Scandale environnemental au Brésil: à Rio, une eau souillée coule des robinets

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La plage d'Ipanema à Rio de Janeiro, le 15 décembre 2019 au Brésil © AFP/Archives David GANNON

D’abord l’eau est devenue sale, puis elle a été polluée par un détergent: les habitants de Rio de Janeiro voient depuis plusieurs semaines couler de leurs robinets une eau qu’ils n’ont plus envie de boire, dernier scandale environnemental au Brésil.

Tout a débuté début janvier, quand les habitants de nombreux quartiers ont commencé à se plaindre d’une eau brunâtre et dégageant une forte odeur de terre.

Ourlée de plages d’une beauté à couper le souffle, la « Ville merveilleuse » est également connue pour ses atteintes à l’environnement et sa gestion déficiente de l’eau pour les 12 millions d’habitants du grand Rio.

La compagnie publique des eaux, la Cedae, a d’abord expliqué que le problème n’était dû qu’à la présence d’un composé organique inoffensif, la géosmine.

La Cedae a limogé le patron de l’usine de Guandu -la principale station de traitement des eaux de la métropole-, utilisé du charbon pour éliminer la géosmine et assuré à la population que l’eau était tout à fait potable.

Mais lundi, la compagnie a dû faire une annonce embarrassante: des niveaux élevés de détergent provenant d’une source inconnue ont été détectés à l’usine de Guandu, que les autorités ont dû mettre à l’arrêt.

Cette usine approvisionne neuf millions de personnes. C’est donc une grande partie de la métropole qui a été privée d’eau pendant les 13 heures de fermeture de Guandu -avec les températures élevées de l’été austral.

Alors que la panique gagnait de nombreux habitants, des supermarchés se sont trouvés en rupture de stocks d’eau minérale.

« On a multiplié nos livraisons par quatre, tout le monde veut de l’eau sur le champ », dit Luciana de Barbosa de Jesus, propriétaire d’une entreprise de gros dans le centre de Rio, dont les employés s’activent pour charger bouteilles et bonbonnes sur des camionnettes et triporteurs.

Ecoles fermées

Les problèmes d’eau ont poussé les autorités à retarder la rentrée scolaire d’une journée, à ce jeudi, dans plus de 1.500 écoles publiques. Des inquiétudes s’élèvent aussi concernant le carnaval, fête populaire qui va drainer deux millions de touristes à la fin du mois.

« Si nous ne réglons pas ce problème vite, on pourrait avoir une pénurie d’eau en bouteille pour le carnaval », s’inquiète Leonardo Do Santos, un employé de banque qui fait le plein d’eau minérale dans le centre de Rio.

Certains supermarchés ont limité les achats par client. Dans la rue, des petits vendeurs ont multiplié par trois le prix de la bouteille d’un litre et demi, porté à six réais (1,3 euro).

Même dans les favelas, où vivent les plus démunis, les habitants achètent de l’eau minérale, en dépit du sacrifice financier que cela représente.

« Inconcevable, inacceptable »

Les problèmes d’eau de Rio viennent s’ajouter à une liste déjà longue de défaillances en matière d’environnement, dans cet immense pays qui abrite les plus grandes réserves d’eau douce de la planète et 60% de la forêt amazonienne, où la déforestation a presque doublé l’an dernier.

Les défenseurs de l’environnement fustigent le gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro, Wilson Witzel, tenant d’une droite dure peu soucieuse de l’environnement.

Le gouverneur veut privatiser la Cedae et ses détracteurs l’accusent d’affaiblir l’entreprise pour mieux la céder au privé.

L’Agenersa, autorité de régulation environnementale, a annoncé mercredi une amende de 100.000 réais (plus de 22.000 euros) à la Cedae pour défaut de publication des résultats des tests sur la géosmine à l’usine de Guandu.

Interrogée par l’AFP, la Cedae a assuré jeudi que son « eau est dans les normes édictées par le ministère de la Santé et, par conséquent, propre à la consommation ».

Le biologiste et militant écologique Mario Moscatelli appelle depuis les années 90 les autorités à régler le problème de la quantité énorme d’eaux usées qui se déversent juste en amont de l’usine de Guandu.

« Cette situation serait inconcevable et inacceptable partout ailleurs sur Terre », dit-il à l’AFP.

Sur les réseaux sociaux, des Brésiliens réagissent avec humour. « Maintenant l’eau sort avec de la mousse du robinet, on n’a plus besoin de produit à vaisselle! », ironise l’un d’eux sur Twitter.

© AFP

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