Quand la tempête souffle, les oiseaux marins crient famine

oiseaux marins et tempêtes

Photo prise le 10 février 2014 montre les cadavres de macareux échoués sur la plage de Sainte-Marie-de-Ré, dans le sud-ouest de la France, après d’importantes intempéries. Les tempêtes sur la côte atlantique qui ont secoué l’Europe récemment ont tué au moins 5000 oiseaux marins sur la côte française, dont la moitié sont des macareux. La majorité des oiseaux dont les corps ont été retrouvés échoués sur les plages entre les Pyrénées et la Bretagne sont morts de fatigues ou de faim à cause des vents très forts qui leur ont rendu la pêche impossible, expliquent la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). AFP PHOTO / XAVIER LEOTY © AFP/Archives Xavier Leoty

Paris (AFP) – Chaque hiver, des milliers de carcasses d’oiseaux marins s’échouent sur les plages américaines et européennes de l’Atlantique, dans des circonstances assez mystérieuses. Une étude vient de trouver le coupable : des cyclones si violents qu’ils empêchent les oiseaux de se nourrir, et finissent par les affamer.

Macareux, mergules nains et guillemots quittent tous les ans leurs lieux de nidification en Arctique pour passer l’hiver plus au Sud, au large de Terre-Neuve, de l’Islande ou de la Norvège, en plein milieu de l’Atlantique Nord.

Ils y trouvent des conditions plus clémentes : températures moins glaciales, abondance des ressources alimentaires… Mais tout n’y est pas rose car l’hiver, ces zones se trouvent sur la trajectoire de cyclones de forte intensité pouvant durer plusieurs jours.

« On se doutait que ces tempêtes tuent les oiseaux. Mais ce qui restait mystérieux, c’était de savoir où, et comment », explique à l’AFP David Grémillet, directeur de recherche CNRS qui a coordonné l’étude parue mardi dans Current Biology.

Pour mener l’enquête, une vaste équipe de recherche internationale a décidé de suivre à la trace cinq espèces issues de 39 colonies, représentative de la communauté des oiseaux de l’Atlantique Nord: macareux moines, mergules nains, mouettes tridactyles et deux espèces de guillemots.

Ils ont équipé plus de 1.500 individus de géolocateurs électroniques GLS (« global location sensor »), posées sur les pattes des oiseaux dans leurs différents sites de nidification à l’été, avant qu’ils n’entreprennent leur migration hivernale.

Balises ultra-légères

Moins précis qu’un GPS, ces outils ultra-légers exigent peu de batterie car ils se contentent de mesurer la lumière pour estimer la durée du jour et en déduire la latitude et la longitude où vole l’oiseau.

« La précision de localisation est de l’ordre de 200 km », une échelle suffisante pour suivre des grands mouvements de migrations, détaille l’autrice principale de l’étude, Manon Clairbaux, du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Montpellier.

D’un été à l’autre, les scientifiques arrivent à récupérer la plupart de leurs balises sur les oiseaux qui retournent à leurs nids, poursuit cette chercheuse CNRS.

En étudiant leurs trajectoires sur une dizaine d’années, combinées aux données climatiques sur les dépressions hivernales, les chercheurs ont pu déterminer les zones dans lesquelles les oiseaux rencontrent les cyclones.

Ils ont ensuite fait appel à un modèle mathématique qui permet de mesurer leur dépense d’énergie face aux conditions météorologiques. Et découvert, à leur grande surprise, que leur dépense énergétique n’augmentait pas avec les cyclones.

Donc s’ils ne meurent pas de froid, ni d’épuisement face aux vents violents, « l’hypothèse est que les conditions météorologiques sont si effroyables qu’ils n’arrivent pas à se nourrir », suggère David Grémillet.

« Machine à laver »

« Il faut imaginer des vents soufflant jusqu’à 120 km/heure, des vagues de 8 mètres, des turbulences dans la colonne d’eau qui perturbent le plancton et les bancs de poissons dont ils se nourrissent… Les oiseaux sont pris dans une grosse machine à laver », décrit cet océanographe.

Ne pouvant voler assez loin pour fuir, ils se retrouvent piégés dans la tourmente, condamnés à attendre qu’elle se calme. Et donc probablement empêchés de plonger dans la mer pour pêcher leurs proies, ou bien de les voir dans des eaux troublées…

Or ces oiseaux aux petites ailes ont peu de réserves de graisse, et « un mergule nain meurt s’il ne mange pas pendant 48 heures ».

Les carcasses qui jonchent les côtes, comme ces dizaines de milliers de macareux et guillemots ramenés par les flots à l’hiver 2014 sur les plages françaises, sont d’ailleurs « particulièrement amaigries », ajoute Manon Clairbaux.

« C’est important de comprendre les dangers qui menacent les oiseaux marins », estime la chercheuse. Car leur population mondiale a déjà diminué de moitié depuis les années 1970. De multiples facteurs expliquent ce déclin, comme les captures accidentelles par les bateaux, la compétition avec les pêcheries, la pollution sur leurs habitats de reproduction…

Les cyclones viennent s’ajouter à la liste et inquiètent d’autant plus que selon les experts climats de l’ONU (Giec), « leur fréquence et leur intensité va aller en augmentant avec le réchauffement climatique », souligne David Grémillet.

Mieux cartographier les zones où les oiseaux les subissent va permettre de définir en amont des aires marines protégées de toute activité humaine.

©AFP

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