Paris (AFP) – Les stations de lavage de voitures, fermées pendant plusieurs semaines faute d’eau en 2022, craignent d’être de nouveau condamnées cet été et tentent de défendre ce qu’elles considèrent comme leur rôle « écologique ».
Près de 90% des 14.000 points de lavage français ont été fermés pendant plusieurs semaines au moins à l’été 2022, selon leur organisation, Mobilians. A côté des grandes stations-service et des hypermarchés, les petits pompistes et centres de lavage souffrent des fermetures prolongées.
« J’ai perdu 85% de mon chiffre d’affaires en période estivale », explique Laurent Gillio qui exploite trois stations dans le Var. En période de sécheresse, elles ont d’abord été barrées de rubalise par la gendarmerie, avant d’être reservées aux ambulances, médecins ou pompiers.
Et les premières interdictions de lavage pour 2023 pourraient tomber bientôt, à l’issue d’un hiver très sec: les préfets étaient convoqués lundi au ministère de la Transition écologique.
Interdit à domicile
Les laveurs de voitures se voient comme des boucs émissaires et ont du mal à se faire entendre.
Le secteur du lavage ne pèse qu' »un milliard d’euros » de chiffre d’affaires et représente « un très bon vecteur de communication » pour le gouvernement, avance Yves Brouchet, directeur général d’Eléphant Bleu, le deuxième réseau national derrière TotalEnergies.
Le lavage d’automobiles représente 0,2% de la consommation d’eau potable en France. Il veut défendre sa place, au-delà des amateurs de carrosseries nickel.
Eléphant Bleu a tenté d’y sensibiliser les journalistes courant 2022 en leur envoyant un flacon de (fausses) boues polluées.
En un lavage, on récupèrerait ainsi 360 grammes de boues, dont une grande partie de sable et de terre, mais aussi 75 grammes d’hydrocarbures (carburants, huiles), et 0,7 grammes de métaux lourds (cuivre, plomb, nickel) liés à la dégradation des pièces roulantes (freins, pneus, moteur) et concentrés principalement autour des roues.
L’eau sale chargée de boues et savons est d’abord filtrée sommairement dans des cuves sous la station. Le reste est envoyé en station d’épuration. « Ce sont des matières qui partiraient toutes au caniveau ou dans la nature », explique Yves Brouchet.
Un lavage au jet à haute pression consomme 60 litres, soit un peu moins qu’une douche, selon Mobilians. 120 litres sont nécessaires en tunnel et 160 sous un portique, soit l’équivalent d’un bain.
A domicile, en l’absence de haute pression, ce même lavage demande 360 litres, selon la même source. Le lavage à l’eau devant chez soi ou dans son jardin est par ailleurs interdit, mais la mesure est peu connue et les contrevenants rarement punis.
38% des automobilistes lavaient pourtant leur voiture à domicile en 2019, selon un sondage OpinionWay pour Eléphant Bleu. 52% passaient en centre de lavage, environ une fois par mois. Et 10% indiquaient ne jamais laver leur véhicule.
D’autres préfèrent le lavage à sec, avec des chiffons imbibés de détergent qu’il faudra aussi laver à grande eau.
Vers le recyclage
Pour anticiper les problèmes cet été, le ministère de la Transition écologique compte développer le recyclage de l’eau. Une forte incitation est déjà en vigueur: seules les stations munies de dispositifs adaptés peuvent rester ouvertes pendant les épisodes de sécheresse. Mais seules 2% d’entre elles sont équipées.
« Ca représente des investissements mais ça permettrait que ceux qui recyclent ne soient pas fermés », a indiqué le ministère à l’AFP.
TotalEnergies a déjà équipé 100 sites et prévoit d’investir 50 millions d’euros dans les 5 prochaines années pour équiper les 1.000 centres restants.
Yves Brouchet estime pour sa part qu’il faudrait plus de 1,2 milliard d’euros pour que toutes les stations de France recyclent et qu’il vaudrait mieux installer le recyclage en aval, à la sortie de la station d’épuration.
« C’est le consommateur qui paiera » avec des lavages plus chers, avertit le patron d’Eléphant Bleu, au risque de pousser les automobilistes à laver à domicile. Lui préconise surtout la mise en place d’un label récompensant les stations vertueuses, qui contrôlent leur consommation.
Il faudrait aussi regarder du côté des eaux de pluie, souligne l’entrepreneur Cédric Fontaine, qui installe des systèmes de récupération sur des hypermarchés, notamment. « L’idée est que les stations tournent en circuit fermé », explique M. Fontaine. « C’est elles qui consomment de l’eau, c’est à elles de la recycler ».
Dans le Var, Laurent Gillio pointe du doigt les piscines de la région. « Je comprends que les choses changent, mais ça doit être un effort collectif (…) Donnez-nous des normes, faites partout pareil et on s’adaptera. Mais nous fermer complètement, c’est du gâchis ».
© AFP
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