En Colombie, un bébé lamantin et un couffin

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Tasajerito, un bébé lamantin (Trichechus manatus) orphelin nage dans un bassin du Centre de réhabilitation et d'attention de la faune marine, Aquarium de Rodadero, à Santa Marta, en Colombie, le 18 mai 2022 © AFP/Archives Juan BARRETO

Santa Marta (Colombie) (AFP) – Tasajerito mesure déjà presque deux mètres mais il ne peut vivre sans son biberon. Retrouvé à la dérive dans un marécage des Caraïbes colombiennes alors qu’il n’avait que trois jours, ce bébé lamantin fait la joie de l’aquarium qui l’accueille en attendant de pouvoir, peut-être un jour, retrouver la liberté.

Les vétérinaires qui le soignent l’ont baptisé du nom du village -Tasajera-, une mince bande de terre qui sépare la mer des Caraïbes de la Cienaga Grande de Santa Marta, dans le nord de la Colombie, où ce doux mammifère aquatique à moustaches a été secouru en septembre par des pêcheurs.

« Nous avons cherché la mère, mais nous ne l’avons pas trouvée, il a donc été déclaré orphelin », raconte à l’AFP Angela Davila, membre de l’équipe vétérinaire chargée de remettre la bête d’aplomb dans un aquarium de la ville de Santa Marta.

Dans le bassin qui lui est spécialement réservé, sous l’oeil ravi des visiteurs, le placide herbivore passe ses journées à téter un mélange spécial (à base de lait en poudre pour mammifère marin, vitamines, médicaments et un soupçon d’excréments de lamantin), ayant les mêmes qualités nutritives que le lait maternel dont il se nourrit normalement les deux premières années de sa vie.

Flotter, couler, nager

A son arrivée, le pronostic n’était guère favorable et son état reste « cliniquement critique ».

Au cours des neuf derniers mois, Angela Davila lui a appris « à flotter, à couler, à nager (…) les fonctions qu’un bébé apprend normalement avec sa mère ». Mais les vétérinaires devront encore travailler pendant deux ans auprès de Tasajerito comme mamans de substitution.

Quand le bébé lamantin sera devenu grand et qu’il mesurera entre 3 et 4 mètres de long pour environ 600 kilos, ils décideront s’il est apte à retrouver la liberté ou s’il doit rester en captivité.

« L’aptitude de l’animal à retrouver son habitat naturel dans les marais dépendra de son état de santé », explique la vétérinaire Julieth Prieto, qui souligne ses « fonctions écologiques irremplaçables » dans la nature.

Les lamantins dévorent en effet jusqu’à 50 kilos de végétation aquatique par jour, faisant office de nettoyeur des canaux d’eau douce se jetant à la mer et contribuant ainsi au contrôle de la sédimentation qui touche plusieurs rivières colombiennes.

« Si cette espèce venait à disparaître, nous devrions mener de nombreuses actions avec des dragues pour améliorer les flux d’eau entre les rivières, les marais et la mer », avertit Mme Prieto.

Il existe trois espèces de lamantins selon leur répartition : africaine, amazonienne et caraïbe. Cette dernière –Trichechus manatus– à laquelle appartient Tasajerito, s’étend de la côte sud-est des Etats-Unis à la côte atlantique du Brésil.

Avec une population estimée à 11.000 individus, le lamantin des Caraïbes est considéré comme en situation vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

En Colombie, la chasse est la principale menace pesant sur le lamantin, des villageois consommant encore sa viande. « Leur population est très réduite, il faut préserver les quelques individus que nous avons en vie », plaide la vétérinaire.

Legs d’Escobar

Les placides lamantins de Colombie pourrait bientôt faire face à un autre danger, inattendu celui-là : les hippopotames d’Escobar.

Importés en Colombie dans les années 1980 par le baron de la drogue Pablo Escobar, un couple s’est depuis lors reproduit de manière incontrôlée et une colonie de plus de 100 individus ne cesse de croître dans cette même région de Santa Marta, plus en altitude, dans un bras du fleuve Magdalena.

À l’avenir, cette espèce beaucoup moins pacifique, et récemment déclarée invasive par les autorités, pourrait entrer en concurrence pour la nourriture avec les lamantins ou même modifier la composition de l’eau en raison du volume de leurs excréments, selon Nataly Castelblanco, docteur en écologie.

© AFP

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