Quand la lingerie essaie de se mettre au vert

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Dans l'atelier de Paloma Casile, à Paris le 13 janvier 2020 © AFP Christophe ARCHAMBAULT

Sous la boutique chic de la rue du Jour à Paris, l’atelier semble bien exigu: Paloma Casile fignole les soutiens-gorges à quelques jours du salon international de la lingerie, où elle sera présente pour promouvoir une démarche éco-responsable.

C’est au sous-sol de son magasin que la créatrice dessine des pièces délicates en dentelle, parfois agrémentées de lurex. La découpe est dite intelligente: les chutes de tissus sont réutilisées ou, quand ce n’est pas possible, données, à des lycées techniques notamment.

« J’ai toujours eu une démarche où l’on faisait attention quand on coupait: j’ai travaillé dans des usines, j’y ai vu le gâchis », souligne Paloma Casile, 30 ans, qui va lancer une deuxième ligne, cette fois-ci fabriquée au Maroc.

La créatrice, qui a lancé sa marque en 2012, choisit des fournisseurs basés principalement en France, et elle a normalisé sa production pour limiter les pertes. Ainsi, toutes les boucleries des soutien-gorges sont identiques, quelle que soit la collection.

« Elles sont en zamak, qui utilise deux fois moins d’eau que n’importe quel autre métal », précise Mme Casile, qui a choisi un nombre limité de coloris en teintures certifiées Oeko-tex (sans produits toxiques pour l’environnement, ndlr). En outre, elle s’engage à réparer les pièces durant quatre ans.

« Oui, c’est pour fidéliser, mais c’est aussi dans l’optique de ne pas jeter », relève-t-elle. Paloma Casile n’est pas la seule à se positionner sur ce segment: à l’heure où l’impact environnemental de l’industrie du textile est de plus en plus décrié, la lingerie cherche elle aussi à se mettre au vert.

Si les professionnels ont des difficultés à évaluer la proportion de sous-vêtements « eco-friendly », la tendance est bien présente chez les jeunes entrepreneurs qui se lancent, même si cela reste une part minoritaire d’un marché représentant 2,4 milliards d’euros en 2019 en France.

« En tant que consommatrice, je ne trouvais pas de marque qui propose à la fois des ensembles sexy et qui soit complètement responsable sur l’ensemble de la chaîne de production », raconte Margot Dargegen, 25 ans, qui a fondé la marque Nénés Paris il y a un an et propose de la lingerie en dentelle recyclée.

« Des chutes de tissus et des bouteilles de plastique sont broyées et remises à l’état de fibre, puis fondues en un fil, et à partir de cela on peut retisser la matière que l’on veut », explique-t-elle.

Grandes chaînes sur le créneau

« Quand on a commencé, trouver des matières éco-responsables était plus difficile, mais maintenant on voit qu’il y a des choses qui bougent », commente pour sa part Mathilde de Sacy, 28 ans, qui a fondé la marque Olly avec une amie il y a trois ans.

« On utilise des matières certifiées: du coton biologique certifié GOTS, de la dentelle en fibre recyclée et des teintures Oeko-Tex 100. Et on voulait que ce soit fabriqué en Europe pour s’assurer des conditions de travail », détaille-t-elle.

« Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à cela », reconnaît Cécile Vivier-Guérin, directrice du marketing du salon interfilière international de la lingerie, qui se tient à Paris de samedi à lundi.

Mme Vivier-Guérin note en particulier une offre de plus en plus large de tissus respectueux de l’environnement de la part des fournisseurs.

Et ces derniers rivalisent d’inventivité, du classique coton recyclé au satin recyclé en passant par les coques de soutien-gorges à base de fibres de café. Une marque suisse propose même une ligne entièrement biodégradable.

« Cela pousse les consommateurs à consommer des produits de meilleure qualité, avec des circuits plus courts, et plus coûteux, qui font grimper le marché en part de valeur. C’est un nouveau relai pour la lingerie qui n’est pas à négliger », souligne Mme Vivier-Guérin, dans un secteur globalement atone.

De grandes chaînes se mettent d’ailleurs sur le créneau, comme Etam, qui a lancé une collection en dentelle recyclée.

« Tout le monde a compris que c’est un enjeu important et que les consommateurs attendent cela », commente Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode. Et ce, même si « le 100% écologique est difficilement atteignable », reconnaît Paloma Casile, qui espère aussi que les marques iront au-delà d’une démarche purement marketing sur l’environnement.

© AFP

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