Climat : et si ça basculait… dans le bon sens ?

Un bateau contourne un iceberg dans les eaux du Canada en 2019 © AFP/Archives Johannes EISELE
Un bateau contourne un iceberg dans les eaux du Canada en 2019 © AFP/Archives Johannes EISELE

Paris (AFP) – Le verre de la lutte contre le changement climatique est-il à moitié plein ou à moitié vide?

Côté sombre, le patron de l’ONU Antonio Guterres a récemment alerté que les engagements internationaux étaient loin de l’objectif de l’accord de Paris, limiter le réchauffement à moins de deux degrés par rapport à l’ère pré-industrielle.

Côté optimiste, au delà des promesses des grands pollueurs sur une future neutralité carbone, les engagements se multiplient au niveau des secteurs économiques, et la pandémie mondiale a fait prendre conscience des fragilités du système.

« Le balancier va-t-il dans la bonne direction? Absolument », estime ainsi Gernot Wagner, économiste du climat à la New York University. Pour lui, aux Etats-Unis « tout arrive en même temps: le gouvernement fédéral de « Washington, la Silicon Valley, Detroit (l’automobile), Wall Street… »

Une conjonction favorable que les chercheurs appellent « point de bascule sociologique », seuil à partir duquel un mouvement devient irréversible.

Pour l’automobile par exemple, « le point de bascule mondial viendra quand le prix des véhicules électriques sera le même que celui des modèles thermiques, » explique Tim Lenton, professeur en sciences de la Terre à l’université britannique d’Exeter et co-auteur d’une récente étude sur ces basculements dans la lutte contre la crise climatique.

L’étude prend notamment l’exemple de la Norvège, premier pays au monde à passer l’an dernier le cap des 50% de véhicules électriques vendus.

Ironiquement, les incitations fiscales très avantageuses ayant favorisé cette bascule s’appuient sur une richesse principalement basée sur les hydrocarbures, mais le mouvement mondial vers l’électrique est bien réel.

Le Royaume-Uni vient ainsi d’avancer à 2030 l’interdiction des ventes de voitures thermiques, 2035 pour les hybrides. Echéance à laquelle l’américain General Motors, un des plus grands constructeurs mondiaux, a également annoncé son intention de ne plus construire de voitures à émissions polluantes.

Autre secteur où les choses bougent: la finance, aiguillonnée par des groupes de pression qui militent pour que les gestionnaires se désengagent des secteurs polluants.

Minoritaire au départ, ce type de mouvement finit par avoir une dynamique propre, estime Ilona Otto, du centre d’études du changement climatique de l’université autrichienne de Graz, auteure d’une étude sur ces questions: « Selon des simulations, si 9% des investisseurs se retirent les autres suivront par crainte d’être en retard sur le mouvement et de perdre de l’argent ».

La chercheuse établit un parallèle avec la lutte contre l’esclavage aux XVIII et XIXe siècles, quand des activistes aux motivations morales ont dû affronter un système économique profondément enraciné: « Il arrivera un jour où il sera aussi impensable d’utiliser des énergies fossiles que de posséder des esclaves ».

Cet aspect moral de la lutte pour le climat est de plus en plus visible, notamment dans le mouvement planétaire de jeunes pour le climat et son égérie, la Suédoise Greta Thunberg.

« L’inquiétude sur l’urgence climatique est bien plus prégnante qu’avant », relève Stephen Fisher, professeur de sociologie politique à l’université d’Oxford, qui a piloté une enquête pour l’ONU, sondant 1,2 million de personnes dans 50 pays. Plus de 60% se disaient inquiètes, dont « la grande majorité veulent des actions urgentes et d’envergure ».

Et pour les gouvernants, la rationalité socio-économique peut alors se trouver du côté du changement.

En Chine par exemple, le pouvoir considérait il y a peu la neutralité carbone comme un handicap économique, relève Pan Jiahua, de l’Université technologique de Pékin. « Aujourd’hui, le consensus est que c’est une occasion de création d’emplois, de croissance et de transformation de la société ». Et le président Xi Jinping a récemment fixé à 2060 l’horizon pour la neutralité carbone pour son pays.

Mais ces évolutions se heurtent encore à la réalité des chiffres: les énergies fossiles représentent encore 85% de l’énergie consommée dans le monde, subventionnées à hauteur de 500 milliards de dollars chaque année, selon l’OCDE.

« Un pic structurel dans les émissions » s’annonce cependant, estime Kingsmill Bond de l’ONG Carbon Tracker. Car avant même le trou d’air dans la demande énergétique causé par la crise du Covid-19, « les énergies renouvelables avaient presque atteint le point de bascule », souligne cet analyste.

Ainsi, une récente étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et du gestionnaire du réseau électrique français RTE estimait que la France pourrait, sous conditions, tirer l’essentiel de son électricité des renouvelables à l’horizon 2050.

Pour lutter contre la crise climatique, l’espoir est que ces différents points de bascule se déclenchent et que leurs effets s’additionnent. « Il faut une synergie pour qu’un changement profond puisse intervenir, » prévient Jonathan Donges, du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK, Allemagne).

Car la bascule peut aussi se faire dans l’autre sens, et de nombreux climatologues mettent en garde sur les « points de non-retour » qui menacent l’avenir de la planète: l’augmentation des températures pourrait ainsi faire fondre les glaces et monter les océans de plus d’une dizaine de mètres. Ou dégeler le permafrost, libérant les tonnes de CO2 qui y sont prisonnières…

Pour Tim Lenton, la conclusion est claire: « Si nous voulons éviter les points de non-retour, nous devons actionner les points de bascule positifs ».

© AFP

5 commentaires

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    • michel CERF

    Sauf que les pays industrialisés préparent l’après covid , c’est à dire relancer la croissance qui a peut de chance d’être verte , les véhicules électriques ne polluent pas en aval mais dégrade l’environnement en amont , les éoliennes remplacent les forêts et tuent les oiseaux , la déforestation progresse , les espèces animales disparaissent , et qu’allons nous faire de ces milliards de batteries en fin de vie ?

    • Patrice DESCLAUD

    Faudra-t-il une catastrophe nucléaire bien réel en Europe, pour que nos banquiers influent réellement sur le virage des investissements ! La France a mis trop d’œufs dans le même panier nucléaire pour changer de tactique; mais les tarifs internationaux vont obliger nos investisseurs et économistes distingués à comprendre au lieu de tergiverser dans des polémiques et dialectiques stériles ! En outre la dissuasion nucléaire n’a plus de sens face à celle plus cybernétique des rançons informatiques ! Nos dirigeants n’ont plus de vision des réalités. Les jeunes, virez nous tous ces papys comme moi ! OK boomer !

    • Jean-Pierre Bardinet

    Selon le rapport scientifique AR5 du GIEC, page 471, les émissions anthropiques ne sont que de 4% environ du total des émissions, donc 96% sont d’origine naturelle. Evidemment, le Résumé pour les Décideurs, seul document diffusé urbi et orbi, a soigneusement caché cette information, car alors, adieu veaux, vaches, cochons, couvées pour tous les profiteurs de l’hystérie climatique. En outre, malgré une très forte inflation des émissions anthropiques de CO2 et 3 périodes El Nino, il n’y a plus de réchauffement global depuis 20 ans environ :
    https://www.woodfortrees.org/plot/hadcrut4gl/from:2002/
    Bref, il n’y a aucune raison de torpiller nos économies européennes  tenter de réduire de manière dictatoriale nos émissions européennes de CO2 (11% des émissions mondiales) ni nos émissions françaises (0,9% des émissions anthropiques mondiales). Mais raison et bon sens n’ont-ils pas quitté les neurones des alarmistes climatiques, (dont Sainte Greta) des politiques et des médias et ne sommes nous pas dans un monde de fous ?

    • Jean-Pierre Bardinet

    Les citoyens de la planète subissent depuis 20 ans une propagande réchauffiste omniprésente, qui utilise la technique éprouvée de Goebbels : un mensonge mille fois répété devient une vérité. Si l’on avait dit aux personnes sondées que des actions urgentes et d’envergure torpilleraient leur pouvoir d’achat et serait néfaste à l’économie de leur pays, tout en ayant aucune action mesurable sur la TMAG (température moyenne annuelle globale), je doute que leur avis soit resté le même…

    • Marc Verstraete

    Cet article est un leure !! Croire que le véhicule électrique est une solution verte, est une réalité et une vision locale qu’une fois produite. Il faut élargir le cadre du bilan Carbone pour se rendre vite compte de cette ineptie. Que je sache, La pollution liée à la production de l’énergie en vue de l’extraction, du transport, des traitements des minerais servant à la construction des batteries, mais également à la production de l’énergie qui permet à ce « pseudo cercle vertueux » d’être en place n’est pas pris en compte dans cet article.
    La Norvège à obtenu ce résultat à l’instar d’une pollution délocalisée, dans de nombreux pays dans le monde, comme si l’image verte est la seule chose à retenir. Toutefois, pour obtenir cette image, la pollution a été produite intensément ailleurs avec des « images » beaucoup moins « vertes ». Et puis, la Norvège n’est-elle pas un des producteurs mondiaux du pétrole !!! Ah oui, excusez-moi, ils le revendent, mais ne le consomment pas. Il est vraiment à retenir que la pollution ne s’arrête pas aux frontières des pays, contrairement à l’image « verte » !!!