Six mois après les incendies en Gironde, la forêt nettoyée et étudiée

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La forêt de pins brûlée près d'Hostens, en Gironde, le 7 septembre 2022 © AFP/Archives Thibaud MORITZ

Bordeaux (AFP) – Six mois après le déclenchement le 12 juillet d’incendies hors normes en Gironde, le bois mort ou endommagé est en cours d’évacuation des près de 30.000 hectares de forêt sinistrés cet été et la réflexion sur l’avenir entamée.

Chercheur de l’INRAE installé à l’Université de Bordeaux, l’écophysiologiste Sylvain Delzon a effectué avec son équipe des prélèvements sur les pins maritimes dans les zones touchées par les mégafeux de cet été à La Teste-de-Buch, dans le Bassin d’Arcachon, et dans le secteur de Landiras et Hostens, au sud de Bordeaux.

Le but était notamment de fournir à la filière bois une « aide à la décision » immédiate: couper ou garder?

« Là où il y a eu un feu de sol ou de sous-sol, on a constaté qu’il n’y avait plus du tout de vitalité cellulaire au niveau de la base de l’arbre. Même s’il était encore complètement vert, il allait mourir dans les 12 mois. On a préconisé de couper », explique-t-il.

Pour les pins préservés en pied mais dont la partie verte (houppier) a brûlé, la survie est possible avec « moins de 70% de dégâts en houppier ». Au-delà, la vitalité « chute énormément », remarque Sylvain Delzon.

Dans les forêts de production comme à Landiras, tous les « peuplements » de moins de 10 ans ont été détruits mais pour les arbres très âgés (25 à 45 ans) le « taux de survie » est « estimé à peut-être 25% »: « Plus les arbres étaient grands, plus ils ont été sauvés ».

Mais « à La Teste-de-Buch et Hostens, les flammes sont montées beaucoup plus haut. Même des peuplements de 30 m sont complètement cramés. Sans doute parce qu’ il y avait plus de sous-bois: cette matière sèche a créé des feux très puissants. »

Le bois des grands arbres touchés est toutefois resté « de qualité » pour l’exploitation, « même quand l’arbre avait brûlé à 100% », assure Sylvain Delzon.

Selon lui, « les exploitants ont pu vendre comme un bois standard » les coupes faites depuis octobre dans les peuplements âgés de Landiras.

Les arbres survivants semblent en revanche plus vulnérables à la sécheresse et « un peu moins productifs » car les incendies ont abîmé leurs vaisseaux chargés du transport de l’eau: « Ils auront donc plus de mal à grandir ».

Le problème reste cependant modéré, car les milliers d’hectares parcourus par le feu vont « quasiment tous être coupés d’ici à quatre ans ».

A La Teste-de-Buch, dans la partie de forêt gérée par l’Etat, les engins forestiers ont commencé dès septembre à extraire le bois (l’équivalent de dix ans de coupes en temps normal) avant que l’arrivée d’insectes, comme les scolytes, finisse de tuer les arbres les plus fragilisés.

Augmenter la « diversité génétique »

Non loin, dans la partie « usagère », privée et non dédiée à la production, les règles anciennes de gestion de la forêt compliquent toute prise de décision entre autorités, propriétaires et usagers mais une vente aux enchères (par lots) des arbres morts a eu lieu en décembre et la récupération du bois commencera prochainement.

Parmi les cinq campings détruits par le feu, Les Flots Bleus, rendus célèbres par les films « Camping », sont en plein travaux afin d’accueillir de premiers vacanciers début avril, avec moins d’emplacements et une approche présentée comme plus écoresponsable.

Alors que des « Etats généraux de la forêt des Landes de Gascogne » ont commencé, Sylvain Delzon se penche aussi sur la régénération des massifs touchés.

A Landiras, les propriétaires privés vont replanter du pin maritime mais il leur recommande d’augmenter « la diversité génétique » des parcelles en plantant plusieurs types de cette essence. Cela favorisera la résilience face au changement climatique. Le chercheur conseille également « de laisser le plus de feuillus possibles, tant que ça ne gêne pas l’exploitation », afin d’améliorer la résistance aux ravageurs (insectes, champignons).

Dans la forêt « usagère » de La Teste, il préconise de compter le plus possible sur la « régénération naturelle ».

Sylvain Delzon défend toutefois un « certain débroussaillage ». « Pas systématique », pour optimiser la biodiversité. Mais « intelligent », pour permettre un accès pompiers et éviter que le sous-bois se forme en continu sur des centaines d’hectares. Il propose ainsi d’alterner entre « parcelles nettoyées et pas nettoyées ».

© AFP

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