Brésil et Amazonie: la réalité « bien pire » que prévu, dit la ministre de l’Environnement

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La ministre brésilienne de l'Environnement, Marina Silva lors d'un entretien avec l'AFP, dans son bureau à Brasilia, le 23 janvier 2023 © AFP Sergio Lima

Brasilia (AFP) – La situation environnementale au Brésil est « bien pire que ce que nous imaginions », affirme à l’AFP Marina Silva, la nouvelle ministre de l’Environnement, pour qui la préservation de l’Amazonie ne pourra se faire qu’avec la coopération des pays étrangers.

Le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a nommé au gouvernement cette figure emblématique de l’écologie, signifiant la priorité que Brasilia accorderait à la planète, après quatre ans de mandat de Jair Bolsonaro marqués par une déforestation record de l’Amazonie notamment et un flot de critiques internationales.

« La réalité est bien pire que ce que nous imaginions », assure dans un entretien lundi soir la ministre noire née au coeur de l’Amazonie il y a 64 ans. « Nous allons devoir fournir un gros effort », car ce ministère « a été grandement démantelé », avance-t-elle, trois semaines après sa prise de fonction.

Lula « a placé l’environnement tout en haut des priorités du gouvernement », assure la ministre, « en accord avec ce qui se passe ailleurs dans le monde ».

L’objectif d’une déforestation zéro au Brésil d’ici à 2030 montre cet engagement, dit Mme Silva. « Le chemin ne sera pas facile (…) mais nous allons essayer de rattraper le temps perdu ».

Investissements

Au sein du gouvernement de Lula, 17 ministères vont être impliqués dans les politiques environnementales.

En ce qui concerne la lutte contre la déforestation, les objectifs ne doivent pas seulement s’énoncer en chiffres, dit la ministre, mais « nous devons convaincre que ce n’est pas une bonne chose de détruire la forêt ».

« Nous allons investir dans les biotechnologies, le tourisme, l’agriculture à faible émission carbone et dans d’autres sources de revenus », dit Marina Silva, « notre but est de reprendre les actions de prévention et le combat contre la déforestation ».

Mais la ministre ne promet pas un Brésil « vert » en quatre années de gestion de gauche. « Nous allons voir ce qui est réalisable en ce court espace de temps. Seuls les gouvernements populistes peuvent assurer qu’ils vont régler des problèmes de cette ampleur en quatre ans ».

« Nous espérons arriver à la COP30 en 2025 comme un pays qui remplit ses devoirs », ajoute-t-elle, au sujet de la conférence de l’ONU sur le climat que le Brésil propose d’accueillir à Belem, dans le nord du pays, aux portes de l’Amazonie.

Mais Brasilia ne pourra pas faire de miracles sans aide internationale, a averti celle qui fut déjà ministre de l’Environnement des précédents mandats de Lula (2003-2010), mais avait claqué la porte en 2008 pour protester contre le manque de moyens.

La ministre s’est félicitée de la réactivation et de l’augmentation du Fonds Amazonie, dont les principaux contributeurs sont la Norvège et l’Allemagne. Il avait été gelé en raison de polémiques avec Jair Bolsonaro sur les incendies dans la plus grande forêt tropicale du monde.

« Nous sommes en discussions avec le Royaume-Uni, la France, l’Espagne et de nombreux autres pays qui peuvent abonder le Fonds Amazonie. Nous ne voulons pas que ce soit seulement l’Allemagne et la Norvège ».

« Vivre dans la dignité »

Outre avec les gouvernements, les discussions sont également bien avancées avec des entreprises et des organisations philanthropiques, assure Marina Silva. Mais il va falloir plus d’efforts de la part de la communauté internationale.

« Cette collaboration avec les pays développés doit se traduire aussi par l’ouverture des marchés à nos produits durables », dit la ministre, afin que « ce qui est produit de manière légale puisse être une source de revenus pour les 25 millions d’habitants de l’Amazonie ».

« Nous devons garantir à ces populations de vivre dans la dignité », explique-t-elle, ajoutant que l’engagement à lutter contre la commercialisation de l’or et du bois produits illégalement doit être multilatéral.

De même, « si les pays développés ne réduisent pas eux aussi les émissions de dioxyde de carbone, l’Amazonie sera détruite ».

© AFP

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3 commentaires

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Bon papier! Merci.
    Le Québec, la province canadienne qui a de plus en plus la réputation d’être le premier moteur économique et écologique du Canada, est avec vous, le Brésil.
    Nous avons au moins un point en commun: le développement plus responsable de nos énergies vertes.
    Action!
    Até breve.
    @GuyLafond
    En devoir bénévole pour le Climat et pour la protection de la biodiversité sur Terre – UN/ONU
    https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329
    En attendant toujours mon retour à mon poste de travail sur l’avenue Laurier O. à Ottawa, ON, Canada.

    • Fabrice Thibaut

    Un fonds financier pour soutenir le Brésil à la fois pour lutter contre la déforestation et vivre décemment voilà un projet qui dénote de tous les autres sur cette planète et notamment ceux à connotation militaire, il faut saluer une décision mâture trop peu souvent rencontrée ici-bas (car avec une nature en révolte il ne reste plus grand chose, à commencer par nous-mêmes mais aussi l’expression possible d’un armement quelconque). Actuellement des fonds sont envoyés sous une forme ou une autre pour soutenir l’Ukraine et préserver la démocratie en Europe, c’est très bien mais soutenir également les pays qui n’ont pas les moyens et qui déforestent pour vivre décemment (notamment le Brésil et le Congo) peut aussi avoir un impact sur notre propre présence prolongée ici-bas, c’est là l’enjeu ni plus ni moins, une sorte de question de vie ou de mort. Donnant donnant, d’un côté un niveau de vie respectable où se trouvent les plus grands espaces boisés de notre planète et de l’autre une chance de pouvoir diminuer ou estomper les dérèglements climatiques qui commencent à se manifestent de plus en plus violemment. Le Brésil, trop loin d’ici vous ne vous sentez pas concerné ? La planète Terre est plus petite que l’on ne le croit…

    • Fabrice Thibaut

    Erratum « qui commencent à se manifester », ce fonds Amazonie est une chance inouïe à ne pas laisser passer et tel que le dit la Ministre de l’environnement Marina Silva si ce n’est pas le cas l’Amazonie risque de devenir un désert.