Côte d’Azur : la « mafia des déchets » sur le banc de la justice

Photo aérienne d'une décharge sauvage à Carrières-sous-Poissy, dans le Nord de Paris, le 8 août 2019 © AFP/Archives Eric Feferberg

Nice (AFP) – Dix-sept prévenus dont sept entreprises, 18 sites irrémédiablement pollués dans le Var et les Alpes-Maritimes: à Draguignan (Var) s’ouvrira lundi le procès de la « mafia des déchets », soupçonnée d’avoir organisé pendant des années le déversement sauvage de déblais de chantier dans la nature.

Prévu pour durer cinq jours, l’examen de ce dossier, où les prévenus encourent jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende pour diverses infractions pénales et atteintes à l’environnement, fait suite à un retentissant coup de filet qui avait mobilisé plus de 200 gendarmes et agents de l’Etat du Var, lors d’une opération baptisée « Terres brûlées », en juin 2020.

Les prévenus sont poursuivis pour abandon et gestion irrégulière de déchets en bande organisée, au titre du code de l’environnement. Mais aussi, au plan pénal, pour escroquerie en bande organisée, menace de mort, de crime ou de délit, ou encore extorsion par violence, entre autres. D’où ce qualificatif de « mafia des déchets » rapidement utilisé par les acteurs de ce dossier.

Menée depuis plusieurs mois, l’enquête avait mis au jour, selon Patrice Camberou, procureur de la République de Draguignan, « un système organisé depuis plusieurs années » au cours desquelles « des centaines de milliers de mètres cubes de terre, de béton, de ferraille ou de goudron avaient été déversés sur une vingtaine de sites irrémédiablement défigurés, entre Fréjus, Le Luc et Trans-en-Provence, dans le Var, et jusqu’à Sospel dans les Alpes-Maritimes ».

Les entreprises obtenaient des marchés d’évacuation de gravats, les facturaient au tarif réglementaire mais écoulaient et entreposaient les déblais « sur des terrains privés ou publics, en trompant ou menaçant les propriétaires », le tout coûtant « environ cinq fois moins cher », toujours selon le parquet.

Terre à l’arsenic

Selon la Fédération nationale de l’environnement (FNE), partie civile aux côtés notamment de la Fédération du BTP du Var, « de nombreux propriétaires privés se sont laissés avoir par ce réseau mafieux: à la recherche de terre pour de petits aménagement sur leurs parcelles, ils répondaient à des annonces sur Le Bon Coin ou Facebook pour obtenir de la terre végétale »: mais « alors qu’ils attendaient quelques camions, ce sont des centaines de camions qui venaient finalement déverser des déchets sur leurs propriétés ».

« Plusieurs personnes ayant essayé de s’opposer à ce flux incessant ont été menacées de mort », affirme la FNE.

Parmi les espaces pollués, l’association pointe des zones Natura 2000, des espaces boisés classés, mais aussi un site projet de périmètre de protection d’une source de production d’eau potable. Parmi les zones impactées, la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures, zone de sensibilité majeure pour la tortue d’Hermann, une espèce protégée.

La FNE pointe aussi le cas de cette propriété polluée par 240 tonnes de terre à l’arsenic et au plomb, où depuis ont notamment été plantées des vignes.

Le traitement des déchets de chantiers est problématique dans le Sud-Est et vire parfois, au-delà de ces atteintes à l’environnement, au drame humain. En août 2019, le maire du village varois de Signes, Jean-Mathieu Michel, 76 ans, était mort renversé par une camionnette dont il voulait verbaliser les occupants, après que ceux-ci avaient tenté de décharger des gravats dans la nature.

© AFP

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