L’Amazonie selon Bolsonaro, un « rêve » qui fait cauchemarder les indigènes

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Un membre de la tribu Uru Eu Wau Wau dans sa réserve au sud de Porto Velho, au Brésil, le 29 août 2019 © AFP CARL DE SOUZA

Nouvelle initiative pour construire l’Amazonie « de ses rêves », le président brésilien Jair Bolsonaro a donné son aval à un projet d’ouverture des terres indigènes à l’exploitation minière qui a été dénoncé comme un « cauchemar » par des écologistes et des chefs autochtones.

Autre mesure hautement controversée: la nomination d’un missionnaire évangélique à la tête du département en charge des indigènes isolés de la Funai, agence publique des affaires autochtones.

De quoi concilier les intérêts de deux des principaux alliés de Bolsonaro: les évangéliques ultra-conservateurs et le lobby de l’agronégoce.

« J’espère que ce rêve va se concrétiser », a déclaré le chef de l’Etat jeudi soir, au moment d’apposer sa signature sur le projet de loi qui sera soumis prochainement au vote du Congrès.

Mais son point de vue est loin de faire l’unanimité chez les leaders indigènes.

« Bolsonaro, ton rêve est notre cauchemar. Il est synonyme d’extermination, parce que l’orpaillage amène la mort, les maladies, la misère, et prive nos enfants de tout avenir », a réagi jeudi Sonia Guajajara, coordinatrice de Assemblée des Peuples Indigènes du Brésil (APIB).

Le fait que le président d’extrême droite continue à œuvrer avec insistance pour imposer sa vision de l’Amazonie montre que les critiques de la communauté internationale au sujet de la recrudescence des incendies de forêts et de la déforestation n’ont pas eu le moindre effet.

Ces dernières semaines, plusieurs diplomates étrangers, notamment européens, ont été invités par le gouvernement, qui a tenté de les convaincre des bienfaits du nouveau projet de loi.

« Le Parlement va subir des pressions des écologistes. Si je pouvais, j’aimerais confiner ces écologistes au beau milieu de l’Amazonie (…) pour qu’ils arrêtent d’embêter les peuples amazoniens depuis la ville », a ironisé Jair Bolsonaro.

« Énorme préoccupation »

Le projet de loi qui fait grincer les dents de nombreux leaders indigènes est présenté comme un amendement à l’article 231 de la Constitution. Cet article porte notamment sur l’exploration des richesse minérales et du potentiel hydroélectrique dans les terres réservées aux autochtones.

D’après le gouvernement, l’absence de règles claires est source d' »insécurité juridique » et encourage par ailleurs les activités illégales.

Le nouveau texte prévoit notamment « le paiement d’indemnisations aux communautés indigènes » si une partie de leurs terres venait à être utilisée par des personnes venues de l’extérieur.

Au-delà du projet de loi, le gouvernement a également annoncé jeudi que les représentants de la société civile (notamment les ONG) seraient exclus du Fonds National de l’Environnement (FNMA), organe public censé favoriser le développement durable.

« Ce sont des mesures attendues, parce que le gouvernement a totalement changé les pratiques du passé, compromettant les intérêts des indigènes et la protection de l’environnement », explique à l’AFP Joao Paulo Capobianco, directeur de l’Institut Démocratie et Développement durable (IDS) et ancien vice-ministre de l’Environnement.

« Il y a une énorme préoccupation, parce que cette politique risque de susciter des tensions internes chez les indigènes », ajoute-t-il, rappelant que Jair Bolsonaro a souvent affirmé disposer du soutien de certains leaders autochtones.

« Loup dans la bergerie »

Dans ce contexte, la désignation de l’anthropologue et missionnaire évangélique Ricardo Lopes Dias à la tête de la Coordination des Indigènes isolés de la Funai a été vue par les détracteurs du gouvernement comme une provocation.

Pour l’ONG Survival International, cela revient à « mettre un loup dans la bergerie ».

Les peuples dits « isolés » sont ceux qui n’ont pas de contacts permanents avec l’extérieur et la Funai a toujours œuvré jusqu’à présent pour que cet isolement soit maintenu et respecté.

Ricardo Lopes Dias a été membre de 1997 à 2007 du groupe missionnaire d’origine américaine New Tribes Mission (NTM), aujourd’hui connu sous le nom d’Ethnos360, dont l’objectif est d’évangéliser les peuples autochtones.

Il a beau s’être engagé à exercer ces nouvelles fonctions en tant qu’anthropologue et non en tant qu’évangélisateur, les défenseurs des indigènes sont sur leurs gardes.

« Nos aïeuls ont beaucoup souffert à cause du prosélytisme des missionnaires, qui les ont abordés avec des mensonges, de la violence et des menaces de mort », a affirmé la Coordination des Organisations indigènes de l’Amazonie brésilienne (COIAB).

© AFP

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