L’Allemagne revient au charbon face à la raréfaction du gaz russe

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Des tas de houille stockées près de la centrale à charbon Steag à Duisbourg, dans l'ouest de l'Allemagne © AFP Ina FASSBENDER

Berlin (AFP) – L’Allemagne a pris dimanche des mesures d’urgence pour sécuriser son approvisionnement en énergie face aux baisses récentes de livraison de gaz russe, avec notamment un recours « amer » à la plus polluante des énergies, le charbon.

« Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l’électricité. A la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées », a indiqué le ministère de l’Économie dans un communiqué.

Le recours accru au charbon est un revirement pour le gouvernement de coalition d’Olaf Scholz, qui avait promis d’abandonner cette source d’énergie d’ici à 2030.

« Amer, mais indispensable »

« C’est amer, mais c’est indispensable pour réduire la consommation de gaz », a réagi le ministre écologiste de l’Economie et du Climat Robert Habeck. Une loi en ce sens devrait être adoptée d’ici au début de l’été, a-t-il ajouté. Son parti avait fait de la sortie rapide du charbon une priorité.

Concrètement, le gouvernement va permettre l’utilisation de centrales à charbon dites « de réserve », ne servant actuellement qu’en dernier recours.

Le ministre a toutefois assuré que ce plus fort recours au charbon était « provisoire », face à « l’aggravation » de la situation sur le marché gazier.

Le géant russe Gazprom a annoncé cette semaine plusieurs baisses de livraison de gaz via la gazoduc Nord Stream, sur fond de bras de fer entre pays occidentaux et Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Arguant d’un problème technique, le groupe a réduit de 40%, puis de 33% ses envois.

Cette décision a eu un lourd impact sur plusieurs pays européens, en particulier l’Allemagne, l’Italie et la France, qui ne reçoit désormais plus de gaz russe.

Pour Berlin, qui continue d’importer 35% de son gaz de Russie, contre 55% avant la guerre, la situation est « sérieuse », selon M. Habeck.

« Il ne faut pas se faire d’illusion, nous sommes dans une épreuve de force avec Poutine », a-t-il commenté.

Face à l’urgence, le gouvernement veut aussi mettre l’accent sur les économies d’énergie. « Chaque kilowatt compte », a insisté le ministre.

Une vaste campagne de communication en ce sens a été lancée mi-juin à destination du grand public et des entreprises.

Avec les mesures d’urgence présentées dimanche, Berlin monte à un niveau supérieur : un système d’« enchères » sera instauré pour les industriels consommant du gaz.

L’État pourrait offrir, dans le cadre d’une procédure similaire à un appel d’offre, une rémunération aux entreprises qui promettront l’économie d’énergie la plus importante.

Rationnement

« Il faut tout faire pour baisser notre consommation. Et l’industrie est un facteur essentiel », a souligné M. Habeck.

Cette semaine, le ministre a même laissé planer la menace d’un rationnement pour les usagers et entreprises, évoquant l’idée « d’autres mesures d’économie de nature législatives » si les « quantités de stockage » n’augmentaient pas.

Un risque qui inquiète le secteur manufacturier. « Il y a de nombreux processus industriels qui ne peuvent pas fonctionner sans gaz », a alerté dimanche soir sur la chaîne ZDF le président du lobby industriel BDI, Siegfried Russwurm, craignant des « conséquences en cascade ».

Pour le moment, « la sécurité de l’approvisionnement est garantie », a toutefois voulu rassurer M. Habeck dimanche.

Les réserves se situent actuellement à 56%, un niveau « supérieur à la moyenne des dernières années ».

Mais « nous devons faire tout notre possible pour stocker le plus de gaz possible en été et en automne. Les stockages de gaz doivent être pleins pour l’hiver. C’est la priorité absolue », a relevé M. Habeck.

Dans les mesures annoncées dimanche figure également l’ouverture d’une ligne de crédit de la banque publique KfW pour financer l’achat de gaz par l’acteur responsable des achats de gaz pour l’Allemagne, Trading Hub Europe.

Fin avril, le gouvernement avait déjà instauré une loi imposant aux propriétaires de cuves un remplissage minimum, pouvant atteindre 90% début décembre, sous peine d’expropriation.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, fin février, Berlin cherche en outre de nouvelles sources d’approvisionnement, via le gaz liquéfié américain ou qatari notamment.

© AFP

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7 commentaires

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    • Courteau Christophe

    Amer mais indispensable ?
    Et si on faisait les comptes en nombre de morts sur 1, puis 10 puis 100 ans , de l’utilisation « amer » du charbon ?
    Dans 20 ans, 50 ans et alors dans 100 ans à plus forte raison, plus personne ne parlera du conflit en Ukraine. En revanche, le réchauffement lui aura été boosté par la politique débile des allemands en termes de politique énergétique.
    Continuer l’exploitation nucléaire et surtout les recherches sur le nucléaire du futur aurait sauvé plus de vies qu’un boycott et des sanctions qui n’ont aucun effet sur la guerre en Ukraine mais ont des conséquences désastreuses en Europe de l’ouest…
    Gouverner c’est prévoir.
    Les Verts allemands ont montré leur incompétence totale en la matière. Totale.

    • Serge Rochain

    et la France pour palier la coupure du gaz russe revient à l’importation soit 5 GW ce matin à 9H dont 4 depuis l’Allemagne

    • xavier585

    les sanctions européennes vis à vis de la Russie vont nous couter cher financièrement et écologiquement . nous n’avions pas besoin de ca !

    • Kahn Didier

    L’Europe devrait faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle négocie. La guerre provoque de graves émissions d’éq. CO et elle ne s’est pas préparée à sortir du gaz fossile. Tous ses efforts devraient tendre à cela.

    • Moussa

    Un choix économique qui sera désastreux pour l’environnement. Si le recours aux énergies très polluantes n’est pas purement et simplement interdit l’humanité ne survivra pas à la voracité et l’irresponsabilité de l’homme.

    • Wibart

    Entre le charbon et le nucléaire, le plus néfaste et le plus cancérigène est encore le nucléaire et pour des siècles.

    • Patrice DESCLAUD

    Certes, la conjoncture exige des mesures qui contrarient fortement les engagements de l’Allemagne, mais la France envisage la même chose malgré ses prétendus avantages nucléaires … A qui se fier ?
    Cdlt,
    Patrice.