En Belgique, stocker l’électricité pour gérer les pics et épargner le climat

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Ils ne sont a priori pas très spectaculaires, et pourtant ces conteneurs blancs installés au bord d'une petite commune belge forment la plus grande centrale de stockage électrique d'Europe continentale, à même de répondre à un pic de demande du pays, sans avoir recours au gaz ni au fioul © AFP/Archives Kenzo TRIBOUILLARD

Deux-Acren (Belgique) (AFP) – Ils ne sont a priori pas très spectaculaires, et pourtant ces conteneurs blancs installés au bord d’une petite commune belge forment la plus grande centrale de stockage électrique d’Europe continentale, à même de répondre à un pic de demande du pays, sans avoir recours au gaz ni au fioul.

Bien caché derrière un talus herbeux, le site raccordé au réseau public contribue désormais à la réserve électrique de la Belgique, et à réguler ainsi la fréquence sur le réseau européen, tout interconnecté.

Avec ses 100 mégawattheures (MWh) de stockage équivalant aux besoins de 8.000 foyers, il remplit une fonction de stabilisation encore largement assurée aujourd’hui par des centrales au fioul ou au gaz.

Pour sortir des énergies fossiles, « le stockage en batteries est crucial car il permet de mieux intégrer les énergies renouvelables, en atténuant les effets négatifs de leur intermittence », et en optimisant les infrastructures, explique Jean-Philippe Deckers, responsable d’Elia, le gestionnaire du réseau électrique à haute tension belge.

« Il aura un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique, et fait partie de notre vision », a-t-il ajouté, en inaugurant les lieux jeudi à Deux-Acren, entre Bruxelles et Tournai.

Accolés à une ligne à haute tension, les 40 conteneurs remplis de batteries Tesla au lithium-ion produites dans le Nevada, stockent et déstockent l’électricité du réseau, à la demande.

La technologie au lithium-ion a été choisie pour sa maturité, explique Michael Coudyser, directeur général de Corsica Sole, un acteur pionnier du photovoltaïque et du stockage, qui a conçu et exploite ce site: « on sait que ces batteries vont durer au moins dix ans ».

Les talus anti-bruit préservent les voisins du bourdon des ventilateurs. Un moindre mal « à côté du moteur d’avion » qu’il fallait actionner pour mobiliser le dépôt de fioul adjacent, dit-il. Cette cuve doit être déposée prochainement.

Clé de la transition

« Si nous voulons nous séparer du gaz, qui fait que le prix de l’électricité explose, il faut du stockage », souligne M. Coudyser, qui rappelle là une particularité du marché européen de l’électricité, dont les prix sont aujourd’hui liés à ceux du gaz quand la demande est forte.

Mais au-dela, stocker et déstocker l’électricité sera un des grands sujets de la transition énergétique car il déterminera l’essor des énergies renouvelables, en lissant leurs variations de puissance au sein d’une même journée, quand un nuage passe au dessus du champ de panneaux solaires ou que le vent ralentit…

Le stockage permet également de conserver l’énergie produite aux heures de basse consommation et de la réinjecter aux heures de forte demande. Idem sur une semaine, pour la stocker le dimanche, journée de moindre consommation.

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La Grande-Bretagne, une île qui mise fortement sur les énergies vertes, l’a bien compris, et est très en avance sur le stockage.

« Un monde sans énergies fossiles est nécessaire et un monde 100% renouvelable est possible. Mais si on veut beaucoup d’énergie renouvelable, il faudra beaucoup de stockage également, » résume M. Coudyser.

Mais cela coûte cher: 33 millions d’euros pour le site de Deux-Acren, dont 80% pour les batteries, financés sans subventions. Il faudra environ 7 ans pour le rentabiliser, avec des ventes sur le marché de l’électricité.

Pour pouvoir le construire en moins d’un an, la société de gestion Mirova, filiale de Natixis-BPCE spécialisée dans le développement durable et déjà actionnaire de Corsica Sole, a avancé la somme, avant l’arrivée de la banque Edmond de Rothschild.

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« Les besoins de développer les renouvelables n’ont jamais été aussi immenses dans cette période de crise énergétique, de besoin de souveraineté énergétique et de lutte contre les problématiques climatiques, et cela ne se fera pas sans des investissements majeurs », commente Raphaël Lance, de Mirova.

Pour autant, pas question à ce stade d’envisager un stockage sous cette forme de volumes trop important: trop coûteux, soulignent les acteurs de l’énergie, qui misent plutôt, comme Corsica Sole, sur l’hydrogène pour pouvoir un jour stocker plus massivement les énergies venues du vent et du soleil.

© AFP

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