Pesticides dans des vins HVE du Bordelais: une association d’alerte condamnée pour « dénigrement »


Valerie Murat lors d'une manifestation en 2016 à Bordeaux contre les pesticides © AFP/Archives Thibaud MORITZ

Bordeaux (AFP) – La justice a donné raison jeudi à l’interprofession des vins de Bordeaux contre une association qui dénonçait la présence dans des vins certifiés Haute valeur environnementale (HVE) de résidus de pesticide, en quantité toutefois conformes, jugeant que cela relevait du « dénigrement fautif ».

Le tribunal judiciaire de Libourne a condamné Valérie Murat, porte-parole de l’association Alerte aux Toxiques, à verser 100.000 euros de dommages et intérêts au bénéfice du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) et 25.000 euros à cinq des 25 autres plaignants (châteaux, viticulteurs, syndicats d’appellations, négociants). Mme Murat a annoncé son intention de faire appel.

En septembre, Alerte aux Toxiques, qui lutte en Gironde contre les phytosanitaires en viticulture, avait dénoncé la présence de résidus de pesticides de synthèse dans 22 vins (dont 19 Bordeaux) certifiés HVE, sur la base d’une étude effectuée grâce à un financement participatif. Cette présence était toutefois faible et légale, selon le laboratoire lui-même, qui avait pris ses distances avec la présentation par l’association de ses résultats.

Pour les juges, cette présentation est « dénigrante et constitue une faute de la part » de Valérie Murat et son association. « Ce dénigrement a porté nécessairement préjudice au vignoble bordelais qui tend à modifier ses pratiques », assurent-ils dans leur décision.

L’interprofession, qui a aussi obtenu le retrait sous astreinte de la publication contestée, s’est déclarée dans un communiqué « très satisfaite » après la condamnation de propos « procédant d’une intention malveillante à l’égard des vins de Bordeaux ».

« Ce qui est condamné, ce n’est pas la libre expression mais le mensonge, rien d’autre. Un mensonge basé sur des interprétations d’analyse fausses », a estimé le président du CIVB Bernard Farges, interrogé par l’AFP. « On peut débattre, on peut informer mais on ne peut pas travestir la réalité. C’était l’objet de notre action » judiciaire.

Pour Mme Murat, le tribunal a « donné raison à l’omerta ». « On n’a pas le droit de révéler et de dire que dans les vins HEV, il y a des pesticides de synthèse parmi les plus dangereux, comme je l’ai fait. On n’a pas le droit de critiquer ce qu’il y a de pire dans la viticulture », a dit à l’AFP Valérie Murat, qui s’est érigée contre la somme « colossale » à verser. « Je ne suis pas une riche propriétaire de grands crus classés comme certains de ceux qui m’attaquent! »

Son avocat Me Eric Morain a estimé que le tribunal ordonnait « l’exécution sociale » de sa cliente par cette décision « éminemment contestable et orientée ». « Jamais une procédure bâillon n’aura aussi bien porté son nom », a-t-il ajouté, dans un message écrit à l’AFP.

A l’audience en décembre, Mme Murat avait dénoncé un « label (HVE) trompeur pour le consommateur » et le CIVB avait stigmatisé « une escroquerie intellectuelle ».

Le HVE est une norme française créée en 2012 par le ministère de l’Agriculture, qui encourage et reconnait les efforts des exploitations agricoles pour réduire les pesticides et engrais chimiques, augmenter la biodiversité, gérer l’eau, mais n’interdit pas la présence de pesticides de synthèse. Il est souvent associé par ses détracteurs à un label de « greenwashing ».

Mme Murat est la fille d’un vigneron décédé en 2012 d’un cancer reconnu comme maladie professionnelle. Il avait été exposé pendant plus de 40 ans à un produit utilisé dans les traitements contre une maladie de la vigne et interdit en France depuis 2001. Une procédure au pénal est en cours.

© AFP

5 commentaires

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    • Gil Kressmann

    Dénigrer la certification HVE n’est pas une bonne idée car cette certification fait avancer la transformation du modèle agricole vers un plus grand respect de l’environnement. Ce n’est du greenwashing que pour les adeptes du bio qui y voient une concurrence pour leurs propres produits. L’agro-écologie, ce n’est pas le monopole de l’agriculture biologique.

    • michel CERF

    Ce qui fait avancer les choses c’est de dire la vérité , ce qui n’est pas le cas de HVE .

    • Creezy Courtoy

    Cela n’a pas de sens: interdire les engrais de synthèse mais autoriser les pesticides de synthèse.

    • Brulé Philippe

    Certes l’agriculture biologique n’a pqs le monopole du respect du vivant mais trouver des traces de néonocotinoïdes dans des vins HVE constitue bien une tromperie pour le consommateur et ce jugement est un véritable déni de justice .

    • De Vernisy

    Donc il y la présence de pesticide. Même si la quantité utilisée est autorisée., il y en a.
    Les vins de Bordeaux ont de toute les façons un intérêt de faire un effort dans leur vin.
    Qui sont souvent décevants.