Dans les dunes de Flandre, l’impact écologique des traversées migratoires

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Une embarcation gonflable et des gilets de sauvetage abandonnés dans une dune de Wimereux, dans le nord de la France, le 20 décembre 2021 © AFP/Archives FRANCOIS LO PRESTI

Leffrinckoucke (France) (AFP) – Un cheval tire un zodiac abandonné après l’échec d’une traversée vers l’Angleterre: chaque semaine, des centaines de kilos de déchets laissés par le trafic migratoire doivent être évacués des dunes de Flandre, un espace naturel protégé sur le littoral nord de la France.

Sur la dune Dewulf, qui s’élève dans la périphérie de Dunkerque, entre un terminus de bus et la mer, les traces de départs sont nombreuses en cette fin juillet, après quelques jours de temps favorable.

Pour les gardes du littoral, la journée commence par un rapide survol en drone pour repérer les principaux déchets.

« Parfois l’été, on remplit plusieurs bennes par semaine avec des zodiacs et autres », dit le pilote, Florian Boddaert, avant de s’enfoncer avec ses collègues sur des chemins ardus.

La pollution est visuelle, mais surtout, cette accumulation de détritus perturbe la zone classée Natura2000, qui abrite de nombreuses espèces autochtones, orchidées et ail sauvage, ou encore grenouilles, tritons et oiseaux.

Certaines clôtures étant fréquemment endommagées par les candidats à l’exil, les gardes ont aussi dû retirer temporairement les chèvres installées sur le site à titre de tondeuses écologiques.

Parfois, des mares sont polluées par de l’essence destinée aux traversées.

Désormais, l’essentiel du travail consiste à réparer les dégâts liés aux départs clandestins, « c’est contraignant », selon Aline Bué, responsable d’une équipe de six gardes chargés de veiller sur 1.000 ha de dunes et sites naturels.

 « Voir des enfants partir »

Sous le couvert d’épais fourrés, des pulls, duvets, poussettes, ou canettes de boissons énergisantes signalent les zones où les migrants ont attendu d’embarquer. Des bonbonnes de gaz lacrymogènes peuvent aussi attester d’une intervention policière.

Sur un replat discret à 300 m de la mer, une embarcation gonflable, lacérée par la police après un départ manqué attend le ramassage, entourée d’une quarantaine de gilets de sauvetage neufs, et de jerricans d’essence.

Les gardes du littoral découpent le bateau, qui sera récupéré par une brigade équestre, seule à même d’intervenir sur les étroits chemins de sable.

Des agents d’entretien participent aux nettoyages, quadrillant le secteur à pied.

« Un jour, je suis tombé sur une dizaine de migrants, avec une maman qui portait un bébé, et un papa qui avait deux garçons de deux ans et quatre ans maximum », se souvient leur chef d’équipe, Mathieu Guerrien.

« Le plus dur, c’est de voir des enfants partir en pleine mer, et frôler la mort », s’émeut-il.

Depuis que les autorités ont bunkerisé le tunnel sous la Manche et le port de Calais, les candidats à l’exil sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance en traversant la voie maritime la plus fréquentée du monde.

« Impact désastreux »

Les gardes du littoral dunkerquois ont trouvé leur premier zodiac en 2019. « Depuis, on en est à une centaine », indique Aline Bué.

Ces opérations chronophages empiètent sur les autres missions des gardes, vigies de la biodiversité: difficile de verbaliser le camping-sauvage dans ce contexte, ou de trouver le temps de faire les fauchages sélectifs et les inventaires d’oiseaux, libellules et batraciens nécessaires à la santé de l’écosystème.

Les collectivités locales, elles, appellent l’Etat à l’aide.

« On ne peut pas être insensible à tous ces départs, (…) ça me prend aux tripes, mais il y a aussi un impact environnemental désastreux », déplore Olivier Ryckebusch, maire de Leffrinckoucke, 4.500 habitants.

Inquiet pour le label Grand site de France que les dunes de Flandre sont sur le point de recevoir après 20 ans de démarches, il relève le coût du nettoyage: en 2021, 20.000 euros rien que pour sa commune.

« Nous travaillons à des solutions collectives pour ce problème qui va durer », indique de son côté le sous-préfet de Dunkerque Hervé Tourmente.

L’Etat mène « des négociations avec les autorités britanniques pour qu’elles participent financièrement à la neutralisation et l’évacuation du matériel nautique, » ajoute-il.

© AFP

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