Plomb de Notre-Dame: bilan rassurant ou « bombe à retardement »?


Un homme regarde Notre-Dame de Paris en train de brûler, le 15 avril 2019 © AFP/Archives Geoffroy VAN DER HASSELT

Paris (AFP) – Des parents inquiets, un chantier sous haute surveillance: pendant des mois, les habitants du quartier de Notre-Dame de Paris se sont inquiétés des effets sur leur santé du plomb issu de l’incendie. Deux ans après, quel est le bilan de cette pollution?

Le 15 avril 2019, 460 tonnes de plomb issus du toit et de la flèche de la cathédrale partent en fumée. Une partie se retrouve sous forme de poussières dans l’atmosphère, puis se dépose sur le parvis et dans les rues attenantes.

Riverains et associations s’inquiètent de la présence de ce métal lourd toxique, qui peut provoquer des troubles digestifs, une perturbation des reins, des lésions du système nerveux ou des anomalies de la reproduction.

Les jeunes enfants sont les plus vulnérables à cette intoxication, aussi appelée « saturnisme », car leur système nerveux est en plein développement et ils portent souvent des objets à la bouche.

Des recommandations sont rapidement diffusées sur le nettoyage des logements mais ce n’est que le 13 mai, lors d’une réunion publique, que sont communiqués les résultats des prélèvements effectués dans l’espace public et les locaux de la Préfecture de police, voisine de la cathédrale.

L’information est compliquée par le fait qu’il n’existe pas de seuil sanitaire pour la concentration de plomb dans l’espace public. Il est par ailleurs difficile de déterminer si les particules retrouvées proviennent bien de l’incendie, ou d’une pollution antérieure (érosion des toitures d’autres bâtiments, héritage de l’essence au plomb…).

« Lavez-vous les mains »

Quant au chantier de sécurisation de la cathédrale, il est suspendu fin juillet 2019 à cause de manquements aux règles de sécurité, avant de rouvrir avec des protocoles renforcés (sas, douches…).

L’association des familles victimes du saturnisme (AFVS) reproche, a minima, un manque de communication. « On s’est retrouvé à faire de l’information sur le trottoir pour dire aux gens qui travaillaient là: +Faites attention, nettoyez vos caisses, lavez-vous les mains+ », se rappelle Mathé Toullier, sa présidente.

Selon les dépistages réalisés les mois suivants sur des centaines d’enfants dans cinq arrondissements parisiens (1er, 4e, 5e, 6e et 7e), le « scandale sanitaire » redouté semble évité.

Sur 1.216 dosages du taux de plomb dans le sang réalisés depuis l’incendie, 8,2% étaient compris entre le seuil de vigilance (25 microgrammes par litre) et le seuil de déclaration obligatoire (50 µg/L), et 1,1% était supérieur à ce seuil, selon le dernier bilan publié par l’ARS, un an après le sinistre.

Pour ces 1,1%, « une source d’exposition au plomb dans l’environnement habituel a été décelée dans presque tous les cas (balcons notamment) », ajoute l’agence. Elle souligne aussi que cette proportion est « un peu inférieure » à celle qu’on retrouve en moyenne dans la population des 0-6 ans.

« Bombe à retardement »

Mais pour Mathé Toullier, « les plombémies faites quelques mois après ne valent rien ».

Le métal « reste maximum huit semaines dans le sang après une intoxication », avant d’être stocké dans le cerveau, le foie, les reins et les os, explique-t-elle à l’AFP. Or beaucoup d’enfants ont été testés seulement au moment de la rentrée de septembre 2019, après avoir souvent passé des vacances dans un autre environnement.

« Le plomb c’est une bombe à retardement » qui peut produire des effets à l’âge adulte s’il est « déstocké », prévient-elle.

Il aurait fallu « un protocole systématique » pour tester « les dizaines de milliers d’enfants » concernés, juge Jacky Bonnemains, président de l’association Robin des Bois.

L’organisation de défense de l’environnement s’inquiète aussi du devenir des gravats du chantier, dont certains ont été « conservés à des fins de recherche et d’étude patrimoniale » et n’ont pas été orientés vers des sites agréés pour le traitement des déchets pollués.

Un autre point suscite les critiques de l’AFVS, de Robin des Bois et du Conseil de la ville de Paris: la décision de reconstruire à l’identique et avec les mêmes matériaux la cathédrale gothique, restaurée au 19e siècle par Viollet-le-Duc.

« On reprend les matériaux dont l’association a été catastrophique dans l’incendie, la charpente en bois ayant propagé le feu aux feuilles de plomb » qui fondent à faible température, s’emporte Jacky Bonnemains. Même en temps normal, le plomb disperse facilement des poussières sous l’effet de l’érosion, fait-il valoir.

© AFP

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