Dans la ferraille et les raffineries, le terrible travail des enfants en Syrie

Mains d'un enfant syrien travaillant dans une forge dans la ville d'al-Bab en Syrie, le 18 novembre 2021 © AFP Bakr ALKASEM

Al-Bab (Syrie) (AFP) – A 15 ans, Mohammad Makhzoum a oublié l’enfance. Cet orphelin de la guerre en Syrie a abandonné l’école et travaille 12 heures par jour comme ferrailleur pour nourrir ses deux plus jeunes frères et sa sœur.

Chaque matin à six heures, il se rend au travail où il fait fondre toute la journée le métal dans un large chaudron en plein air. Le soir, il revient chez lui s’assurer que ses frères et sa sœur ont fait leurs devoirs et leur préparer un repas.

« Je suis leur mère et leur père », dit-il à l’AFP, le visage et le corps recouverts de suie, dans un parc à ferraille de la ville d’Al-Bab dans le nord de la Syrie.

« Je travaille pour qu’ils puissent continuer leurs études car ils ne devraient pas être privés d’école comme moi. »

Après une décennie de guerre en Syrie, environ 2,5 millions d’enfants sont déscolarisés et 1,6 million risquent de quitter les bancs de l’école, selon l’Unicef qui a marqué le 20 novembre la journée internationale des droits de l’enfant.

Neuf enfants sur dix vivent dans la pauvreté et plus de 5.700, certains pas plus âgés que sept ans, ont été recrutés pour prendre part aux combats, d’après le Fonds de l’ONU pour l’enfance (Unicef).

En l’absence de données officielles, on estime que le nombre d’enfants qui travaillent a régulièrement augmenté depuis le début de la guerre en 2011.

« Souffrir comme moi »

« Il est évident que le travail des enfants a augmenté en Syrie (…) en raison du Covid-19 et de l’aggravation de la crise économique », déclare à l’AFP une porte-parole de l’Unicef, Juliette Touma.

Elle souligne que les enfants qui travaillent en Syrie « sont exposés à des conditions absolument horribles, terribles ».

Mohammad Makhzoum, originaire de la ville de Maarat al-Noomane dans la province d’Idleb contrôlée par les jihadistes et les rebelles, a quitté l’école à l’âge de neuf ans pour aider sa famille, après la mort de son père dans un bombardement du régime.

Il y a deux ans, il a perdu sa mère dans les combats.

Il s’est enfui avec ses deux frères et sa soeur à Al-Bab, une ville sous contrôle des milices syriennes proturques. La petite famille vit dans un deux-pièces criblé de balles, meublé de quelques matelas.

Son revenu hebdomadaire n’est que l’équivalent de cinq dollars, mais il se débrouille pour assurer la nourriture et acheter des fournitures scolaires à ses frères et sa soeur.

« Je travaille pour eux. J’aimerais les voir devenir médecins ou professeurs, ne pas souffrir comme moi. »

Mais un grand nombre d’enfants syriens ont peu de chances d’avoir une vie décente.

Amer al-Chaybane a 12 ans. Il travaille dans une raffinerie de fortune à al-Bab.

Manteau noir et bonnet rouge le protégeant du froid, il s’agenouille dans la boue pour extraire des morceaux de charbon qu’il entasse dans un sac en plastique. Ployant sous le poids du sac, il le porte pour aller alimenter un four dégageant des fumées toxiques.

« Rêves brisés »

« Je rêve de tenir un cahier et un crayon et d’aller à l’école. Mais je suis forcé de travailler », dit Amer qui n’a jamais appris à lire et écrire.

Rencontré par l’AFP à la raffinerie, il raconte qu’il est le principal gagne-pain de la famille.

« Je travaille été comme hiver dans la raffinerie pour aider mes parents. J’ai toujours mal à la poitrine à cause de la fumée. »

Quand il termine son travail, il marche jusqu’au camp de déplacés voisins où il vit avec ses parents et cinq frères et sœurs plus jeunes. Ses frères plus âgés ont été tués dans un bombardement du régime près d’Alep.

Son père souffre de diabète et d’artères bloquées, et la famille subsiste à peine avec son salaire mensuel de cinq dollars.

L’aîné de quatre enfants, Nadim al-Nako, 12 ans, a abandonné tout espoir de revenir à l’école, qu’il a quittée il y a deux ans pour aider son père forgeron.

Il travaille avec un chalumeau, les flammes à quelques centimètres du visage, pour mouler casseroles et poêles dans leur petite forge à Al-Bab.

« Aujourd’hui, ni l’école ni rien d’autre ne m’importe (…) La guerre a brisé nos rêves. »

© AFP

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