Des agriculteurs du sud de la France sur de nouvelles pistes pour contrer la sécheresse

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Le maraîcher Pascal Poot inspecte ses plants de poivrons à Romiguières, le 22 août 2022 dans le sud de la France © AFP Pascal GUYOT

Romiguières (France) (AFP) – Dans le sud de la France, des agriculteurs font preuve d’imagination pour faire face à la sécheresse: si certains parient sur des serres ultra-modernes, d’autres sélectionnent des plantes capables de supporter le manque d’eau et de produire des lignées de légumes plus résistantes.

Un plan de tomates pratiquement privé d’eau peut-il arriver à maturité et, qui plus est, produire des descendants qui, à leur tour, pourront se passer presque entièrement d’arrosage ?

Pour Nadia Bertin, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), il est « indéniable » que « l’effet mémoire existe au niveau épigénétique », la science qui étudie justement comment l’environnement d’un être vivant, animal ou végétal, peut modifier ses gènes de manière transmissible.

« En revanche, le rendement n’est plus le même. Que ça soit un levier pour contrer la sécheresse, ça n’est pas prouvé », avertit tout de suite la chercheuse.

« Tout dépend de l’objectif des cultures, industrielles ou non », ajoute-t-elle.

Sur ses deux petites exploitations -huit et deux hectares, du nord de l’Hérault, à Olmet-et-Villecun et Romiguières-, Pascal Poot, maraîcher de 60 ans, a dû composer avec un manque d’eau permanent, accentué cette année par une longue canicule, certain que « la plante apprend » de ses expériences, qu’elle les « garde en mémoire ».

« Mon terrain était moins cher parce qu’il n’y avait pas d’eau ». La terre était caillouteuse, peu profonde et « dure comme du béton. J’ai donc dû m’adapter, et les plantes aussi », a-t-il confié à l’AFP, chapeau de paille sur la tête, moustache et barbichette broussailleuses.

Prenant pour modèle les mauvaises herbes « que personne n’a jamais arrosées », il a fait le pari de n’alimenter ses cultures en eau qu’une seule fois, lors de la plantation, puis de les laisser livrées à elles-mêmes, convaincu de leur capacité à puiser l’eau en profondeur.

Ses tomates, aubergines, poivrons, melons, concombres et courgettes s’épanouissent ainsi sur une terre craquelée, ou à même un tas de pierre. « Un énorme et constant travail de la terre (est nécessaire) pour qu’elle soit fertile », convient-il néanmoins.

« Les plantes se sont habituées à grandir sans arrosage », avance-t-il. « Si elles survivent, les graines de la génération suivante seront plus résistantes, et ainsi de suite », ajoute le maraîcher, qui s’est spécialisé dans la vente en boutique et sur internet des semences et plants de ses légumes, dont plusieurs « variétés anciennes de tomates qui résistent bien à la sécheresse ».

A Uchaux, dans le nord du Vaucluse, André Bernard produit également des légumes, dont des tomates destinées à l’industrie, mais à une bien plus grande échelle.

Depuis quatre ans, une partie de sa production se fait sous de vastes serres munies de panneaux solaires, prévues à l’origine pour protéger ses légumes de la grêle et du vent, mais qui ont aussi démontré leur utilité lors des fortes chaleurs. Dans les serres, « on arrive à mieux produire et à utiliser moins d’eau ».

Grâce à une irrigation « très maîtrisée », faite de goutte-à-goutte par le sol et de brumisation ponctuelle, la température a pu être quelque peu réduite et l’hydrométrie maintenue, précise cet agriculteur influent, président de la Société nationale interprofessionnelle de la tomate destinée à la transformation (Sonito).

En revanche, en plein champ, André Bernard reconnaît avoir « connu énormément de difficultés » cette année, malgré les possibilités d’irrigation offertes par le Rhône tout proche.

« A cause de la canicule, les rendements sont en baisse et l’état des plantes est très dégradé », constate-t-il.

Les techniques modernes d’arrosage qu’il utilise, avec des capteurs dans le sol et des programmes informatiques calculant au plus près les besoins, lui ont permis de réduire « de 10 à 20 fois » sa consommation en eau par rapport à ses débuts dans les années 1980.

Mais ce n’est même « pas la peine » de songer à se passer entièrement d’arrosage pour les grandes cultures, soutient-il.

« Je sais qu’il y a des techniques qui permettent de produire un peu » sans arrosage, « mais nous, si on veut arriver à produire ce qu’attendent les consommateurs à un prix raisonnable, sans irrigation, ce n’est pas possible ».

© AFP

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