Chez les mandrills, l’hygiène se transmet de mère en fille

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Les mandrills, primates à la sociabilité développée, aiment se toiletter entre eux mais savent mettre des limites quand il s'agit d'hygiène © AFP/Archives JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN

Paris (AFP) – Les mandrills, primates à la sociabilité développée, aiment se toiletter entre eux mais savent mettre des limites quand il s’agit d’hygiène: selon une étude, certaines femelles évitent soigneusement de nettoyer leurs congénères infectés par des parasites et transmettent ce savoir-faire à leurs filles.

Chez les singes dits de l’Ancien monde, comme les mandrills ou les chimpanzés, le toilettage, appelé communément épouillage, a une fonction sanitaire mais « surtout sociale », explique à l’AFP Marie Charpentier, co-autrice de l’étude parue cette semaine dans la revue Proceedings B de la Royal Society britannique.

Pratiqué sur toutes les zones du corps, il permet de « diminuer le stress au sein du groupe, de temporiser les relations, de se réconcilier après un conflit », développe cette chercheuse CNRS à l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier.

Ce sont les femelles qui s’y adonnent le plus: elles épouillent leurs enfants et d’autres partenaires du groupe plus systématiquement que les mâles.

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Ces derniers sont intéressés par la zone péri-anale, car elle leur « donne des informations sur le cycle sexuel des femelles », et la toilettent davantage dans une optique de reproduction.

Cette sociabilité a un coût: celui de la transmission des infections, notamment parasitaires, comme chez toutes les espèces où les interactions sont fortes.

Des recherches avaient déjà montré des stratégies d’évitement chez des homards infectés par un virus mortel, mais la primatologue a voulu voir ce qu’il en était chez les mandrills qu’elle étudie depuis vingt ans au Gabon dans le cadre du projet « Mandrillus ».

Héritage social

L’espèce est fréquemment infectée par des protozoaires, parasites gastro-intestinaux contagieux qui peuvent se transmettre rien qu’au toucher.

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Durant six ans, son équipe a collecté de données comportementales et parasitaires (via des matières fécales) auprès de 297 individus vivant dans le parc de la Lékédi (sud du Gabon), réserve naturelle qui héberge la seule population de mandrills habitués à l’homme.

Des milliers d’heures d’observation de vie en groupe ont montré une grande variabilité de comportement au sein des 102 femelles toiletteuses étudiées: certaines évitaient systématiquement de nettoyer la zone péri-anale, qu’elle soit parasitée ou non. Des femelles n’ont même « jamais toiletté cette zone à risques durant six ans », raconte Marie Charpentier.

Ce comportement suggère une « stratégie hygiénique d’évitement des parasites contagieux » qui n’est « pas forcément consciente », selon elle. « Peut-être que certaines femelles ont des récepteurs plus sensibles aux odeurs », sachant que les crottes peuvent sentir différemment si elles sont parasitées.

Ni l’âge, ni le rang social des individus n’ont permis d’expliquer les différences de comportement. Les observateurs, qui connaissaient tous les liens de parenté au sein des groupes, ont en revanche découvert que les mères très hygiéniques avaient aussi des filles très hygiéniques.

Ils déduisent que la mère « transmet socialement son degré d’hygiénisme » dans cette société matrilinéaire où les filles restent dans la même unité familiale toute leur vie, analyse la primatologue. « Probablement qu’en regardant leurs mères à l’oeuvre, les filles copient leur système de toilettage ».

« On savait déjà que certains primates évitaient de manger de la nourriture contaminée par des matières fécales, mais une stratégie sociale aussi élaborée nous a surpris », commente-t-elle.

Cet héritage s’avère quoiqu’il en soit payant, « puisque les femelles qui évitent de toiletter la région infectée sont moins parasitées que les autres », ce qui favorise la résistance aux pathogènes au sein du groupe, conclut le CNRS dans un communiqué.

© AFP

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