Face aux sécheresses et aux incendies, la forêt provençale redécouvre l’arbousier

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Stéphanie Singh, ingénieure forestière en charge de la forêt et de la transition énergétique au PNR de la Sainte-Baume, cueille des arbouses à Auriol, dans le sud de la France, le 14 décembre 2022 © AFP Christophe SIMON

Auriol (France) (AFP) – Face aux incendies et aux vagues de sécheresse, la Provence s’est redécouvert un atout, l’arbousier: particulièrement robuste, grâce à ses racines, cet arbuste longtemps délaissé est aussi une aubaine par ses fruits et ses feuilles, valorisables en confitures, liqueurs, sorbets ou même crèmes anti-âge.

Présent sur le pourtour de la Méditerranée et la côte Atlantique, « l’arbousier est très résistant grâce à son système racinaire très profond », explique à l’AFP Stéphanie Singh, ingénieure forestière en charge de la forêt et de la transition énergétique au Parc naturel régional (PNR) de la Sainte-Baume dans le Var.

« Il permet au sol d’être maintenu, notamment au passage d’un incendie », explique-t-elle. Une propriété utile pour un parc composé à 70% de forêts « soumises à de gros enjeux climatiques » et qui a engagé, avec le soutien de l’Union européenne, « une démarche de valorisation » de l’arbousier.

Pouvant atteindre trois à quatre mètres de haut, l’arbuste trapu et « pyrophile » (NDLR: qui aime le feu), selon le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), repoussait ainsi dès la fin de l’été parmi les cendres de l’incendie de la Teste-de-Buch (Gironde), où 7.000 ha de forêt sont partis en fumée.

« C’est un arbuste qui se régénère très vite », atteste Mme Singh, depuis les hauteurs du bois de la Lare à Auriol (Bouches-du-Rhône), un des sites où le PNR a organisé sa récolte automnale d’arbouses, les fruits de l’arbousier.

On trouve l’arbousier « un peu partout dans les collines, mais je ne m’y étais jamais intéressé », reconnaît auprès de l’AFP Jean-Charles Lafiteau, dirigeant d’une boulangerie-pâtisserie familiale de six boutiques autour de Brignoles (Var), un des artisans qui ont participé au projet du PNR.

L’objectif est de « favoriser dans son milieu naturel » une plante qui demeure une « essence d’accompagnement », souvent délaissée, revendique Stéphanie Singh, qui a travaillé avec l’association Forêt modèle de Provence, soutenue par la Région.

L’arbouse, du « pain béni »

A la recherche « de produits identitaires », pour « se démarquer » de la concurrence, M. Lafiteau a intégré l’arbouse à ses sorbets, mettant en valeur sa texture « veloutée ». Mais ce fruit a une autre qualité: « on sait où aller pour s’approvisionner, ce qui est du pain béni, alors qu’aujourd’hui on cherche jusqu’au sucre », entre la crise du Covid et la guerre en Ukraine.

Si l’arbouse a « peu de valeurs telles quelles », concède le MNHN, ce fruit est valorisable dans un grand nombre de produits: confitures, miels, crèmes, liqueurs ou bières. En Corse, il existe même un « vin d’arbouse ».

L’arbouse « a un équilibre entre le sucre et l’acidité et quand on la travaille on n’a pas besoin de rajouter beaucoup de choses. Elle se suffit à elle-même, c’est très agréable », souligne Valentina Zanini, la cheffe de l’association anti-gaspillage L’économe, qui a concocté deux recettes de confitures d’arbouses.

« Le fruit est très riche en graines, donc il faut le travailler, c’est un peu pénible, ça prend du temps, mais le résultat est vraiment incroyable », complète la cheffe de cette association qui récupère et conditionne fruits et légumes, à l’aide d’une conserverie mobile, à travers le département.

Faute de notoriété auprès du public, « on le fait souvent goûter, (…) mais une fois (que les clients) le découvrent, ils sont vraiment conquis et ça marche bien », assure-t-elle.

Inscrit à la pharmacopée française et entrant dans la composition de gélules pour soulager les spasmes intestinaux et digestifs, l’arbousier est également commercialisé en pharmacie pour ses propriétés astringentes et antiseptiques.

Pour Clarisse Le Bas, herboriste et ethnobotaniste, c’est un « grand arbre médicinal, utilisé dans la tradition populaire depuis des siècles ». Et il gagnerait à une commercialisation plus large de ses feuilles, « sous forme de tisane », pour faciliter et encourager son usage par le public.

© AFP

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