Au Yémen en guerre, les arbres sacrifiés face à la flambée de l’énergie

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Un homme coupe à la tronçonneuse des branches d'arbres pour en faire du bois de chauffage, le 24 février 2023 à la périphérie de Taëz, dans le sud-ouest du Yémen © AFP AHMAD AL-BASHA

Taëz (Yémen) (AFP) – Entre les montagnes du sud du Yémen, le bruit des scies électriques vient déchirer le calme d’un paysage luxuriant, le bois des arbres devenant une source d’énergie alternative pour une population confrontée à l’un des pires drames humanitaires au monde.

Pays le plus pauvre de la péninsule arabique, le Yémen n’est pas épargné par l’inflation globale et la hausse des prix de l’énergie, même s’il reste largement coupé du monde en raison de la guerre qui oppose depuis plus de huit ans les forces pro-gouvernementales aux rebelles Houthis, proches de l’Iran.

Devenus bûcherons sur le tard, Hussein Abdelqaoui et ses collègues amassent des tronçons d’arbres tout juste abattus dans une forêt puis les jettent à l’arrière d’une camionnette en périphérie de Taëz, une ville du sud assiégée par les Houthis mais encore contrôlée par le gouvernement, appuyé par l’Arabie saoudite voisine.

Ce conflit, qui a fait des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés, a également dévasté une économie déjà très fragile, plongeant une grande partie des quelque 30 millions de Yéménites dans une grave précarité.

Beaucoup peinent aussi à s’alimenter, une situation proche de la famine, selon les ONG.

Et avec la hausse des cours de l’énergie depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, se chauffer est de plus en plus difficile.

« On s’est mis à couper des arbres et les vendre car on n’a pas d’autres moyens de subsistance », confirme Hussein Abdelqaoui à l’AFP.

Abattre les arbres du Yémen est encore une « catastrophe » pour le pays, regrette-t-il. « Mais on n’a pas le choix, on les vend », et les gens « n’ont pas le choix et les achètent ».

« Augmentation incroyable »

Devant la boulangerie d’Abdelsalam Dabwan, dans le centre commercial de Taëz, des troncs et des branches d’arbres s’entassent. Ils seront brûlés dans les fourneaux pour cuire le pain, aliment essentiel pour les familles les plus pauvres du Yémen.

Alors que ses employés s’activent pour sortir des petites miches et des galettes du four où crépitent des branchettes, le boulanger confie qu’il a dû se résoudre à utiliser du bois à cause de « l’augmentation incroyable des prix » du gaz et des autres carburants.

A défaut, il serait obligé de répercuter la hausse du coût de l’énergie sur le prix du pain, ce qui alourdirait la note pour une population qui « souffre » déjà de l’inflation.

« On utilise le bois pour offrir aux gens ce dont ils ont besoin », assure le boulanger, qui appelle le gouvernement à soutenir les commerçants.

 « Catastrophes naturelles »

Selon les chiffres officiels, plus de six millions d’arbres ont été abattus depuis le début de la guerre, dont un dixième rien qu’à Sanaa où il sont largement utilisés par les boulangeries et les restaurants, précise à l’AFP Anouar Al-Chazli, un expert en gestion des ressources naturelles travaillant pour les autorités yéménites.

« L’exploitation forestière existe dans tous les pays mais de façon réglementée et adéquate », ce qui n’est pas le cas au Yémen, souligne le spécialiste.

Dans le pays, notamment à Taëz, les arbres sont coupés « au ras du sol ce qui affecte les nappes phréatiques, les systèmes agricoles et la biodiversité tout en participant à l’érosion des sols », regrette-t-il.

Les autorités doivent intervenir, met-il en garde, en empêchant ces abattages « anarchiques » et en apprenant aux bûcherons amateurs à couper les arbres de manière « adéquate » pour porter le moins possible atteinte à la végétation.

Si cet écologiste convaincu dit comprendre la détresse de la population face à l’inflation et les conséquences économiques de la guerre, il estime urgent que le Yémen agisse pour prévenir les « catastrophes naturelles qui vont s’abattre sur le pays ».

© AFP

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