Trappeur, plus vieux métier au Canada, mais un « héritage » qui ne rapporte plus

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Ray Gall, trappeur, marche le long de sa ligne de trappe pour vérifier ses pièges à castors, à Dunchurch, Canada, le 23 mars 2022 © AFP Cole BURSTON

North Bay (Canada) (AFP) – En équilibre sur un barrage, Ray Gall, trappeur canadien, avance avec précaution: il vient récupérer sa prise du jour, un gros castor noir coincé dans son piège posé deux jours plus tôt.

Désormais, rares sont ceux qui vivent uniquement grâce aux revenus de cette activité ancestrale, très encadrée aujourd’hui. Mais ils sont plusieurs dizaines de milliers, dont de nombreux autochtones, encore actifs au Canada.

« C’est le plus vieux métier » au Canada, explique fièrement Ray Gall, bouc et lunettes noires sur le nez, qui trappe, sur son temps libre, rat musqué, renard, loup, coyote à trois heures au nord de Toronto…

« Il y aura toujours besoin de trappeurs, que le marché soit là ou non », ajoute-t-il avant d’emporter avec lui l’épais castor, à l’abri dans un tonneau attaché sur son dos.

Réduction des espaces, hivers plus tardifs dus au réchauffement climatique, hausse des prix de l’essence et baisse de ceux de la fourrure… « piéger est, financièrement parlant, de plus en plus difficile », renchérit Tom Borg, trappeur autochtone de 70 ans, retraité du secteur gazier.

« C’est dur, car cela fait partie de notre héritage, de qui nous sommes. Arrêter, c’est comme vous enlever une partie de vous », confie, les yeux embués derrière ses lunettes rectangulaires, l’homme originaire du nord de l’Ontario.

Globalement, le marché tangue depuis quelques années, mis à l’épreuve par le boycott de la fourrure par de nombreuses marques de luxe, l’absence d’acheteurs Chinois avec la pandémie et récemment la guerre en Europe qui a encore compliqué la donne – la Russie et l’Ukraine étant deux marchés clés.

Mais le pire est passé pour l’industrie, qui s’est « stabilisée » après avoir atteint « le point le plus bas du cycle », veut croire Robin Horwath, président de l’Institut de la fourrure du Canada et directeur de la fédération des trappeurs de l’Ontario.

 Des fourrures par milliers

Le Canada est le plus grand producteur de fourrures sauvages au monde: en 2019-2020, quelque 415.000 fourrures sauvages ont été vendues pour une valeur de 13,8 millions de dollars canadiens (10 millions d’euros).

A l’intérieur de la dernière grande foire de la fourrure en Amérique du Nord, Fur Harvesters Auction (FHA) à North Bay, à 350 km au nord de Toronto, les courtiers s’activent avant des enchères en ligne, pandémie oblige.

Dans ce vaste entrepôt, des dizaines de milliers de fourrures d’animaux sauvages, – lynx, renards, loups, ours noirs, etc. -, sont attachées en lots et suspendues à des portants, triées par grandeur, couleur et qualité.

Catalogue et crayon à la main, le courtier Michel Roberge devient les yeux et les mains de ses clients étrangers pour qui il inspecte avec minutie chaque peau avant l’ouverture des enchères en ligne.

« Vu que c’est un marché de luxe, naturellement on est touchés en premier » en cas de crise. « Le monde peut survivre sans un morceau de fourrure », explique Michel Roberge, marchand montréalais.

 Demande asiatique

« L’industrie de la fourrure est ancienne, elle a connu des hauts et des bas à de nombreuses reprises au cours des 400 dernières années », rappelle Mark Downey, le PDG de la FHA.

Ces dernières années en Europe et en Amérique du Nord, la pression croissante d’associations de protection des animaux et des consommateurs a poussé de nombreuses grandes marques de luxe, comme Dolce & Gabanna, Burberry ou Chanel, à renoncer à l’usage de la fourrure.

« Le départ de Canada Goose a été sans aucun doute un point noir pour l’industrie », regrette M. Downey, convaincu toutefois que d’autres fabricants vont combler « le vide » laissé par le géant canadien.

D’ici-là, le secteur va devoir surmonter l’absence de deux marchés importants: l’Ukraine et la Russie, deuxième plus gros client, actuellement visé par les sanctions économiques du Canada… avec un risque d’effet domino.

« La guerre de la Russie en Ukraine est un handicap énorme parce que nos gros acheteurs de Grèce, Italie, Turquie, vendent vers ces deux pays », regrette M. Downey. Mais, assure-t-il, « ça va reprendre car la demande est énorme » notamment en Asie.

© AFP

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