La catastrophe en Inde souligne les pressions environnementales sur les cours d’eau d’Asie


Des promeneurs marchent sur la rive du Yangtze à Wuhan, dans le centre de la Chine, le 2 février 2021 © AFP Hector RETAMAL

Kuala Lumpur (AFP) – La rupture d’un glacier himalayen, à l’origine d’une crue dévastatrice dans le nord de l’Inde, était un désastre prévisible qui pourrait se répéter, dans une région chamboulée par le changement climatique et un développement incontrôlé des infrastructures, avertissent les experts.

L’Asie abrite certains des plus grands fleuves au monde, du Gange en Inde à l’Indus au Pakistan, en passant par le Yangtze et le Mékong, qui ont leur source en Chine.

Ces cours d’eau font vivre des millions d’agriculteurs et de pêcheurs et fournissent de l’eau potable à plusieurs milliards d’habitants, mais sont de plus en plus menacés par les transformations.

La hausse des températures fait fondre les glaciers, diminuant à la longue l’alimentation en eau des rivières et augmentant les risques de glissements de terrain et d’inondations.

« Les projets de développement font vraiment peser un risque sur les cours d’eau, en y déversant des débris ou des rejets liquides, ou en y prélevant du sable et des pierres », souligne Himanshu Thakkar, de l’organisation Barrages, cours d’eau et habitants (SANDARP), un réseau d’associations d’Asie du Sud-Est. « Le changement climatique est un processus plus long (…) dont les impacts se produisent dès aujourd’hui ».

La rupture dimanche en Inde d’un glacier himalayen a entraîné une crue subite catastrophique dans une vallée de l’État d’Uttarakhand, faisant des dizaines de morts et plus de 170 disparus et détruisant ponts, routes et deux centrales hydroélectrique sur la rivière Dhauliganga, qui se jette dans le Gange.

– Fonte des glaciers –

Il est encore trop tôt pour établir ce qui a pu fragiliser le glacier, mais les soupçons se portent vers les centrales hydroélectriques construites dans une région à risque sismique élevé.

« Cette région est très vulnérable, et il n’est pas approprié d’y construire des centrales les unes après les autres », estime Himanshu Thakkar. « Il n’y pas eu ici de préparatifs adéquats, comme des études d’impact, ou une étude géologique ».

Pour Patricia Adams, directrice exécutive de l’ONG environnementale canadienne Probe International, construire un barrage dans un tel environnement est dangereux, puisqu’il rend les pentes instables et cause des glissements de terrain.

D’autres analystes relèvent que la hausse des températures a pu contribuer à la catastrophe.

Selon une vaste étude publiée en 2019 par l’université américaine de Columbia, les glaciers himalayens ont fondu à un rythme deux fois plus rapide depuis l’an 2000 qu’au cours des 25 années précédentes.

« L’impact du changement climatique sur l’Himalaya est réel », note Benjamin P. Horton, directeur de l’Observatoire de la terre à Singapour. En plus des accidents, la fonte des glaciers prive les populations locales d’une source d’eau potable et pour l’agriculture, ajoute-t-il.

La région a déjà connu d’autres catastrophes liées aux cours d’eau. En 2013, quelque 6.000 personnes avaient péri dans des crues subites et des glissements de terrain qui avaient emporté des villages entiers dans l’Etat d’Uttarakhand pendant la mousson.

– Inondations record –

En Chine, les inondations se sont aggravées le long des principaux fleuves ces dernières années.

L’an dernier, le Yangtze, le fleuve le plus long d’Asie, a connu des crues record qui ont submergé des milliers de maisons et tué des centaines d’habitants, signe de l’impact grandissant du changement climatique, selon les défenseurs de l’environnement.

La Chine a aussi construit un vaste réseau de barrages, même si les autorités affirment qu’ils aident aussi à gérer les flux d’eau.

Comme en Inde, ces ouvrages sont controversés, et leur rôle est pointé du doigt dans les glissements de terrain.

Les projets de barrages de Pékin sont aussi critiqués à l’étranger, notamment dans le bassin du Mékong, qui prend sa source sur le plateau tibétain avant d’irriguer une large partie de l’Asie du Sud-Est.

Le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam ont subi des sécheresses graves en 2019 après une baisse du niveau du fleuve.

Si certains analystes ont mis ce phénomène sur le compte du changement climatique, beaucoup appellent la Chine à plus de transparence sur sa gestion des 11 barrages construits dans la région.

Plus en aval, des dizaines de barrages ont été construits ou sont en projet, beaucoup grâce à des financements chinois, déclenchant aussi des inquiétudes pour l’environnement.

© AFP

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