé par la « route du sel », une voie fermée à la circulation en hiver mais où jusqu’à 1.550 véhicules/heure roulent l’été.

Cette route, et la question de son maintien, concentrent dorénavant l’attention.

Car avec la hausse du niveau de l’eau liée au réchauffement climatique, elle subit chaque hiver depuis une quinzaine d’année des « coups de mer » toujours plus répétés, obligeant les autorités à déblayer le sable et réhabiliter la chaussée. Coût annuel pour la métropole et la mairie d’Hyères: 500.000 euros.

Des frais devenus trop conséquents pour cette ville varoise de 56.000 habitants qui, après avoir mandaté un cabinet d’expertise, a retenu l’idée d’une digue sous-marine de 400 mètres de long et 10 mètres de large, à 150 mètres du trait de côte et un mètre au-dessous du niveau de la mer, face à la plage de l’Almanarre.

La mairie avance un coût de 2,5 millions d’euros « amortissable entre 9 et 11 ans ».

« L’objectif est de maintenir ce double tombolo qui est une exception mondiale et qui constitue la véritable identité du territoire hyérois », confie à l’AFP son maire Les Républicains Jean-Pierre Giran.

Le double tombolo consiste en deux cordons littoraux reliant Giens au continent avec au milieu l’étang des Pesquiers.

Phénomène géologique rarissime, il n’en existe qu’une poignée au monde et seulement trois en Méditerranée.

« Le maintien du tombolo ouest permet de conserver une biodiversité exceptionnelle (NDLR: dans les marais salants) et d’assurer la sécurité de la desserte du village de Giens, notamment l’été », ajoute-t-il.

 « Paysage évolutif »

Une « question philosophique » lui répond l’association Hyères écologie citoyenne: « On ne va pas se battre contre la nature à coups de béton! Elle a été détraquée par l’homme, faisons avec désormais », estime son animateur Benoît Guérin, également membre du comité d’orientation de l’Office français de la biodiversité.

Un avis partagé par le Conservatoire du littoral (CELRL), gestionnaire des salins menacés, qui « souhaite artificialiser le moins possible cet espace naturel »: « Une brèche dans le tombolo-ouest ne serait pas irrémédiable, un paysage est évolutif dans le temps », assure Richard Barety, chargé de mission au Conservatoire.

L’Etat a également mis son grain de sel, via un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, publié mi-2022, sur lequel s’appuient les opposants. Celui-ci accuse la route du sel, « récente historiquement » (1969), de n’avoir « qu’aggravé la fragilité du tombolo ».

Pire, il questionne les « bénéfices réels » d’une digue sous-marine qui in fine déplacerait l’érosion côtière à ses extrémités, sur les herbiers de posidonies, précieux pour limiter… cette érosion.

Selon le rapport, l’apparition d’une brèche au tombolo-ouest, situation qui avait déjà existé par le passé, ne modifierait pas « fondamentalement les paysages associés ». Il suggère aussi une autre approche de développement, moins focalisée sur le tourisme de masse. Avec 3.000 habitants permanents, la presqu’île de Giens accueille près d’un million de visiteurs par an sur ses 120 hectares.

Benoît Guérin préconise la fermeture de la route du sel, pour « limiter les visites du lieu », sur le modèle de l’île voisine de Porquerolles où, depuis 2021, une jauge de 6.000 visiteurs journaliers a été instaurée. « Parallèlement, avançons sur la mobilité douce: faisons garer les voitures en amont du site », suggère-t-il.

Le projet de digue reste pour le moment embourbé: l’Etat attend de nouvelles études avant toute décision.

© AFP

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