Le rétablissement de la biodiversité sur Terre pourrait durer des millions d’années


Ossements de bélugas, Van Keulenfjorden, île de Spitzberg, archipel du Svalbard, Norvège (77°33'9.00"N - 15°36’18.45"E). © Yann Arthus-Bertrand. Durant les années 1930, le béluga (Delphinapterus leucas), une petite baleine de couleur blanche, fut chassée de manière industrielle par les Norvégiens. Une station baleinière fut construite dans ce but au Spitzberg sur la rive sud du Van Keulenfjorden. Lorsque les cétacés qui se déplacent en groupe s’aventuraient au cours de l’été dans le fjord à la poursuite de morues polaires, leur proies principales, les chasseurs déployaient depuis la rive un long filet appelé senne à l’aide de baleinières manœuvrées à la rame. Une fois piègées, les baleines étaient ensuite ramenées vers la plage et tuées au fusil ou au harpon. On peut apercevoir sur place des amas d'os blanchis appartenant à au moins 500 individus, montrant que cette chasse fut fructueuse. Seuls la graisse et le cuir des bélugas étaient utilisés, la viande n’étant pas consommée. La graisse était traditionnellement destinée à l’éclairage et l’huile extraite de la protubérance présente sur leur tête à la lubrification des pièces d’horlogerie. Le cuir servait à la fabrication d'attelages de chevaux, de courroies et de lacets. Si la chasse commerciale des bélugas appartient au passé, la chasse de subsistence par les populations autochtones se poursuit sans mettre en péril l’espèce. Seuls le Japon, l’Islande et la Norvège poursuivent une chasse commerciale à la baleine. Quelque 660 petits rorquals ont été chassées en 2015 par ce dernier pays.

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À l’aube de la sixième extinction, des scientifiques cherchent à savoir en combien de temps la biodiversité s’est effondrée, puis régénérée par le passé, en analysant les gastéropodes d’eau douce en Europe. Leurs résultats fournissent une preuve supplémentaire qu’une action immédiate est nécessaire pour protéger la biodiversité.

La crise de la biodiversité actuelle, souvent appelée la sixième extinction de masse, est l’un des défis critiques auxquels nous sommes confrontés au XXIe siècle. Elle ressemble à plusieurs égards à la cinquième extinction de masse, datant d’il y a 66 millions d’années et qui a mis fin au Crétacé. Cette dernière aurait éradiqué environ 76 % des espèces de la planète, y compris des groupes d’animaux tels que les dinosaures.

Mais aujourd’hui, pas d’astéroïde en vue. De nombreuses espèces sont menacées à cause des impacts humains directs ou indirects : changement climatique, pollution, surexploitation des terres et destruction de l’environnement, entre autres. En 2020, un rapport de Planète vivante avait estimé que les activités humaines étaient responsables en majeure partie du déclin de 68 % des populations de vertébrés, en moins d’un demi-siècle.

Un rythme d’extinction effréné

Une autre étude publiée en 2014 avait quant à elle estimé que les taux d’extinction des espèces actuelles sont 1.000 fois plus élevés que les anciens taux d’extinction dite naturelle, couvrant la période de 60 millions d’années, avant l’apparition de l’humanité. Bien sûr, toutes les espèces s’éteignent un jour. Mais ce phénomène se produit généralement à un rythme relativement lent. Or, ces 150 dernières années, la vitesse d’extinction de la biodiversité a considérablement augmenté.

D’autre part, si cette déstabilisation dépasse un seuil critique, le temps nécessaire pour rétablir cette biodiversité pourrait être très long. Une nouvelle étude publiée dans la revue Communication earth & environment tente justement d’estimer ce temps de récupération, en analysant des gastéropodes ! Pourquoi ? Ils font aujourd’hui partie des groupes d’animaux les plus diversifiés dans les écosystèmes d’eau douce, parmi les plus menacés au monde et possèdent un registre de fossiles très bien préservés.

Comment évaluer le rythme d’extinction et de rétablissement de la biodiversité ?

Pour étudier le rythme de l’extinction actuelle et prédire le temps de récupération nécessaire, une équipe internationale de biologistes évolutionnistes, de paléontologues, de géologues et de modélisateurs, dirigée par l’Université de Giessen, a dû estimer le taux de déclin de la biodiversité ainsi que le temps de récupération, pendant la cinquième extinction de masse, afin de comparer ces estimations passées aux prévisions futures.

En se concentrant sur les écosystèmes d’eau douce, l’équipe de recherche a donc compilé plus de 3.000 espèces de gastéropodes fossiles et vivants en Europe, couvrant la période des 200 derniers millions d’années. L’objectif : évaluer la perte de biodiversité des gastéropodes d’eau douce dans un avenir proche, plus précisément dans le cadre du scénario « Business as Usual » (BAU). Ce scénario futur – considéré comme le pire – prévoit notamment un réchauffement global de plus de 3 °C en 2100. À noter, cependant, que ce dernier doit être interprété avec précaution, car il comporte de nombreuses limites et incertitudes.

Des millions d’années de rétablissement

Les chercheurs ont finalement estimé que la diversité des espèces de gastéropodes d’eau douce en Europe a diminué de 92,5 % en moyenne à la fin du Crétacé. Par ailleurs, la phase d’extinction aurait duré 5,4 millions d’années, suivie d’une période de rétablissement de 6,9 ​​millions d’années. Ces gastéropodes s’alignent donc avec les principaux groupes d’animaux et de plantes terrestres et marins qui ont connu un fort déclin ou ont complètement disparu comme les dinosaures.

Concernant les prévisions futures, le modèle des chercheurs, basé sur les données de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), prévoit que 75 % de toutes les espèces européennes de gastéropodes d’eau douce pourraient disparaître avant la fin du millénaire, si les tendances actuelles ne sont pas inversées.

Un article de Marie Origas, retrouvez d’autres articles sur Futura.

2 commentaires

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    • michel CERF

    Peut de chance que la raison l’emporte .

    • michel CERF

    ( peu )