Chez les chimpanzés, casser les noix ne s’improvise pas

Nimba singe chimpanzés
Photo fournie le 24 janvier 2022 d'un chimpanzé de la réserve de Nimba en Guinée © Handout/AFP Kathelijne Koops

Paris (AFP) – Comme dans un atelier d’apprentissage : quand les chimpanzés arrivent à casser des noix avec des pierres, ça n’est pas le fruit du hasard mais d’un véritable savoir-faire acquis auprès de leurs congénères les plus expérimentés, selon une étude parue lundi.

Les chimpanzés sont souvent considérés comme les primates les plus proches de l’Homme, notamment parce qu’ils sont capables de taches compliquées, comme l’utilisation d’outils.

Il est néanmoins difficile de déterminer d’où leur vient cette aptitude. Certains scientifiques l’attribuent à une « culture cumulative », par laquelle certains primates non-humains transmettraient leurs compétences de génération en génération, perfectionnant leurs techniques au fil du temps.

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Pour d’autres scientifiques au contraire, cette forme d’apprentissage social est propre à l’Homme. Chez les chimpanzés, l’utilisation d’outils se développerait spontanément –comme si chaque individu repartait de zéro, sans recopier un modèle.

Cette deuxième hypothèse suppose l’existence d’une « zone de solutions latentes » dans le cerveau des primates non-humains, qui semble effectivement à l’œuvre pour l’usage d’outils rudimentaires, comme des bâtons pour ramasser la nourriture.

Mais qu’en est-il de pratiques plus sophistiquées telles que le craquage de noix, à l’aide de pierres faisant office de marteau et d’enclume ?

Outils ignorés

Des expériences menées sur des chimpanzés en Guinée, et décrites dans la revue Nature Human Behaviour, font avancer le débat.

Une équipe de chercheurs, menée par la primatologue Kathelijne Koops, de l’Université de Zurich, a comparé le comportement d’une communauté de chimpanzés sauvages à celui d’individus en captivité à Bossou, dans la réserve naturelle du Mont Nimba (sud de la Guinée).

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Bossou est l’un des premiers lieux où a été établi scientifiquement l’emploi d’outils sophistiqués par des chimpanzés en captivité.

Les chercheurs ont présenté ces mêmes outils à des chimpanzés sauvages, toujours au Mont Nimba, sous différentes configurations : avec d’abord des noix de palme dans leurs coquilles et des pierres capables de les casser. On ajoutait ensuite des noix déjà décortiquées, puis des noix de cola, réputées plus faciles à casser.

Le tout répété sur plusieurs mois, entre 2008 et 2011, dans quatre sites différents, visités par des dizaines de chimpanzés et filmés en caméras cachées. Résultat : s’ils ont bien manipulé les outils, pas un seul n’a daigné s’en servir pour accéder à sa pitance, ni même tenté le coup. Invalidant ainsi l’hypothèse d’un usage spontané.

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A seulement 6 km de là, chez leurs congénères du centre d’études de Bossou, le craquage de noix est chose courante. « Les recherches menées à Bossou et sur d’autres communautés de +casseurs de noix+ ont montré que les jeunes individus regardaient leurs aînés faire de près, et s’entraînaient », explique à l’AFP Kathelijne Koops, professeure au département d’anthropologie de l’Université de Zurich.

Son étude vient donc renforcer la thèse d’une « culture cumulative » (transmise des ainés aux plus jeunes). Ce qui supposerait, selon la chercheuse, « une origine commune avec l’Homme dans l’évolution ».

© AFP

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