Peut-on recycler les batteries des véhicules électriques ?

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Usine de batteries électriques en Chine © STR / AFP)
La voiture électrique permet de décarboner en partie les transports, mais le devenir des batteries après leur utilisation reste un problème ouvert.
Michael Marais, Flickr, CC BY

Serge Pelissier, Université Gustave Eiffel

La quantité de batteries lithium-ion fabriquées a été multipliée par 80 entre 2000 et 2018. En 2018, 66 % d’entre elles étaient utilisés dans des véhicules électriques. Le développement programmé de la mobilité électrique va accroître le besoin en batterie et l’agence internationale de l’énergie estime qu’entre 2019 et 2030 le besoin en batterie va être multiplié par 17.

Cette situation soulève de nombreuses questions en lien avec les matériaux utilisés dans leur fabrication : quelles sont les ressources ? Quels sont les impacts environnementaux de leur extraction ? Peut-on les recycler ?

Lorsque l’on s’intéresse aux matériaux des batteries lithium-ion utilisées aujourd’hui dans l’immense majorité des véhicules électriques, il faut en premier lieu souligner qu’il existe plusieurs technologies de batteries. Si toutes contiennent du lithium, les autres constituants varient : les batteries présentes dans les téléphones où les ordinateurs contiennent du cobalt, celles qui alimentent les véhicules peuvent contenir soit du cobalt avec du nickel ou du manganèse, soit ne pas en contenir du tout dans le cas des technologies au fer-phosphate.

La composition chimique exacte de ces composants de stockage est difficile à identifier car elle relève du secret industriel. De plus, des améliorations sont régulièrement apportées aux batteries pour augmenter leurs performances : la composition chimique des batteries évolue donc avec le temps. Quoi qu’il en soit, les principaux matériaux impliqués dans la fabrication des batteries lithium-ion sont le lithium, le cobalt, le nickel, le manganèse et le graphite. Tous sont repérés comme des matériaux présentant des risques de disponibilité et des risques environnementaux.

La question de la disponibilité de ces matériaux est complexe à appréhender : d’une part, la valeur des réserves est soumise à des considérations géopolitiques et aux évolutions des techniques d’extraction ; d’autre part, les besoins en matériaux sont très sensibles aux hypothèses de prospectives (nombre de véhicules électriques et taille de leur batterie).

Quels impacts environnementaux ?

La question des impacts environnementaux de la fabrication des batteries est peut-être encore plus importante. Même s’il existe suffisamment de matériaux, les impacts de leur exploitation doivent être sérieusement pris en compte.

Les études montrent que la fabrication des batteries peut avoir des impacts élevés en matière de toxicité humaine ou de pollution des écosystèmes. Se rajoute à cela le besoin de surveiller les conditions de travail dans certains pays. De plus, l’analyse des impacts environnementaux nécessite de connaître parfaitement la composition et les procédés de fabrication des batteries, alors que ces informations sont difficiles à obtenir pour d’évidentes raisons de propriété industrielle.

Le recyclage des matériaux peut-il apporter des solutions pour limiter ces risques et ces impacts ?

Il existe principalement deux familles de procédés de recyclage de batteries utilisées séparément ou en combinaison.

Le premier est la pyrométallurgie, qui détruit les constituants organiques et plastiques en les portant à haute température et ne conserve que les composés métalliques (nickel, cobalt, cuivre…) qui sont ensuite séparés par voie chimique.

Le second est l’hydrométallurgie qui ne comprend pas d’étape à haute température, mais qui sépare les constituants uniquement par différents bains de compositions adaptées chimiquement aux matériaux que l’on souhaite récupérer.

Dans tous les cas, les batteries doivent tout d’abord être broyées pour obtenir des poudres. Les deux procédés sont actuellement exploités industriellement dans le recyclage des batteries lithium-ion des téléphones et des ordinateurs portables pour récupérer le cobalt qu’elles contiennent. Ce dernier matériau est tellement précieux que sa récupération assure la rentabilité économique de la filière actuelle du recyclage de batteries lithium-ion.

Mais comme les technologies de batteries lithium-ion utilisées du côté des véhicules électriques ne contiennent pas toutes du cobalt, la question du modèle économique de leur recyclage se pose toujours et il n’existe pas encore de réelle filière industrielle de recyclage pour ces batteries. La raison principale est l’absence de volume suffisant de batteries à traiter : le déploiement massif de voitures électriques est relativement récent et leurs batteries ne sont pas encore en « fin de vie ».

D’ailleurs, la définition de cette fin de vie est elle-même soumise à discussion. Les batteries « de traction » (qui permettent aux véhicules électriques de rouler) sont par exemple considérées comme inaptes au service lorsqu’elles ont perdu 20 ou 30 % de leur capacité – ce qui correspond à une perte équivalente de l’autonomie du véhicule.

Peut-on envisager une seconde vie pour les batteries des véhicules électriques ?

Un débat existe alors sur une possible « seconde vie » de ces batteries qui permettrait de prolonger leur utilisation et ainsi de diminuer leurs impacts environnementaux. Cette potentielle seconde vie soulève tout d’abord des défis liés à la reconfiguration nécessaire des batteries et de leur dispositif électronique de surveillance. Il faut ensuite identifier des applications pour ces batteries aux performances « amoindries ». Une utilisation comme stockage d’énergie connecté au réseau électrique est envisagée et de nombreuses expérimentations existent.

On envisage de réutiliser certaines batteries de véhicules dans des fermes solaires par exemple – un modèle économique et écologique amplement discuté. Ici, la batterie d’une eMini.
Underway in Ireland/Flickr, CC BY-NC-SA

Cependant, un acteur majeur comme RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France, estime que cette utilisation n’est pas pertinente, fonctionnellement et économiquement, et préconise plutôt de recycler les batteries de véhicules électriques en fin de première vie.

Mettre en place une filière de recyclage adaptable aux technologies en évolution

La mise en place d’une filière de recyclage devra également trouver un modèle économique capable de s’adapter à la diversité des technologies de batteries sans avoir à multiplier les procédés de recyclage.

Enfin, il faut noter que ces problématiques d’impacts environnementaux et de recyclage ne sont pas simples à traiter pour des technologies qui n’ont pas toujours atteint leur maturité et dont la pérennité n’est pas assurée dans le long terme. Les batteries lithium-ion évoluent très rapidement – les technologies de batteries au lithium-métal par exemple – et on voit même apparaître des technologies concurrentes sans lithium – comme le sodium-ion par exemple.

Pour toutes ces raisons, les impacts environnementaux, économiques et sociaux de la fabrication et du recyclage des batteries de véhicules électriques et de leurs matériaux doivent continuer à être étudiés. La pression législative et citoyenne doit continuer pour obtenir une transparence sur les procédés de fabrication afin de permettre la quantification des impacts et d’identifier les moyens pour les limiter. Les prochains programmes de recherche européens se positionnent d’ailleurs dans cette direction en incluant la dimension environnementale dans le développement des nouvelles batteries.

Limiter l’utilisation de batteries électriques passe par la limitation de la taille et de la puissance des véhicules à moteur.
Filip Mroz/Unsplash, CC BY

Il ne faut cependant pas tout attendre d’une potentielle technologie miraculeuse de batterie propre, performante et pas chère – qui relève probablement de la chimère. Il est important de freiner la course à l’augmentation des tailles des batteries de véhicules électriques – et donc limiter la puissance, la masse et l’autonomie des véhicules eux-mêmes.

Cela demande de repenser l’organisation de notre mobilité – sortir du « tout voiture » – plutôt que de chercher à remplacer une technologie (le moteur thermique) par une autre (le moteur électrique).The Conversation

Serge Pelissier, Chercheur sur le stockage de l’énergie dans les transports, Université Gustave Eiffel

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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2 commentaires

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    • Balendard

    Arrivée à ce stade concernant l’évolution de nos chaînes énergétiques, une étude comparative des dommages causées à notre environnement par les dispositifs de stockage de l’énergie électrique mérite examen. Ceci particulièrement entre l’hydrogène et les batteries puisque chacun d’entre nous sait, ou du moins devrait savoir, que stocker de l’hydrogène c’est stocker de l’énergie. Ceci au choix sous forme mécanique avec la combustion de l’hydrogène ou sous ses deux formes à la fois électrique et thermique avec la pile à combustible. Ceci aussi avec le fait que sur les grandes distances, il est très probablement préférable de transporter l’énergie condensée dans l’hydrogène plutôt qu’avec les liaisons filaires sous sa forme électrique. Forme de raisonnement bien compris par la chancelière allemande dans des accords avec le Kazakhstan. Voir

    http://infoenergie.eu/riv+ener/energie-sans-riviere/La%20fusion-nucleaire-controlee.htm

    • Serge Rochain

    Il n’y a aucun problème pour recycler les batteries LI-on comme c’est déja fait depuis longtemps pour les autres types de batteries plus anciennes et les filières sont déjà en place pour ces dernières depuis longtemps. La nouveauté c’est que la masse représentée comparativement par les batteries de VE en fait un marché particulièrement attractif pour ces recycleurs qui s’en frottent les mains.
    Inutile de crier à l’avance « Au loup » une catastrophe écologique se prépare, car ce qui se prépare c’est que rapidement les matières issues du circuit de recyclage vont entrer en concurence avec leurs homologue miniers de plus en plus chers alors que les techniques s’affinant et les masses de « matières premières » gratuites à recycler le coût de ces « deuxièmes et nièmes mains » seront de moins en moins élevés. Quand les deux courbes se croiseront le minier cessera toute activité, c’est très bon pour la planète.

La scientifique Anne Atlan : « un des problèmes de notre société est la dichotomie nature – culture, il va falloir sortir de la logique les humains d’un côté, la nature de l’autre. »

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