La forêt boréale brûle de plus en plus, et c’est un problème pour le climat

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Des arbres brûlés en septembre 2022 dans l'Alberta, au Canada © AFP/Archives Ed JONES

Washington (AFP) – Les incendies dans la forêt boréale, anneau de verdure qui encercle l’Arctique, sont en hausse depuis deux décennies, et l’année 2021 en particulier a été exceptionnelle, relâchant une quantité record de CO2 dans l’atmosphère, selon une étude publiée jeudi.

Ces feux sont alimentés par des conditions plus sèches et chaudes, causées par le changement climatique. Et en relâchant du gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ces incendies contribuent en retour au réchauffement de la planète, en un cercle vicieux.

Ce constat met à mal les efforts pour lutter contre le changement climatique, alertent les chercheurs.

La forêt boréale, que l’on trouve notamment en Sibérie, dans le nord du Canada et en Alaska, est la plus vaste étendue sauvage au monde. Mais elle n’a jusqu’ici pas reçu la même attention que les dégâts causés à la forêt tropicale, déplore l’étude.

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Or, elle relâche 10 à 20 fois plus de carbone par unité de zone brûlée que d’autres écosystèmes.

En 2021, les incendies boréaux ont ainsi émis pas moins de 480 millions de tonnes de carbone — ce qui équivaut à 1,76 milliard de tonnes de CO2. Une quantité bien plus importante que n’importe quelle autre année étudiée par les chercheurs, entre 2000 et 2020.

Ce nombre représente environ le double des émissions liées à l’aviation en 2021. Ou encore les émissions liées aux combustibles fossiles du Japon, le cinquième pays le plus émetteur.

Ces feux « augmentent la concentration de CO2 dans l’atmosphère et contribuent au réchauffement climatique », ce qui accroît en retour « la probabilité d’incendies ravageurs dans le futur », a expliqué à l’AFP Bo Zheng, auteur principal de cette étude, publiée dans la revue Science.

 « Hausse significative »

En 2021, les feux de la forêt boréale ont représenté 23% des émissions mondiales liées aux incendies, contre 10% généralement.

Les chercheurs expliquent cette « anomalie » par des sécheresses survenues cette année-là simultanément dans le nord du continent américain et en Eurasie.

Pour leurs estimations, les scientifiques ont utilisé une nouvelle méthode. Ils ne se sont pas appuyés, comme généralement, sur des données satellites évaluant visuellement les zones brûlées, dont la résolution n’est selon eux pas assez précise.

Cette technique force en outre à évaluer le CO2 émis en faisant des hypothèses sur la quantité de végétation brûlée sur chaque zone, ou encore le degré de combustion, a expliqué lors d’une conférence de presse Philippe Ciais, co-auteur de l’étude et chercheur à l’université Paris-Saclay.

A la place, ils ont ici utilisé les données d’un satellite observant directement dans l’atmosphère le monoxyde de carbone (CO), qui a une durée de vie plus courte (quelques semaines ou mois) que le CO2. Le monoxyde de carbone émis par les incendies présente des distributions spatiotemporelles distinctes d’autres sources, qui permettent de l’identifier.

Ils ont ainsi déterminé « une tendance à la hausse significative des émissions au-dessus de la région boréale », concentrées sur juillet et août, décrit l’étude.

Et « l’atmosphère ne ment pas », a souligné Philippe Ciais.

Multiplication des éclairs

L’Arctique se réchauffe bien plus vite que le reste de la planète. Ce réchauffement « accroît le déficit en eau des sols, avec une évaporation et donc une humidité de l’air accrue, provoquant une multiplication des éclairs, et tout ceci conduit à un plus grand risque d’incendies », a détaillé Bo Zheng.

En général, environ 80% du carbone relâché par des feux de forêt est ensuite ré-absorbé par la végétation qui repousse la saison suivante. Mais 20% reste dans l’atmosphère, contribuant ainsi à l’accumulation de CO2.

En outre, plus les incendies se multiplient, moins la végétation a le temps de repousser, et une partie croissante de ces émissions pourrait ne pas lui revenir.

« Cette étude contribue à l’ensemble de preuves croissantes indiquant que les feux de forêt et de toundra deviennent de plus en plus larges et fréquents aux latitudes plus élevées de l’hémisphère nord », a commenté pour l’AFP David Gaveau, qui étudie les feux de forêt mais n’a pas participé à ces travaux. « Cette situation est préoccupante pour l’avenir. »

Alors que faire?

Déjà, surveiller la situation « de très près » dans ces régions, a déclaré Steve Davis, également co-auteur de l’étude.

D’autres études ont suggéré qu’il pourrait être intéressant, « en termes de dollars par tonne de CO2 évitée, d’envoyer des pompiers stopper ces feux », au lieu de les laisser brûler comme actuellement, a-t-il avancé.

Quoiqu’il en soit, selon Philippe Ciais, « nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas nous préoccuper des ces zones naturelles ».

© AFP

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