Macron accélère dans le nucléaire, plus sélectif sur les renouvelables

macron nucleaire

Emmanuel Macron prononce un discours à Belfort, le 10 février 2022 © POOL/AFP Jean-Francois Badias

Belfort (AFP) – Emmanuel Macron a annoncé jeudi, à deux mois de la présidentielle, un vaste plan de relance du nucléaire civil, avec la construction de 6 à 14 réacteurs pour 2050, et l’essor de l’éolien marin, mais un coup de frein sur les éoliennes terrestres.

Le président a demandé à EDF la construction de six réacteurs de nouvelle génération EPR2, pour une première mise en service à l’horizon 2035. A cela s’ajoute l’étude pour huit de plus pour la fin de la décennie 2040.

« Concrètement, nous allons engager dès les semaines à venir les chantiers préparatoires », a dit Emmanuel Macron, promettant « des financements publics massifs de plusieurs dizaines de milliards d’euros » et de « sécuriser la situation financière d’EDF », lourdement endetté.

« Je souhaite qu’aucun réacteur nucléaire en état de produire ne soit fermé à l’avenir », a aussi martelé le chef de l’Etat, alors qu’une douzaine devaient fermer d’ici 2035 en plus des 2 de Fessenheim, déjà arrêtés.

Attendu sur la relance du nucléaire, le président sortant et quasi-candidat a plus largement présenté sa vision de l’avenir énergétique de la France, engagée à la neutralité carbone en milieu de siècle pour contrer le réchauffement.

Et pour cela, « oui, il nous faut développer massivement les énergies renouvelables », a-t-il insisté, commençant même par cela. La filière, entravée par les recours quasi systématiques et les lenteurs administratives, réclamait « une parole politique claire ».

Construire un nouveau réacteur nucléaire ce n’est pas avant 15 ans: on a donc besoin des énergies renouvelables tout de suite, a expliqué le président.

Emmanuel Macron a fixé jeudi l’objectif de doter la France d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour « viser 40 gigawatts en service en 2050 », un seuil très ambitieux alors que le tout premier site doit commencer à fonctionner en avril, avec 10 ans de retard.

D’ici 2050, il veut multiplier par près de dix la puissance solaire installée pour dépasser 100 gigawatts. Le pays compte au total plus de 13,2 GW aujourd’hui disponibles.

En revanche, sur les éoliennes terrestres, il souhaite multiplier par deux la capacité actuelle en 30 ans, plutôt qu’en 10 ans comme prévu jusqu’à présent.

« ça ou l’arrêt »

Ce discours-cadre du chef de l’Etat trace une perspective de long terme, mais doit aussi lui permettre d’occuper d’ores et déjà l’un des sujets majeurs de la campagne.

Le nucléaire est l’un des thèmes de la campagne présidentielle de 2022, certains candidats en prônant une sortie plus ou moins rapide (écologistes ou insoumis) tandis que d’autres (notamment à droite et à l’extrême droite mais aussi au parti communiste) sont favorables à cette énergie.

Le chef de l’Etat s’est exprimé à Belfort, sur le site de fabrication des turbines Arabelle dont EDF a annoncé jeudi même le rachat à l’américain GE.

Tout un symbole pour le président qui en 2015 alors ministre de l’Economie, avait accepté qu’Alstom les cède au groupe américain.

L’occasion pour lui de justifier jeudi cette décision devant les salariés: C’était ça ou l’arrêt », a-t-il dit, plaidant aussi « le choix d’une entreprise privée ».

Ce discours aux allures de programme énergie du futur candidat illustre l’évolution pro-nucléaire d’Emmanuel Macron, lui qui en 2017 insistait surtout sur son engagement de réduire le nucléaire à 50% de la production électrique, hérité de François Hollande.

C’est aussi un signe pour assurer aux Français que le coût de l’énergie ne dépendra pas des importations, dont la hausse des cours contribue lourdement à peser sur le pouvoir d’achat, autre thème majeur de la campagne.

Pour autant, la construction des futurs réacteurs sera un défi technologique et financier.

La France ne construit actuellement qu’un seul nouveau réacteur nucléaire EPR, à Flamanville (Manche), en chantier depuis quinze ans pour un coût très élevé.

Construire six réacteurs EPR2, sur des sites existants, coûtera une cinquantaine de milliards d’euros, a déjà prévu EDF.

Le groupe propose de les construire par paires sur trois sites: d’abord à Penly (Seine-Maritime), près de Dieppe, puis à Gravelines (Nord) et enfin à Bugey (Ain) ou bien Tricastin (Drôme).

© AFP

Nucléaire en France : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ?

Peut-on être écologiste et pro-nucléaire ?

Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du Nucléaire, 10 ans après Fukushima : « un accident nucléaire est possible même dans un pays à la pointe de la technologie »

Marc Jedliczka, porte-parole de l’Association négaWatt : « la conjugaison de ces deux familles de mesures, sobriété et efficacité, permet de diviser par 2 la consommation finale d’énergie de la France »

8 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Balendard

    Les présidents Poutine et Macron sont décidément des hommes politiques champions du toujours+.

    Le premier avec ses missiles militaires hypersoniques. Le second dans la mesure où il a l’intention de lancer la construction de six réacteurs EPR, voire même en option de huit autres supplémentaires.

    Pour le premier cela ressemble à du « c’est moi le plus fort aussi votre intérêt n’est pas de venir marcher sur mes pieds »
    Pour le second ce n’est plus la grenouille d’Al Goore qui meurt dans l’eau bouillante mais  » la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf » Le monde à l’envers en quelque sorte.

    Ces orientations si elles devaient se confirmer ressemblent à des décisions politiques d’hommes seuls qui auraient dans la pratique besoin du pouvoir latéral suggéré par jeremy Rifkin. Ceci particulièrement dans le 2eme cas, celui du nucléaire civil et de l’énergie que l’on devrait mieux maîtriser pour assurer nos besoins. Si la chaine énergétique du nucléaire devait malgré tout persister il est claire que cette technologie devrait être associée tout au plus à parts sensiblement égales avec l’hydrogène pour satisfaire l’intermittence hivernale du voltaique. Ceci en raison du potentiel considérable que nous offre le voltaique et si possible avec des réacteurs nucléaires plus faciles à mettre en œuvre, plus sûre et moins couteux que l’EPR actuel de Flamanville, ce qui semble être le cas avec les réacteurs à neutrons rapide à sel fondu.

    • Claude Courty

    Il est plus que temps de mettre fin à des atermoiements ne faisant que retarder l’inéluctable, en attendant que la marée démographque mondiale, qui est loin d’avoir fini de monter, rendent toute option illusoire.

    • Claude Courty

    Les énergies renouvelables étant pénalisées autant par leur transport que par leur stockage, l’avenir n’est-il pas – en complément d’un nucléaire “généraliste” sécurisé – à des renouvelables aux dimensions de leurs utilisations potentielles, qu’il s’agisse de collectivités locales, d’ensembles industriels ou d’exploitations agricoles, d’hôpitaux ou d’universités… à chacun son parc éolien, marée-moteur, solaire, etc.
    Et concernant particulièrement la mobilité : à chaque vélo, auto, bus, camion, train, avion et bateau, ses moyens de capter, stocker et utiliser l’énergie nécessaire à l’exercice de sa fonction, qu’il s’agisse de déplacer des voyageurs ou du fret.

    Du grain à moudre pour l’industrie et ses inventeurs !

    • Poleoto

    Le programme éolien étalé sur 30 ans au lieu de 10 , c’est simplement placer 5000 machines par an dans les paysages . Le lobby a encore dicté sa loi .

    • Balendard

    Si la chaine énergétique du nucléaire devait malgré tout persister, il est claire pour le Lutin thermique que je suis que cette technologie devrait être associée uniquement et tout au plus à parts égales avec l’hydrogène pour satisfaire l’intermittence hivernale du couple voltaique-éolien.

    Il est rassurant d’observer que le chef de l’État est conscient de l’urgence qu’il y a à agir sur l’hexagone en ce qui concerne la remise en cause de nos chaînes énergétiques actuelles.
    Une production locale de l’énergie nous mettrait à l’abri de la hausse et des fluctuations continuelles des cours que nous impose les importations.
    Il est par contre inquiétant d’observer que la rapidité de mise en oeuvre actuelle
    des énergies renouvelables dans l’hexagone n’est pas à la hauteur du besoin. Et ceci particulièrement en ce qui concerne le voltaique vu que ce poste a été positionné semble-t-il avec justesse par le chef de l’état à la première place sur le plan quantitatif avec ce chiffre de 100 GW.
    Ceci dit si le nucléaire devait malgré ses inconvénients aider l’hydrogène à satisfaire l’intermittence hivernale du couple voltaique-éolien on peut se poser la question de savoir s’il ne serait pas souhaitable d’implanter des réacteurs nucléaires plus faciles à mettre en œuvre, plus sûres et surtout moins couteux que l’EPR actuel de Flamanville ce qui semblerait envisageable avec les réacteurs à neutrons rapide à sel fondu.

    • Henri DIDELLE

    MÊME LES VERTS VONT FINIR PAR COMPRENDRE…
    Pour aller vers le renouvelable nous avons besoin d’énergie décarbonnée… On ne va quand même pas produire de l’Hydrogène avec de charbon ? N’importe quel blaireau peut comprende cela.
    Le nucléaire est incontournable pour permettre la transition. Ceux qui pensent le contraire n’ont qu’à nous donner leur recette !!!

    • Balendard

    J’accepte le débat mais à l’aube du réchauffement climatique il me parait souhaitable voire essentiel de ne pas s’orienter pendant 3 à 4 générations vers les chaines énergétiques passant par les hautes températures pour satisfaire nos besoins en énergie

    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/essentiel.pdf

    • Balendard

    il y a au moins une chose positive dans les déclarations du président Macron : la prise de conscience qu’en raison de la menace du réchauffement climatique, il y a urgence à agir en ce qui concerne les énergies renouvelables. Cela en raison de la lenteur de mise en œuvre du nucléaire.

    Pour le reste cette décision de mener de front le nucléaire et le renouvelable ressemble malheureusement au « toujours plus » et va accroître considérablement nos dépenses et notre dette. Ceci alors que la priorité des priorités est de dominer aussi rapidement que possible et à moindre frais le gâchis actuel en s’orientant plutôt vers le « consommer moins » plutôt que vers le « produire plus »
    Voir à ce sujet:
    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/incitation-ENR.htm

    j’espère que le lecteur qui prendra le temps de lire ce fichier comprendra qu’il serait possible avec les nouvelles chaînes énergétiques du style « Solar Water Economy » de satisfaire plus efficacement notre confort de vie en diminuant dans le même temps notre consommation en électricité et en gaz