Les 1000 super fuites de méthane qui menacent le climat


Plateforme pétrolière Al-Shaheen Ad, Qatar (25° 30' N - 51° 30' E). Le torchage consiste à bruler les gaz naturels d'un gisement de pétrole, car leur exploitation n'est pas rentable. Chaque année, les torchère sont responsables du gaspillage de 150 milliards de m3 de gaz, ce qui équivaut à 390 milliards de m3 de gaz, ce qui équivaut à 390 millions de tonnes de gaz à effet de serre, ou encore à 2% du total mondial des gaz à effet de serre émis. © Yann Arthus Bertrand/Altitude.

À partir de données satellites de 2022, des scientifiques et le journal britannique The Guardian ont pu identifier un millier de super fuites de méthane dans l’atmosphère. Le quotidien britannique, qui les révèle lundi 6 mars dans une longue enquête, estime même que tout ce méthane relâché risque de faire franchir des points de bascule irréversibles au climat. Bien que certaines de ces émissions de méthane ne soient pas intentionnelle, une partie l’est ou bien découle de processus industrielles notamment dans les forages pétroliers ou gaziers et dans les opérations de transport du gaz.

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Depuis 2017, les émissions de méthane connaissent une augmentation rapide. « Cette accélération pourrait se révéler la plus grande menace qui pèse sur l’ambition de limiter la hausse des températures globales sous le seuil de 1,5°C. De plus, elle risque sérieusement d’entraîner le franchissement de dangereux points de bascule, affirment des scientifiques », écrit The Guardian.

Le méthane (ou CH4) représente dorénavant 25 % du réchauffement climatique. Les données montrent des fuites de méthane issues de différentes activités humaines. Il peut s’agir de fuites de méthane provoquées par l’extraction du charbon qui libère le gaz stocké sous terre (le méthane est le gaz à l’origine des coups de grisou dans les mines). La libération du méthane peut aussi venir des opérations de forages gaziers ou pétroliers, ainsi que de fuites lors du transport du gaz. Enfin, il arrive que des opérateurs n’exploitant pas le méthane le laissent s’échapper. Moins connu, il y a les émissions de méthane provenant de la décomposition des déchets opérées par des bactéries dans les décharges à ciel ouvert.

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Ainsi, le Turkménistan, les États-Unis et la Russie sont les trois pays qui rejettent le plus de méthane issu des activités pétrolières et gazières. La plus grande fuite repérée en 2022 était de 427 tonnes de méthane par heure sur un pipeline situé en mer Capsienne, au large des côtes du Turkménistan. À elle seule, cette fuite était équivalente aux émissions de 67 millions de voitures.

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Capture d’écran du site de The Guardian présentant la carte des 1000 super fuites de méthane

« La croissance actuelle du méthane se montre inquiétante. Elle constitue vraisemblablement le facteur qui remet le plus en cause les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Donc s’attaquer aux super émetteurs est une bonne manière de freiner cette croissance, et en plus on s’y retrouvera économiquement », explique le professeur Euan Nisbet de l’Université de Londres cité par The Guardian.

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Les solutions existent pour limiter ces fuites, à commencer par la surveillance des installations et l’implémentation d’une réglementation efficace et effective. Lors de la COP26 sur le climat un appel à réduire de 30 % les émissions de méthane d’ici 2030 a été lancé. « Il s’agit d’un engagement mondial volontaire sur le méthane pris lors de la COP26 », explique Martina Otto. Elle est la directrice secrétariat de la CCAC au sein de l’UNEP (coalition pour le climat et la qualité de l’air au sein du programme des nations unies pour l’environnement). Lors d’une intervention fin février à une rencontre avec la presse organisée par l’Association des Journalistes de l’Environnement (AJE), elle estimait que « réduire le méthane donne plus de temps pour l’adaptation au changement climatique. Pour le secteur de l’énergie, cela passe par prévenir et colmater les fuites. Pour le secteur des déchets, cela passe par l’amélioration du tri et de la séparation des déchets, notamment des déchets organiques »

Selon Sophie Szopa, directrice de recherche, Vice-présidente Développement Soutenable de l’Université Paris-Saclay, membre du SAP du CCAC, « réduire le méthane est un levier pour réduire le réchauffement climatique à court terme. Il présente de plus de nombreux avantages en termes de santé et de sécurité alimentaire. » Elle rappelle en effet que la présence de méthane dans l’atmosphère favorise la pollution de l’air par l’ozone. Cette dernière est responsable de plus d’un millions de décès prématurés tous les ans au niveau mondial et d’une baisse de 15 % des rendements agricoles.

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Toujours lors de cette rencontre consacrée au méthane organisée par l’AJE, Marielle Saunois, maître de conférence à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et membre du comité consultatif scientifique du CCAC a déclaré : « espérons qu’on mette moins de temps à expliquer le sujet du CH4 et à faire comprendre son importance  que ce qu’il a fallu pour le CO2. »

Julien Leprovost

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Un commentaire

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    • Jean-Pierre Bardinet

    Quelques remarques de bon sens. Voici l’évolution des taux de CH4 atmosphérique : 1 748 ppb (parties par milliards) en 1998, 1 774 ppb, de 1999 à 2006 puis 1 860 ppb en 2018 soit 1,86 ppm. Le pouvoir réchauffant (selon les canons du GIEC) du méthane est 28 fois supérieur à celui du gaz carbonique) et donc cette augmentation de 112 ppb, soit 6%, correspond à seulement +3,13 ppm (112*28/1000), ce qui est négligeable. En outre, le méthane persiste moins de dix ans dans l’atmosphère. Donc aucune raison de paniquer, d’autant plus que des analyses isotopiques suggèrent que cet accroissement récent du méthane atmosphérique serait principalement d’origine non fossile.

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