Des lycéens américains inventent un filtre « low-cost » contre le plomb dans l’eau

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Rebecca Bushway, professeure de Sciences, fait une démonstration d'un filtre anti-plomb, le 21 avril 2022 au lycée de Silver Spring, dans le Maryland © AFP OLIVIER DOULIERY

Washington (AFP) – Quand la pandémie a forcé les écoles américaines à se résoudre à l’enseignement à distance, la professeure de sciences Rebecca Bushway a donné à ses lycéens en banlieue de Washington une tâche ambitieuse: concevoir et construire un filtre à eau anti-plomb et à bas coût.

Utilisant des imprimantes 3D, l’équipe d’élèves possède désormais un prototype prêt à fonctionner: un filtre haut d’environ 8 cm qui s’attache aux robinets et qu’ils espèrent à terme amener sur le marché pour un prix à la pièce de seulement un dollar.

« Le principe scientifique est simple », a affirmé Mme Bushway lors d’une visite de l’AFP à son lycée. « Je me suis dit, +on a ces imprimantes 3D, et si on faisait quelque chose comme ça?+ ».

La professeure a présenté le prototype lors de quatre conférences, y compris lors de la prestigieuse conférence de la Société américaine de chimie.

Elle espère désormais pouvoir écrire un article dans une revue scientifique.

Jusqu’à 10 millions de foyers américains reçoivent toujours leur eau du robinet via des canalisations en plomb, une telle exposition étant particulièrement nocive durant l’enfance.

En 2014, l’eau contaminée au plomb dans la ville de Flint avait constitué l’un des pires scandales sanitaires des dernières années aux Etats-Unis.

Le drame avait été provoqué par la décision des autorités locales de changer la source d’approvisionnement en eau de la ville, par mesure d’économie.

L’eau acide et polluée de la rivière locale, préférée à l’eau pure du lac Huron voisin, avait rongé les conduites en plomb du réseau de distribution, exposant les habitants au saturnisme.

L’empoisonnement au plomb de milliers d’enfants de Flint menace toujours d’avoir des conséquences catastrophiques sur leur santé pour des décennies.

Aux États-Unis, la contamination au plomb touche particulièrement les Afro-Américains et les autres minorités, souligne Nia Frederick, une lycéenne qui a participé au projet du filtre.

« Et je pense que là-dessus, nous pouvons aider », affirme-t-elle.

Le gouvernement du président Joe Biden s’est déjà engagé à investir des milliards de dollars pour financer le retrait de toutes les canalisations en plomb à travers le pays au cours des prochaines années.

Mais en attendant que cela arrive, les Américains ont besoin de solutions.

Filtre intelligent

L’idée de Mme Bushway a été d’utiliser la même réaction chimique utilisée pour restaurer un sol contaminé: exposer le plomb dissous dans l’eau à une poudre de phosphate de calcium, qui produit un phosphate solide de plomb restant à l’intérieur du filtre, ainsi que du calcium bénin.

Le filtre a un autre atout dans sa manche: sous le phosphate de calcium réside un réservoir d’iodure de potassium.

Quand le phosphate de calcium s’épuise, le plomb dissous dans l’eau va réagir avec l’iodure de potassium, donnant une teinte jaunie à l’eau. Cette nouvelle couleur de l’eau sera ainsi le signal qu’il faut changer le filtre.

Wathon Maung, un élève, a passé plusieurs mois à concevoir le boîtier abritant le filtre, à l’aide de logiciels d’impression 3D.

« C’était comme une sorte de petit puzzle que je devais résoudre », s’enthousiasme le lycéen.

Le phosphate de calcium s’accumulait à l’intérieur du filtre, ralentissant la rapidité du principe de réaction.

Mais Wathon Maung a découvert qu’il pouvait incorporer des biseaux en forme d’hexagone qui permettent d’assurer l’écoulement de l’eau et empêchent l’accumulation.

Le résultat: un écoulement d’environ 7,5 litres par minute, rythme normal pour une eau qui sort du robinet.

Désormais, l’équipe aimerait incorporer un instrument nommé spectrophotomètre qui détectera le jaunissement de l’eau indiquant la fin de vie du filtre plus rapidement que l’œil nu, à l’aide d’une petite lumière LED d’avertissement.

© AFP

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Un commentaire

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    • Bousquet

    Celà me rappèle les grands bacs de filtration (par le sable) qui, logés dans le grenier de notre école, permettaient de fournir une eau de qualité aux élèves mangeant à la cantine. Nous même, buvions sans problème (dans les années 50 à 80) cette eau qui n’a jamais généré de problème. D’origine pluviale, elle était filtrée et était recueillie pour la consommation courante. Et ? à volonté. Avant que sévîsse les Nestlé et consort….