En Irak, le timide éveil de la jeunesse à la protection de l’environnement

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Des jeunes bénévoles participent à une campagne de nettoyage des rives du Tigre, le 11 mars 2022 à Bagdad, en Irak © AFP Sabah ARAR

Bagdad (AFP) – Des canettes, des bouteilles d’eau et des capuchons en plastique: sur les bords du Tigre, Rassel, une bénévole, ramasse déchets et détritus, une initiative encore rare en Irak où les jeunes s’éveillent lentement à la protection de l’environnement.

Rassel, qui ne souhaite pas donner son nom de famille, fait partie des 200 Ambassadeurs de la propreté, une association qui s’est fixée comme but de débarrasser Bagdad de ses déchets — ou tout du moins d’y contribuer — et de sensibiliser aux questions environnementales.

« Je veux rendre ma ville plus belle », lance Rassel, étudiante de 19 ans. « Cela me fend le coeur de voir les rives du Tigre dans cet état. Nous voulons changer cette réalité ».

La tâche est herculéenne. A Bagdad, il est relativement courant d’abandonner bouteilles et canettes vides là-même où elles ont été consommées.

Les lendemains de jours fériés, les rives du Tigre, appréciées des familles et des groupes d’amis pour ses espaces verts, sont jonchées de canettes de bière, de sacs plastiques ou d’embouts en plastique pour narguilé.

Souvent, les déchets finissent directement dans le fleuve.

Ce jour-là, les Ambassadeurs de la propreté concentrent leurs efforts sur la berge située sous le pont des Imams, dans le nord de Bagdad.

« C’est la première fois que cette zone est nettoyée depuis 2003! » et l’invasion de l’Irak emmenée par les Etats-Unis, s’exclame un passant.

Plastique, nylon, liège

« On retrouve beaucoup de plastique, de nylon et de liège », explique Ali, 19 ans, un des organisateurs des Ambassadeurs de la propreté, qui en sont à leur huitième campagne de nettoyage.

Les déchets sont ensuite pris en charge par la mairie de Bagdad et déposés dans des décharges.

Les objets qui finissent dans le fleuve sont extrêmement nocifs pour la faune.

Le Tigre doit déjà affronter une baisse drastique de son niveau à cause des sécheresses à répétition et des barrages construits en amont en Turquie.

En aval, ces déchets finissent leur course dans le Golfe, avec des conséquences dramatiques.

Selon l’ONU, les sacs plastiques « bloquent les voies respiratoires et l’estomac de centaines d’espèces » et « sont souvent ingérés par des tortues et des dauphins qui les confondent avec de la nourriture ».

En Irak, pays qui a connu quatre décennies de conflit, le tri sélectif des ordures n’est pas à l’ordre du jour.

Le pays manque de structures permettant « la collecte et l’élimination des déchets. Il n’y a pas de décharge respectueuse de l’environnement et le recyclage du plastique n’est pas viable économiquement parlant », explique Azzam Alwash, fondateur de l’ONG Nature Iraq et conseiller du président irakien pour les questions d’environnement.

Dans le monde, seuls 10% des déchets plastiques sont recyclés, selon l’OCDE.

En Irak, lorsqu’ils sont ramassés, ils finissent parfois dans des décharges à ciel ouvert où ils sont brûlés.

A proximité des marais du sud, par exemple. Près de ce delta intérieur classé au patrimoine mondial de l’humanité, un feu éternel consume en plein air des milliers de tonnes d’immondices, envoyant ses fumées à des kilomètres à la ronde.

Gaz toxiques

« L’incinération à ciel ouvert des déchets est une source de pollution de l’air. Son coût réel est le raccourcissement de la vie des Irakiens », s’insurge M. Alwash. « Mais l’Etat n’a pas d’argent pour construire des structures de recyclage ».

A cela s’ajoute la pollution due au torchage, pratique qui consiste à brûler le gaz s’échappant lors de l’extraction de pétrole.

Ce cocktail toxique contribue à l’augmentation des maladies respiratoires et des émissions de gaz à effet de serre, un phénomène dont s’alarment les experts climat de l’ONU (Giec).

Le ministre irakien de l’Environnement, Jassem al-Falahi, a récemment reconnu auprès de l’agence de presse officielle INA que l’incinération des déchets pose un problème de santé publique, car « les gaz toxiques affectent la vie et la santé des gens ».

Pour autant, peu d’initiatives publiques sont mises en place.

Et le ramassage des déchets par des volontaires est l’une des seules lueurs d’espoir pour le moment, estime Ali, membre des Ambassadeurs de la propreté.

A l’en croire, l’amélioration de la situation passe par la sensibilisation des Irakiens à la problématique environnementale, sujet délaissé au profit d’autres questions, comme la dégradation du pouvoir d’achat.

« Certaines personnes commencent à ne plus jeter leurs déchets dans la rue et nous ont même rejoints », se réjouit-il.

© AFP

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