L’écosystème de l’île Amsterdam bientôt libéré des animaux introduits

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Un scientifique montre un rat, un animal introduit à l'origine de nombreux dégâts, sur l'île d'Amsterdam, qui fait partie des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf), le 29 décembre 2022 © AFP PATRICK HERTZOG

Île Amsterdam (France) (AFP) – L’île Amsterdam, qui fait partie avec Crozet et Kerguelen des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf), va subir en 2024 une opération d’éradication des animaux introduits, chats et rongeurs, dont la présence inflige de nombreux dégâts à l’écosystème.

Après des siècles d’introduction volontaire, ou involontaire, de mammifères et de plantes exotiques par les humains dans les Terres australes, la réserve naturelle créée en 2006 doit réinstaller un équilibre sur ces îles subantarctiques très fragiles. Quitte à prendre des mesures difficiles d’éradication ou de limitation des espèces invasives, tels les rongeurs, rats et souris, chats harets – chats domestiques retournés à l’état sauvage – rennes ou lapins.

A Amsterdam, « le projet Reci (restauration des écosystèmes insulaires de l’Océan indien) vise à l’éradication du rat, du chat et de la souris à l’hiver 2024 », explique Lorien Boujot, technicien pour la gestion des mammifères introduits à Amsterdam, à la direction de l’environnement de Taaf.

« Les chats et les rats, depuis qu’ils ont été introduits à Amsterdam sont la principale cause de disparition d’une dizaine d’espèces d’oiseaux nicheurs, dit-il. Les rats ont tendance à +prédater+ les œufs voire les poussins, et les chats peuvent attaquer les animaux au stade adulte ».

De plus, « les rats sont porteurs et vecteurs de la maladie du choléra aviaire. Il est probable que cette maladie ait été apportée sur l’île à l’époque où il y avait un poulailler et maintenant elle décime d’année en année la reproduction des albatros à bec jaune, présents sur les falaises d’Entrecasteaux », dans le sud de l’île, ajoute Lorien Boujot.

Les souris ont, elles, un gros impact sur la végétation.

« Elles mangent énormément d’inflorescence et de graines de plantes indigènes comme le Phylica, un arbuste qui formait une ceinture tout autour de l’île et pour qui la régénération naturelle est quasi inexistante ». Des agents tentent bien de replanter de jeunes Phylica, mais « les rats ont tendance à manger et casser les jeunes plants », souligne Lorien Boujot.

Eradication à 2 millions

L’opération d’éradication prévue durant l’hiver austral 2024 va consister en deux épandages aériens sur l’ensemble de l’île de 55 km², très accidentée, à trois semaines d’intervalle. « La difficulté c’est que si on rate un domaine vital de rongeur, l’opération est ratée », indique Lorien Boujot.

« Depuis 2017 des études préalables sont faites pour mieux connaître les espèces cibles. Il ne faut surtout pas intervenir en pleine reproduction car il risque de rester des jeunes au trou qui ne sont pas atteints par les méthodes d’éradication », insiste-t-il.

Le projet Reci prévoit par ailleurs des équipes sur le terrain pour peut-être éradiquer les derniers chats présents, par du piégeage et des tirs, précise M. Boujot.

Munis d’un permis de chasser, les deux agents de terrain spécialisés dans les « mammifères introduits », Louis Gillardin et Brieuc Leballeur, sont chargés de cette tâche difficile pour l’hivernage 2023.

« L’année dernière nos prédécesseur ont éradiqué sept +individus+ et ça fait un mois et demi, deux mois, qu’on n’en voit plus sur la quarantaine de pièges photos. On pense que potentiellement il pourrait en rester un à cinq », raconte Louis Gillardin. Et d’ajouter: « je n’ai jamais tué de chat de ma vie et si ça arrive, ça ne me fera pas plaisir… S’ils avaient disparu, ça nous arrangerait! ».

Selon Brieuc Leballeur, les ornithologues constatent qu’il y a moins de mortalité de poussins depuis qu’il a installé des pièges à rats autour de la colonie d’albatros à bec jaune. « La préservation des écosystèmes » est bien le sens de tout ce travail, relève-t-il.

A l’issue de la campagne d’éradication de 2024, il faudra attendre deux ans sans détection pour dire que l’opération est réussie, et « à une échéance de dix ans » le retour des espèces d’oiseaux qui avaient cessé de nicher sur Amsterdam, estime Lorien Boujot.

Jérémy Tornos chercheur au CNRS en éco-épidémiologie, a hâte de voir s’achever cette opération, pour le bien-être des oiseaux. Et particulièrement pour la colonie d’Albatros à bec jaune chez qui « on observe une chute de la survie des poussins depuis les années 1980 ».

Après l’éradication, « on va pouvoir voir l’impact du rat, prédateur et source pathogène. On ne sait pas si les rats sont porteurs du choléra aviaire et le transmettent aux oiseaux qu’ils mordent ou s’ils sont porteurs car ils mangent des oiseaux porteurs. Une colonie sans rat permettra également de tester la vraie efficacité du vaccin » contre cette maladie, espère le chercheur.

Mais ce modèle n’est pas possible à répliquer sur toutes les îles, malgré les ravages que font également à Kerguelen les rongeurs et chats harets, sans compter lapins et rennes.

« Ce sont des actions très lourdes à mettre en place. L’éradication sur Amsterdam, c’est un budget de plus de deux millions d’euros qui mobilise une équipe des années. On ne peut pas les mener toutes de front », assure Clément Quetel, directeur adjoint de la direction de l’environnement des Taaf.

A Kerguelen, « projeter l’éradication de la souris, présente quasiment partout, c’est juste impossible d’un point de vue matériel, financier, humain et logistique, dit-il. Eradiquer le chat de Kerguelen, pas réalisable non plus à ce jour. Donc, plutôt que de faire de l’éradication, on fait de la limitation » avec des actions ciblées « de piégeage et de tirs ».

« Biosécurité »

Ensuite, il faudra s’assurer que rats et souris ne reviennent pas, notamment grâce aux activités humaines et donc appliquer une politique de « biosécurité ». Kevin Nory est ainsi chargé de surveiller que le navire Marion Dufresne, ravitaillant les bases quatre fois par an, ne devienne pas un vecteur de transport depuis son port d’attache à la Réunion ou d’une île à l’autre.

Il travaille au niveau des fournisseurs, du transitaire, à quai avant l’embarquement puis sur les districts.

S’enfonçant dans les entrailles du navire, Kevin Nory surveille aussi régulièrement si le raticide a été mangé, dans une trentaine de boîtiers. Il gère l’enlèvement des ordures ménagères des bases, devant arriver sur le bateau dans des conteneurs hermétiques.

« Plutôt bon signe », il n’a trouvé aucune trace de rongeurs sur le bateau depuis mi-2021.

© AFP

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