Sur la piste des trafiquants d’ivoire grâce à l’ADN des éléphants

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Des défenses d'éléphants saisies à Hong Kong, le 1er février 2019 © AFP/Archives Anthony WALLACE

Paris (AFP) – Des tests ADN pratiqués sur des défenses d’éléphants ont permis de remonter à la source du trafic illégal d’ivoire, dévoilant de vastes réseaux tissés à travers l’Afrique par une poignée d’organisations criminelles, selon une étude parue lundi.

Les chercheurs ont passé au crible plus de 4.300 défenses de pachydermes en provenance de 12 pays d’Afrique, dans le but d’aider les enquêteurs à lutter contre le très juteux commerce illégal d’ivoire, qui contribue à décimer les éléphants de savane et de forêt.

Ils ont pratiqué des tests ADN sur 49 saisies effectuées entre 2002 et 2019, dans des containers où les défenses avaient été dissimulées parmi d’autres marchandises… mais quasiment jamais par paires, pour brouiller les pistes.

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La génétique a permis ainsi de relier un même individu à une autre cargaison, comme l’avait révélé une précédente étude menée par la même équipe, en 2018.

Mais les chances de marier une paire restant minces, les chercheurs ont décidé d’élargir leur jeu de piste à la famille proche: parents et progéniture, fratrie, demi-frères et demi-sœurs, explique l’étude publiée dans Nature Human Behaviour.

De multiples liens familiaux ont ainsi permis de connecter entre elles de multiples saisies et permis de remonter la filière. Révélant qu’à la source « les braconniers s’en prenaient année après année aux mêmes groupes d’éléphants », a détaillé Samuel Wasser, l’auteur principal de l’étude, professeur de biologie à l’université de l’État de Washington, lors d’une conférence de presse.

Les défenses sont ensuite acquises et expédiées au plus vite dans des containers hors d’Afrique, par le même réseau criminel.

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Seule une petite poignée de cartels orchestre la sortie de ces cargaisons, le plus souvent à destination de l’Asie. Via des ports d’Afrique de l’Est, mais aussi du Centre et de l’Ouest, ajoute l’étude qui dresse une feuille de route semblable à une toile d’araignée.

La mise au jour de ces connexions devrait permettre de poursuivre les trafiquants non plus pour une unique saisie, mais « pour des crimes transnationaux, punis par des peines plus lourdes », se félicite John Brown, enquêteur du Département de la Sécurité intérieure des États-Unis, qui a participé à l’étude.

Environ 50 tonnes d’ivoire sont saisies chaque année, soit seulement 10% du trafic mondial, le troisième le plus rentable après celui de stupéfiants et d’armes.

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Le marché, évalué à plusieurs milliards de dollars, est d’autant plus difficile à démanteler que les cartels sont « hyper-connectés entre eux, et s’entraident », observe John Brown. Qui constate que les efforts pour rendre la vente d’ivoire illégale à travers le monde n’ont que « peu d’impact sur son trafic ».

De plus, les organisations criminelles « évoluent constamment vers d’autres produits illicites exploitant d’autres espèces sauvages », comme les écailles de pangolin, souvent mêlées aux cargaisons d’ivoire, et très recherchées pour leurs propriétés médicales supposées, complète cet enquêteur.

© AFP

Un commentaire

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    • Claude Courty

    L’or, l’ivoire, le bois, … objets (entre autres) de la convoitise humaine, dont les effets mortifères augmentent inéluctablement avec le nombre des représentants de l’espèce du même nom