La lutte pour le climat ne pourra se faire à crédit


Village traditionnel à Madagascar © Yann Arthus-Bertrand

Dans une tribune rédigée à l’initiative de Planète Urgence, plusieurs ONG -dont la Fondation GoodPlanet, rappellent le rôle majeur des ONG dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elles alertent sur la nécessité de leur donner les moyens d’agir. Elles demandent une réflexion sur les marchés des crédits carbone et les financements de l’action de terrain.

 

Nous, acteurs de terrain et organisations d’intérêt général qui mettons concrètement toute notre énergie au service de la solidarité, de la lutte contre le changement climatique et de la mobilisation des acteurs autour de la cause climatique, appelons à repenser le financement de l’action pour le climat à la hauteur des enjeux.

Les financements des ONGs et fondations insuffisants et souvent inadaptés

Ces financements sont essentiels pour soutenir les activités visant à atténuer le changement climatique, qu’il s’agisse de réduire les émissions ou de développer les puits de carbone pour limiter l’ingérable. Ils sont aussi incontournables pour faire face aux conséquences de ces changements à venir et permettre à l’humanité de s’adapter à l’inévitable

D’après une étude réalisée auprès de 41 ONG, fondations et entreprises sociales agissant directement pour le climat (1), 72% d’entre elles estiment ne pas disposer de moyens financiers adaptés. Les principaux moyens de financement actuels, les dons en mécénat et les financements par des bailleurs, sont aujourd’hui loin d’être suffisants.

Le marché des crédits carbone est exponentiel et pourrait être un outil complémentaire de financement. Il s’est vendu pour plus de 250 millions de tonnes de CO2 en 2020 dans le monde, soit 6 fois plus qu’il y a 10 ans. Mais alors que les crédits carbone sont affichés depuis des années comme un outil permettant de réduire les émissions ou capter des gaz à effet de serre, les prix trop faibles (4,5 euros/tonne équivalent CO2 en moyenne) et les règles qui les régissent les rendent parfois incompatibles avec les Objectifs de Développement Durable. Le constat est clair : si près de 80% des organisations interrogées se sont intéressées au financement via des crédits carbone, moins de 25% se sont effectivement engagées sur cette voie.

Les crédits carbone ne doivent pas constituer une solution unique

Les principales lacunes du dispositif tiennent à la complexité et au coût de la certification, ainsi qu’à son inadéquation avec des projets de qualité prenant en compte les interactions entre climat, populations et territoires. Il est en effet extrêmement coûteux de satisfaire toutes les exigences méthodologiques nécessaires à une certification carbone. Ces coûts liés à l’émission de crédits ont créé un marché attirant une myriade d’intermédiaires, d’auditeurs, certificateurs. Ces intermédiaires absorbent une part significative (et croissante) des ressources disponibles sans pour autant avoir un impact direct sur le climat. Les enjeux de rentabilité économique poussent alors certains projets à se focaliser sur des tonnes de CO2 à des prix très faibles, oubliant les enjeux sociaux et environnementaux qui sont essentiels à une société juste et bas carbone. Aujourd’hui, les co-bénéfices locaux liés aux projets de compensation ne sont d’ailleurs même pas cités parmi les 3 principales considérations des entreprises dans leurs achats de crédit carbone. Une entreprise peut actuellement acheter des crédits carbone à un prix très faible, par exemple sur des projets favorisant la monoculture, dont on connaît les ravages pour la biodiversité, ou privant les populations autochtones de l’accès aux forêts.

Alors que la COP 26 de Glasgow, qui se déroulera du 1er au 12 novembre, doit définir un cadre plus précis sur le rôle des marchés carbone dans l’atteinte des objectifs climatiques, il est nécessaire de repenser collectivement et de diversifier les financements des projets au bénéfice de l’atténuation et de l’adaptation aux changements climatiques, de la biodiversité et de la réduction des inégalités. Les crédits carbone sont souvent loin d’être la panacée ; au contraire, c’est aujourd’hui un marché de niche souvent « low cost », qui ne finance que certains types de projets ; des alternatives existent et doivent être renforcées en complément de la finance carbone.

Donnons aux ONG et Fondations les moyens d’agir pour le climat

Il est donc crucial de donner enfin aux acteurs de terrain, ONG, fondations, entreprises sociales ou engagées, les capacités d’agir face à la crise. Il est essentiel de les outiller de façon plus conséquente avec des moyens financiers et humains au regard des enjeux planétaires en cours et à venir.

Nous appelons donc les pouvoirs publics à une meilleure régulation du marché des crédits carbone permettant de flécher ces financements vers des projets à co-bénéfices, prenant en compte non seulement le climat, mais aussi la biodiversité et les communautés humaines. Nous invitons aussi l’ensemble des acteurs, et notamment les entreprises et les particuliers, à encourager le financement du mécénat climatique et à promouvoir des dispositifs hybrides regroupant mécénat et contribution carbone.

Sur le sujet du financement des actions pour lutter contre les changements climatiques, nous n’avons définitivement plus le droit de considérer que nous aurons le temps de faire mieux, plus tard, peut-être….

[1] Étude réalisée entre juin et août 2021 par Planète Urgence avec le soutien de Coordination Sud, de la Coalition des fondations françaises pour le Climat et du Réseau Action Climat, auprès de 41 ONG, fondations, entreprises sociales ayant un impact sur le climat.

Etat des lieux 2020 de la compensation carbone, Info Compensation Carbone

La lutte pour le climat ne pourra se faire à crédit, tribune collective à l’initiative de Planète Urgence. (publiée initialement dans La Tribune)

Signataires :

Planète Urgence, Amandine HERSANT, Directrice Générale

Geres, Marie-Noëlle Reboulet, Présidente

Fondation GoodPlanet, Albane GODARD, Directrice Générale

Carbone4, César Dugast, Co-responsable du pôle Neutralité, Carbone 4

Jane Goodall Institute France, Galitt KENAN, Directrice Générale

 
 
 
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Lejepad-BF, Abdoul Aziz KAFANDO, Directeur exécutif

ONG ADEI, Willy Nlandu Mbele  coordonnateur

GRET, Henry de Cazotte, Président

CAPONG (DAKORO NIGER) Yacoubou kadade Président

ONG ONDES Niger ( Organisation Nigérienne pour le Développement, l’environnement et la Santé) Barmo DAN IYA Coordonnateur

Association la Voûte Nubienne, Thomas Granier, Directeur Général

Brigades Nature, Jean-Luc Dozité, Directeur Général

ONG-CFED-ASBL( Centre de formation des Enfants Désoeuvrés) Icard Ngoto Kimba ,Coordonnateur.  RD Congo

ONG-RICE(Réseau International des Citoyens pour l’Environnement) André Rock MOLANDA  Président Fondateur. Congo Brazzaville

ONG : ( Groupe d’Appui aux Dynamismes Paysans/ GADyP ) Rodrigue Dopavogui, président du CA -Guinée Conakry.

Alsace Nature – Maurice WINTZ, Président

Noé, Arnaud Greth, Président

Surfrider Foundation Europe – Florent Marcoux, Directeur Général.

Fondation Ensemble, Jacqueline Délia Brémond. Présidente déléguée

CRAterre Association, Bakonirina Rakotomamonjy, Présidente

ONG PRODECOM (Projet de développement communautaire) Tito Dimbi Président, RDC

Inti Energies Solidaires – Agnès RIZZO –  Directrice

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