L’écologie doit être « acceptable » par les Français, affirme Macron devant la Convention climat


Le président Emmanuel Macron devant les membres de la Convention citoyenne pour le climat, le 14 décembre 2020 à Paris © POOL/AFP Thibault Camus

Paris (AFP) – « Les choix pris pour l’écologie doivent être acceptables par les Français », a prévenu lundi Emmanuel Macron en lançant sa rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), qui l’ont pressé de prendre enfin des « décisions fortes » pour lutter contre le réchauffement climatique.

Pendant les deux premières heures de débat, le chef de l’Etat n’a pas fait de nouvelles annonces importantes mais a répondu pied à pied à une salve de questions concrètes et parfois techniques d’une partie des 132 citoyens participants, dont 74 au siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Ils l’ont interpellé directement. « Vous avez l’occasion de rentrer dans l’Histoire en prenant des décisions fortes. Alors, osez, monsieur le président! », lui a lancé Christine, venue d’un « petit village des Alpes ». Car, a-t-elle regretté, « nous constatons que les mesures que nous proposions sont toutes amoindries ».

« Ce que nous vous demandons, c’est d’être cohérent », lui a demandé Agnès en l’interrogeant sur la 5G. Plus polémique, Paul a déploré sa politique écologique « peu ambitieuse » et s’est interrogé: « Etes-vous climatocynique ou climatosceptique? ». Depuis un an, « nous n’avons rien lâché et nous ne lâcherons rien! », l’a prévenu Karim.

Laissant parfois la parole aux sept ministres présents, Emmanuel Macron a justifié sa politique tout en insistant sur le rôle que peut jouer chaque Français. « Je crois dans la puissance des citoyens », a-t-il affirmé, en citant la populaire application nutritionnelle Yuca.

Il s’est gardé de tout propos ironiques susceptibles de choquer des « citoyens », comme sa récente comparaison avec un « retour à la lampe à huile » de la proposition de la CCC d’un moratoire sur le déploiement de la 5G.

Emmanuel Macron s’était engagé en juin à reprendre « sans filtre » 146 des 149 propositions de la CCC, visant à réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France « dans un esprit de justice sociale ».

Mais depuis, les citoyens tirés au sort et qui ont travaillé d’arrache-pied pendant neuf mois, ont regretté le manque de « soutien clair » de l’exécutif à leurs propositions.

« Vous êtes passé du sans filtre au 100 filtres », lui a lancé Yolande, venue du Finistère.

Le chef de l’Etat s’est justifié en expliquant que, pour lui, la reprise « sans filtre » ne pouvait « être une substitution » au rôle du gouvernement et du Parlement, « qui a mandat de représenter le peuple ». « Ce +sans filtre+, c’est l’idée qu’on va au bout de chaque proposition que vous avez faite (…) dans le dialogue », a-t-il souligné. « Rien ne se fera derrière le rideau ».

Une partie des propositions de la CCC doivent être prises en compte dans le projet de la loi climat, attendue fin janvier, avec certaines mesures emblématiques encore dans la balance, comme la rénovation énergétique des bâtiments ou une limitation de la publicité.

« On n’a pas fini les travaux pour décider si la rénovation thermique globale des logements doit être obligatoire », a souligné M. Macron.

« Aucun gouvernement n’a fait autant pour l’écologie », a de nouveau affirmé le chef de l’Etat, ajoutant qu’une « cinquantaine » des propositions de la CCC avaient déjà « été mises en oeuvre ou sont en cours de l’être ».

« Est-ce suffisant? Non. Faut-il faire plus? Oui. Si on veut atteindre la neutralité carbone en 2050, il nous faut avoir une courbe qui est plus ambitieuse sur les dix prochaines années », a-t-il ajouté, alors que l’UE vient d’adopter des objectifs plus ambitieux à l’occasion du cinquième anniversaire de l’accord de Paris.

Mais, a-t-il mis en garde, « les choix pris pour l’écologie doivent être acceptables pour les Français », rappelant que la Convention citoyenne étaient « justement née parce que la taxe carbone n’avait pas été acceptée par nos concitoyens », débouchant sur la crise des « gilets jaunes ».

Il a aussi insisté sur la nécessité de prendre en compte l’impact économique et social de la pandémie de Covid-19 pour mener la transition écologique. Car « on ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé » depuis son premier débat, en janvier dernier, avec les 150 citoyens qui doivent terminer leur mission début 2021.

« Le décalage entre le réalisme des membres de la CCC et le discours faussement raisonnable du Président et des membres du Gouvernement est frappant », a tweeté le député Matthieu Orphelin (ex-LREM), en réagissant aux premiers échanges.

Avant même la fin de la rencontre, Greenpeace a jugé qu’Emmanuel Macron et son gouvernement avaient « transformé cet échange en un exercice de justification et d’auto-satisfaction ».

© AFP

Lire aussi Grégoire Fraty, un des 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat à propos de l’annonce du référendum sur le climat : « un bon signal tant démocratique que climatique » 

À noter, début janvier, la Fondation GoodPlanet et Yann Arthus-Bertrand publieront un livre CAP2030 Une décennie pour changer le monde, livre de 220 pages qui revient sur la Convention Citoyenne pour le Climat, sa genèse, son fonctionnement, ses propositions et son impact aux éditions Michel Lafon.

5 commentaires

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    • Jean Grossmann

    Si on veut atteindre la neutralité carbone en 2050, il va falloir comme l’affirme notre Président adopter des objectifs plus ambitieux à l’occasion du cinquième anniversaire de l’accord de Paris sur le climat. Une échéance fait exceptionnel
    qui coïncide en ce qui concerne le calendrier avec le bienvenu rapprochement des USA avec l’Europe à propos de l’énergie

    La crédibilité se gagnant surtout par l’exemple, l’Europe va devoir faire le bon choix en ce qui concerne la nature des chaînes énergétiques qui vont lui permettre de satisfaire ses besoins en énergie.

    Il va falloir qu’elle fasse simple, ce qui pourrait être aussi difficile que de faire compliqué.

    En ce qui concerne le dérèglement climatique, il va falloir se remettre en cause et comme le disait un de mes frères ne pas revenir à la normalité vu que celle-ci était précisément le problème.

    La France a peut-être pris un peu de retard mais elle a eu raison de se méfier des décisions hâtives trop souvent créatrices de déceptions amères.

    Elle arrive maintenant à l’heure du choix et il va falloir quelle tranche, Ceci à propos du nucléaire en se rapprochant en termes de décision de son voisin allemand

    Le lutin thermique que je suis pensait diffuser ses travaux uniquement après le confinement mais il craint que son combat ne soit inutile s’il arrive après la bagarre

    https://www.dropbox.com/s/2ihrc2c8b1r6uy6/IESF2.pdf?dl=0

    • michel CERF

    Notre Président doit prendre des mesures fortes et prendre en compte un maximum de mesures proposées par la CCC , toutefois il a raison de rappeler qu’on ne peut rien faire sans le consentement de tous les Français , et d’ignorer les crises successives covid , et gilets jaunes .

    • Rozé

    Le président se moque des français et de la CCC en particulier. Ce président a été façonné par le tout business. Il est incapable de comprendre que le néo-libéralisme qu’il soutient est non seulement moribond mais aussi létal pour l’humanité. Moribond, le néo-libéralisme survit par toujours plus de crédits accordés tant aux producteurs qu’aux acheteurs. La dette des pays est énorme mais on s’en fiche par l’invention des taux de crédit quasi nuls voire négatifs. Létal, mortel pour l’humanité car produire toujours plus et même seulement autant qu’avant, c’est forcément polluer, accumuler les déchets, détruire la biodiversité, autrement dit la branche sur laquelle nous sommes assis, renforcer le réchauffement climatique qui rendra notre planète invivable. La seule voie possible et très difficile, c’est la décroissance et bien sûr plus d’équité entre les gens pour que les efforts que nous feront pour nos enfants soient supportables.
    Rien à voir avec le discours pépère et acceptable de notre président

    • Jean Grossmann

    Et si l’on prenait la décision de satisfaire nos besoins en énergie en consommant moins au lieu de produire comme je le propose avec la Solar Water Economy ?

    Cela ressemble peut-être à de la décroissance mais en définitive ce qui est important pour nous Mr Roze n’est-il pas de satisfaire notre confort de vie sans nuire à notre environnement?

    • michel CERF

    On a tendance a oublier que Mr . Macron est le seul Président qui n’a connu que des crises depuis son investiture , gilets jaunes , casseurs , terrorisme , covid , ect , alors avec la mondialisation libérale est-ce si simple de gouverner les Français , éternellement insatisfaits et prêts à se révolter pour la moindre taxe , il a bien des défauts ce Président mais beaucoup de patience , de tolérance et de courage .