En Papouasie, des rebelles armés d’arcs et de flèches rêvent d’indépendance

Le commandant rebelle Papou Wiro Nongganop dans une maison à Yapsi, dans la province occidentale de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le 26 septembre 2021 © AFP Chris MCCALL

Yapsi (Papouasie-Nouvelle-Guinée) (AFP) – Wiro Nongganop dit commander un bataillon d’indépendantistes de Papouasie occidentale, mais n’a pour seules armes que des arcs et des flèches, et vit en exil dans une hutte faite d’écorces, se nourrissant parfois de simples feuilles de pommes de terre.

Originaire de la province indonésienne de Papouasie occidentale, M. Nongganop a fui sa terre natale en 2019 avec quelques membres de son peuple Muyu pour traverser la frontière, très poreuse et s’installer en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Il assure que 700 hommes suivent son commandement, essayant de survivre grâce à quelques cultures sur les terres marécageuses offertes par le gouvernement et rêvant d’une indépendance de la Papouasie occidentale, un objectif inaccessible depuis que l’Indonésie a pris le contrôle de cette moitié de l’île, il y a 60 ans.

« Si nous avions des armes, nous ferions la guerre », explique à l’AFP M. Nongganop, commandant de bataillon de l’Organisation Papouasie libre (OPM), assis en tailleur à côté de son adjoint dans sa modeste hutte.

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« Mais il n’y a pas d’armes. Si nous utilisons une fois une flèche, ils utilisent des armes à feu ».

Pendant des décennies, les rebelles de Papouasie occidentale ont mené une insurrection à la hauteur de leur faible équipement contre les forces de Jakarta, tout en peinant à trouver un soutien international.

Mais aujourd’hui, la colère, la pauvreté extrême et les violations présumées des droits humains par l’Indonésie confortent les partisans de la ligne dure et leur désir d’action militaire directe au sein du mouvement indépendantiste fragmenté.

Les rebelles ont intensifié leurs attaques, visant des chantiers de routes, mais aussi les écoles et les cliniques qu’ils estiment liées à l’armée.

En avril, les indépendantistes ont tué le chef des renseignements indonésiens en Papouasie, ce qui a considérablement accru les tensions.

Jakarta a réagi en qualifiant tous les séparatistes de « terroristes », en envoyant davantage de troupes dans la région et en lançant des représailles sanglantes.

Les envoyés des Nations unies ont exprimé leur « grave préoccupation » quant à la réaction excessive de l’Indonésie, qui semble « refléter un schéma plus large de racisme » à l’encontre des Papous indigènes.

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En 2020, ils ont cité des accusations de tortures, le meurtre de civils papous et le déplacement de dizaines de milliers d’autres.

Ils se sont aussi inquiétés du fait que Jakarta a coupé l’accès à internet de façon sporadique et interdit de facto la présence de presque tous les journalistes étrangers dans la région, rendant toute vérification très difficile.

Le gouvernement indonésien n’a pas répondu aux sollicitations, mais le ministre de la Sécurité Mahfud MD a assuré que les Papous étaient considérés comme égaux aux autres citoyens en Indonésie.

« Les Papous sont des frères pour nous, tout comme les Javanais, les Bugis, les populations de Sumatra et d’Aceh », a-t-il insisté.

‘Meurtres secrets’

Wiro Nongganop s’estime heureux d’être en vie aujourd’hui.

Lui et son adjoint énumèrent les Papous issus de plusieurs groupes ethniques qui sont morts ou ont disparu dans des circonstances suspectes ces dernières années.

« Ils ont perpétré des meurtres secrets », assure-t-il. « C’est un système unilatéral. Ils ne se soucient pas de la population. »

« Trois membres des Kopassus avec une voiture et un camion blindé sont venus dans ma maison pour m’emmener. Alors nous nous sommes enfuis » dit-il, employant le nom sous lequel sont connues les forces de sécurité indonésienne, qui patrouillent régulièrement dans les villages frontaliers.

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Il espère recevoir des armes à feu pour que les rebelles puissent riposter, mais personne ne leur en a donné pendant leurs décennies de combats, ne leur laissant que leurs armes artisanales trditionnelles: des arcs, des flèches et des lances.

Et pour les gens comme Wiro Nongganop, la vie dans la province la plus pauvre de Papouasie Nouvelle-Guinée est difficile et le premier combat à mener est souvent celui pour sa propre survie.

‘Peur de rentrer’

Son village, Yapsi, aussi appelé « Nouvel Emplacement », est un endroit difficile à cultiver. La terre est pauvre, les plantes poussent mal et la malnutrition et la tuberculose y sont courantes.

Des enfants jouent entre les bâches aux couleurs de différentes agences des Nation Unies. L’école reste peu accessible.

Beaucoup des Papous arrivés en 2019 ont préféré retourner de l’autre côté de la frontière, en Indonésie, malgré les risques qui les y attendent.

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« Ils avaient faim. Ils ne pouvaient pas le supporter », explique Wiro Nongganop, décrivant le manque de nourriture récurrent.

Pour lui, le retour est impossible, au moins pour le moment. Les forces de sécurité indonésiennes savent qui il est, dit-il. « J’ai peur de rentrer », soupire-t-il, « je vais attendre l’indépendance et ensuite je rentrerai ».

© AFP

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