Gardiens de la nature, les peuples autochtones porteurs d’espoir pour la biodiversité

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Des représentants des peuples autochtones lors d'une marche pour la nature à Montréal le 10 décembre 2022 © AFP Alexis Aubin

Montréal (AFP) – Pendant d’innombrables générations, les peuples autochtones du Canada ont compté sur le caribou pour survivre. Naturellement, ils ont été les premiers à alerter sur sa disparition.

Pour sauver « le cœur de leur culture », certains peuples ont donc décidé de prendre les choses en main comme dans l’ouest du Canada grâce à un programme pilote.

Un projet novateur qui met en évidence l’apport des populations autochtones dans la protection des écosystèmes au moment où les délégués du monde entier se réunissent à Montréal pour la COP15 sur la biodiversité afin d’élaborer un nouvel accord pour la nature.

« Fondamentalement, nous sommes un peuple de caribous », explique à l’AFP Valérie Courtois, directrice de l’Initiative pour le leadership autochtone du Canada et membre du peuple innu.

« Le caribou est ce qui nous a vraiment permis de survivre, et d’être ce que nous sommes », poursuit-elle.

Aujourd’hui, l’espèce, connue sous le nom de renne en Europe, est en voie de disparition dans une grande partie du Canada. En cause: la destruction généralisée de son habitat, les forêts anciennes, fractionné par les coupes forestières, la construction de routes ou encore celle de lignes à haute tension.

La sous-population de caribous de Klinse-Za dans l’ouest du Canada en Colombie-Britannique était autrefois si abondante qu’on la qualifiait de « parasite dans le paysage » comme l’explique un article paru en mars 2022 dans « Ecological Applications ». Pourtant en 2013, elle ne comptait plus que 38 individus.

Cette année-là, les Premières Nations de West Moberly et de Saulteau ont mis sur pied un plan qui prévoyait d’abord l’élimination des loups pour réduire la prédation des caribous. Puis l’ajout d’un enclos clôturé pour que les femelles puissent mettre bas et élever leurs petits.

Grâce à leurs efforts, le nombre de caribous a triplé dans la région, passant de 38 à 114.

La menace d’une extinction localisée ayant été écartée, les deux communautés ont signé en 2020 un accord avec les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada pour sécuriser 7.900 kilomètres carrés de terres pour le caribou, dans l’espoir de relancer éventuellement leur chasse traditionnelle.

« Quand vous protégez le caribou, beaucoup d’animaux suivent », explique à l’AFP Ronnie Drever, scientifique spécialisé dans la conservation pour l’association à but non lucratif Nature United.

« Une bonne conservation du caribou est aussi une action pour le climat », a-t-il ajouté, car les forêts anciennes et les tourbières sur lesquelles ils vivent sont des puits de carbone inestimables.

Droits des peuples autochtones

À l’échelle mondiale, les populations indigènes possèdent ou utilisent un quart des terres, mais préservent 80% de la biodiversité restante.

Un article publié en octobre dernier dans « Current Biology » a examiné les forêts tropicales d’Asie, d’Afrique et d’Amériques. Leur constat est clair: celles situées sur des terres autochtones protégées étaient « les plus saines, les plus fonctionnelles, les plus diversifiées et les plus résilientes. »

Certains dénoncent donc les effets de la colonisation, affirmant que les pertes de biodiversité ne sont pas dues à la conversion ou à la dégradation par l’homme d’écosystèmes vierges mais plutôt à l’appropriation et à l’intensification de l’utilisation de terres déjà habitées.

Cette étude a d’ailleurs révélé que les zones non touchées par l’homme étaient presque aussi rares il y a 12.000 ans qu’aujourd’hui.

Pour Jennifer Tauli Corpuz, du peuple Kankana-ey Igorot des Philippines, avocate et experte auprès du Forum international autochtone sur la biodiversité, l’étude montre que les efforts de collaboration sont cruciaux.

« La conservation n’a pas forcément bonne réputation auprès des peuples autochtones car elle a entraîné des déplacements », explique-t-elle à l’AFP.

Les parcs nationaux créés sur la base de l’idée euro-américaine selon laquelle la terre était autrefois une « nature sauvage » vierge ont généralement empêché les peuples autochtones d’utiliser leurs terres de façon coutumière et ont forcé de nombreuses personnes à quitter leurs maisons ancestrales.

Selon elle, les droits des groupes autochtones doivent être intégrés dans la trame du nouvel accord mondial sur la biodiversité, qui pourrait aboutir notamment à la protection de 30% des terres et des océans d’ici 2030.

© AFP

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