Kenya : un « marais artificiel » purifie les eaux usées fétides d’une prison

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Des ouvriers travaillent sur un chantier d'aménagement d'un dispositif de traitement des eaux usées pour la prison Shimo la Tewa le 11 février 2022 à Mombasa, dans le nord du Kenya © AFP Simon MAINA

Mombasa (Kenya) (AFP) – Quelque part sur la route qui longe la côte kényane au nord de Mombasa, où s’égrènent villages, plages et complexes hôteliers, les usagers de la route étaient jusqu’à récemment submergés par une odeur pestilentielle. Chacun connaissait alors sa localisation exacte.

« Vous saviez toujours que vous étiez proche de la prison Shimo la Tewa », confirme Stephen Mwangi, un scientifique travaillant pour le gouvernement, qui vit depuis des décennies dans cette partie de la côte au bord de l’océan Indien.

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L’odeur ne venait pas directement de cet établissement pénitentiaire de haute sécurité qui héberge des milliers de détenus mais de son système d’eaux usées, qui, saturé, était bouché et fuyait.

Chaque jour, des dizaines de milliers de litres d’eaux usées se frayaient un chemin jusqu’à la crique toute proche de Mtwapa, qui se jette dans l’océan.

La pollution menaçait les réserves de poissons, les hôtels du bord de mer, de même que, plus au large, les récifs coralliens du parc marin de Mombasa, un haut lieu touristique local.

Les habitants se pinçaient le nez lorsqu’ils atteignaient le pont traversant la crique mais dans l’enceinte de la prison, la puanteur était insoutenable.

Les logements administratifs utilisés par les gardiens et les infirmiers avaient été déclaré inhabitables et abandonnés en raison de la menace sur la santé de ces occupants.

« Ceux qui vivaient (dedans) étaient vraiment affectés par l’odeur », affirme Erick Ochieng, le responsable adjoint de la prison de Shimo la Tewa. « Ce n’était pas bon ».

 Utiliser la nature

Pour résoudre de manière durable ce problème, une approche éco-responsable et bon marché est actuellement mise en place pour traiter ces eaux usées : un marais artificiel.

Un grand bassin est ainsi en train d’être creusé dans le sol, dans l’enceinte de la prison. Le système, simple et efficace, permettra de reproduire la façon dont la nature nettoie les eaux polluées grâce à l’action de la végétation aquatique, du sol et des microbes.

Une fois le système entièrement opérationnel – d’ici fin avril -, les eaux usées passeront d’abord par une fosse septique améliorée, où liquides et solides seront séparés.

De là, les liquides s’infiltreront dans des lits souterrains faits de sable et de gravier, filtrant les pathogènes et autres impuretés.

Le produit final devrait non seulement être sain pour les eaux de la crique, mais permettre aussi d’irriguer des fermes et des bassins à poissons aux alentours de la prison, note Stephen Mwangi, qui travaille pour l’Institut kényan de recherche sur la mer et la pêche, impliqué dans le projet.

Des roseaux plantés à la surface aideront également à la filtration et absorberont par ailleurs les nutriments du sous-sol. Leur développement doit attirer les oiseaux et autres animaux, tout en embellissant la zone.

« Il n’y aura pas d’odeur. Nous aurons au contraire un très bon environnement », ajoute M. Mwangi.

Respectueux du climat

Le programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), qui soutient le projet, estime que les marais artificiels offrent une solution abordable et modulable pour l’assainissement, tout en stockant du carbone et en aidant à rafraîchir la planète.

GreenWater, l’entreprise kényane qui construit le projet de Shimo la Tewa, a ainsi conçu des marais éco-responsables pour des écoles, des maisons, des entreprises et des fermes. Et l’idée pourrait essaimer ailleurs sur la côte.

Les régions côtières abritent 40% de la population mondiale et font partie de zones les plus densément peuplées de la planète, selon l’UNEP.

Les criques et les anses qui parsèment la côte kényane sont théoriquement nettoyées en permanence par les marées, pointe l’écologiste David Obura.

« Le problème c’est que maintenant avec tellement de monde, et tellement de pression (…) cela ne marche plus », poursuit le directeur de CORDIO Afrique de l’Est, un institut de recherche sur les océans basé au Kenya.

Les eaux usées qui se déversent dans les criques autour de Mombasa – plus vieille ville kényane et deuxième en taille – sont emportées vers le nord par les vents et les courants, souillant les plages et abîmant les coraux.

Pour M. Obura, il n’est pas trop tard pour repenser les systèmes d’eaux usées des grandes villes comme Mombasa, et les marais artificiels représentent un « outil clé » pour les décideurs qui veulent combattre la pollution.

« Il nous faut des solutions locales utilisant des systèmes naturels, et ensuite je pense que nous pourrons vraiment résoudre certains de ces défis ».

© AFP

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