Classement mondial RSF : la liberté de la presse « noyée » sous la désinformation

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Un cours sur les fake-news, ou désinformation, le 21 juin 2018 à Sao Paulo, au Brésil © AFP/Archives Miguel SCHINCARIOL

Paris (AFP) – Propagande politique, manipulations économiques, faux contenus générés par l’intelligence artificielle: la désinformation au sens large est une menace majeure pour la liberté de la presse dans le monde, s’alarme Reporters sans frontières (RSF) dans son 21e classement annuel.

Sans changement, le pays le mieux noté est la Norvège et le dernier la Corée du Nord. La France est 24e et gagne deux places. Globalement, les conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans 7 pays sur 10.

Cette édition 2023 pointe en particulier les effets de la désinformation.

Dans les deux tiers des 180 pays évalués, les spécialistes qui contribuent à l’élaboration du classement « signalent une implication des acteurs politiques » dans des « campagnes de désinformation massive ou de propagande », selon RSF.

C’est le cas de la Russie, de l’Inde, de la Chine ou du Mali.

Plus largement, ce classement « met en lumière les effets fulgurants de l’industrie du simulacre dans l’écosystème numérique ».

« C’est l’industrie qui permet de produire la désinformation, de la distribuer ou de l’amplifier », explique à l’AFP Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG.

« Déluge »

C’est, selon lui, le cas des « dirigeants de plateformes numériques qui se moquent de distribuer de la propagande ou de fausses informations », et dont « l’exemple-type » est « le propriétaire de Twitter, Elon Musk ».

Autre phénomène, les faux contenus créés par l’intelligence artificielle (IA).

« Midjourney, une IA qui génère des images en très haute définition, alimente les réseaux sociaux en faux de plus en plus vraisemblables », souligne RSF, citant de fausses photos de l’arrestation de Donald Trump « reprises de manière virale ».

On assiste également à « des productions manipulatoires à grande échelle » par des sociétés spécialisées, pour le compte de gouvernements ou d’entreprises.

En février, une vaste enquête du collectif de journalistes d’investigation Forbidden Stories avait ainsi révélé les activités d’une société israélienne baptisée « Team Jorge » et spécialisée dans la désinformation.

Toutes ces « capacités de manipulation inédites sont utilisées pour fragiliser celles et ceux qui incarnent le journalisme de qualité, en même temps qu’elles affaiblissent le journalisme lui-même », prévient RSF.

« L’information fiable est noyée sous un déluge de désinformation », juge M. Deloire, selon qui « on perçoit de moins en moins les différences entre le réel et l’artificiel, le vrai et le faux ».

« L’un des enjeux majeurs, c’est de remettre des principes démocratiques dans ce gigantesque marché de l’attention et des contenus », estime-t-il.

Le Brésil remonte

Au classement, les baisses les plus importantes s’observent au Pérou (110e, -33 places), au Sénégal (104e, -31 places), en Haïti (99e, -29) ou en Tunisie (121e, -27).

A l’inverse, le Brésil (92e) remonte de 18 places après le départ de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro, battu par Lula aux élections fin octobre.

« Le Brésil avait beaucoup chuté avec Bolsonaro, qui était violent à l’encontre des journalistes », mais « il n’y a pas de caractère inéluctable au déclin de la liberté de la presse », note M. Deloire.

La France, elle, passe de la 26e à la 24e place.

Ce « petit gain » s’explique « notamment parce que la situation se dégrade ailleurs », selon M. Deloire. Ainsi, l’Allemagne (21e) perd 5 places, en raison, selon RSF, d’un « nombre record de violences et d’interpellations de journalistes ».

Au classement régional, « la région Maghreb/Moyen-Orient reste la plus dangereuse pour les journalistes » et l’Europe celle « où les conditions d’exercice du journalisme sont les plus faciles ».

Le classement mondial de la liberté de la presse est réalisé par RSF sur la base « d’un relevé quantitatif des exactions commises envers les journalistes » d’une part, et « d’une étude qualitative » de l’autre.

Cette dernière se fonde « sur les réponses de centaines d’experts de la liberté de la presse (journalistes, universitaires, défenseurs des droits humains) à une centaine de questions ».

© AFP

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