Après une spectaculaire journée de manifestation, l’agriculture à la recherche de sa transition

agriculteurs manifestent

Des agriculteurs manifestent sur les Champs-Elysees le 27 novembre 2019 © AFP GEOFFROY VAN DER HASSELT

En bloquant avec plus d’un millier de tracteurs les axes routiers autour de Paris et Lyon mercredi, les deux principaux syndicats agricoles FNSEA et JA ont démontré leur capacité de mobilisation, sans toutefois remporter de victoire décisive.

Ce nouvel épisode du malaise de l’agriculture française montre que le secteur peine à trouver les voies de sa « transition » alors qu’il est soumis à des injonctions contradictoires de la société et des consommateurs.

Selon le ministère de l’Intérieur, 1.086 tracteurs sont restés alignés en file indienne mercredi sur différents tronçons du périphérique parisien. Quasiment tous les accès à la capitale étaient bloqués. Autour de Lyon, le trafic a été paralysé sur trois autoroutes. Clermont-Ferrand, Le Mans ou Toulouse ont aussi été touchées.

« Au début, on se demandait pourquoi on n’avançait pas. Nous étions très déçus de ne pas parvenir à l’avenue Foch, désignée comme notre lieu de rassemblement » parisien, indique à l’AFP Julie Vandevoorde, qui travaille dans l’exploitation céréalière de ses parents près des Andelys dans l’Eure. « Mais nous avons compris au fil de la journée que le fait de bloquer le périphérique pendant toute une journée était beaucoup plus important pour notre mouvement ».

Avec la promesse d’un rendez-vous chez le Premier ministre, les tracteurs sont néanmoins repartis sans voir l’Arc de Triomphe.

Cantonnés sur le périphérique, agriculteurs et agricultrices se sont consolés en discutant au pied de leurs monstres de fer au point mort. Parfois sous les encouragements d’automobilistes roulant en sens inverse. Parfois aussi sous des invectives et même quelques index levés, observés par une journaliste de l’AFP.

Décroissance…

Le dénigrement des agriculteurs, tantôt vus comme empoisonneurs pour leur utilisation de produits phytosanitaires ou dénoncés comme tortionnaires d’animaux par les défenseurs de ceux-ci, est surnommé « agribashing » par la sphère agricole.

« Sur ce sujet, nous avons des revendications communes avec les agriculteurs allemands » qui se sont aussi mobilisés par milliers mardi autour de Berlin contre des mesures environnementales, souligne Mathieu Garnotel, agriculteur dans la Marne.

Pour François Xavier Rone, venu de Vendôme, « ceux qui nous demandent de vivre comme il y a un siècle sans utiliser de produits chimiques et d’emmener l’agriculture dans la décroissance sont aussi souvent ceux qui prennent l’avion ou leur voiture sans se soucier de la planète ». « C’est un peu comme si on leur demandait de ne plus se soigner ».

Mais les agriculteurs protestaient aussi contre les prix trop bas de leurs produits et les distorsions de concurrence. Selon eux, au nom de la défense du consommateur, les importations venant de pays à bas coûts sociaux ou aux normes environnementales plus souples qu’en France sont favorisées.

Pour Sébastien Abis, directeur du club de réflexion agricole Demeter et chercheur associé à l’institut de relations internationales et stratégiques Iris, la société a oublié que « dans chaque assiette » il y a « un agriculteur ».

…cohérence

« Loin des projecteurs urbains, les acteurs agricoles cherchent à répondre » aux demandes de la société « aussi multiples que volatiles » ajoute le chercheur dans une tribune parue dans l’Opinion. « Le citoyen-consommateur-client se doit d’être cohérent. Il revendique la qualité, la diversité, la quantité: il doit avoir conscience que cela n’est possible qu’avec des agriculteurs, qu’en lien avec eux. Pas contre eux. Pas sans eux ».

Dans une autre tribune publiée dans Le Monde, un « collectif de paysans », dont l’ancien député européen EELV José Bové, réfute le terme d’agribashing, estimant qu’il est surtout utilisé par les « défenseurs de l’agro-industrie », et demande un changement « urgent » de « modèle agricole », plus local et biologique et « abandonnant l’utilisation des pesticides et l’élevage industriel ».

« On ne peut pas tous faire de la vente directe et tous du bio », répond Philippe Fleury, 32 ans, dont la ferme pratique pourtant la vente de légumes en distributeur automatique près de Nyons-la-Forêt (Eure) depuis 20 ans. « La France est le premier producteur mondial d’orge de brasserie ou de lin textile » pour l’exportation, fait-il valoir.

« Pour produire de la farine panifiable, le blé doit avoir des protéines, donc on ajoute de l’azote, sinon les boulangers ne peuvent pas faire de pain », ajoute Thomas Brebion, venu des Yvelines: « Il faut aussi que les urbains apprennent à connaître les agriculteurs ».

© AFP

12 commentaires

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    • Michel CERF

    C’est aux consommateurs de renverser la situation en achetant des produits bio et de préférence locaux , si les agriculteurs ne veulent pas être dénigrés , alors qu’ils cessent d’empoisonner la population et de maltraiter les animaux , car ça c’est une réalité , ont-ils conscience du nombre de gens qui sont malades et meurt à petit feu par leur faute avec le soutient de la FNSEA , de sa Présidente et des pouvoirs publics ?

      • Francis

      Ah bon, c’est une faute d’utiliser les techniques qu’on a appris à l’école ? Les produits chimiques, toutes catégories confondues, pesticides, médicaments et produits ménagers ont leurs parts de responsabilité dans la dégradation de la santé publique. MAIS c’est d’abord et avant tout l’abus du sucre, surtout les sucres cachés dans l’alimentation et les boissons industrielles qui provoque l’inflammation, un dérèglement du fonctionnement du corps qui entraine toutes les maladies modernes.

        • Michel CERF

        Oui , c’est une faute de ne pas savoir se remettre en question , de croire que tout ce que nous avons appris à l’école ou par nos parents était parole d’évangile , ils croyaient bien faire en disant à leurs enfants : si tu veux grandir mange ton steak , bois ton lait pour le calcium alors que l’on sait aujourd’hui que ce dernier est nocif pour l’organisme humain , en ce qui concerne le sucre je suis de votre avis , c’est sans doute l’un des plus grands poisons que l’on trouve dans tous les produits industriels .

          • Francis

          On peut contester l’utilité des protéines et matières grasses animales pour les adultes, mais c’est surtout l’excès qui est nocif. Par contre, pour les enfants, elles restent indispensables pour le développement de leur cerveau. Les en priver doit être considéré comme de la maltraitance.
          C’est facile à prouver: l’espèce humaine est issue d’une lignée d’australopithèques qui est devenue carnivore il y a 7 millions d’années. Ce n’ est pas un hasard si les espèces les plus intelligentes (et violentes) sont omnivores (humains et chimpanzés) alors que les espèces végétariennes (gorilles, orang-outangs) sont paisibles et pacifiques.
          Ne pas savoir se remettre en question= c’est vrai aussi pour la bien-pensance libérale-libertaire macronienne !!!!!!!!!!

    • sophie

    La FNSEA avec les chambres d’ agriculture ont le DEVOIR d’ évoluer et de ne plus se soumettre aux diktats des grands groupes agro industriels.
    ça en se fera pas en 1 jour mais force est de constater qu’ils ont du mal à s’y mettre.

    Les citoyens, par leurs choix de consommation, les aideront feront ouvrir les yeux
    + des incitations conséquentes venant du gouvernement.

    Peuvent-ils compter sur nous et eux?
    Pas si sur car la course à la surconsommation à bas prix semble avoir de beaux jours devant elle ( black friday et autres débilités)

    • Meryl Pinque

    L’avenir est au végane et au bio.
    Qu’ils en prennent conscience, se détournent de l’élevage et du non-bio. Alors ils seront aimés des gens.

      • Francis

      Sauf qu’il est impossible de cultiver en bio sans animaux, ne serait-ce que des volailles.

        • Michel CERF

        Pour cultiver bio les seuls animaux dont nous avons besoins sont les insectes , les vers de terre qui disparaissent , l’agriculture intensive a rendu nos terres stériles et gorgées de produits chimiques , quant aux volailles on ne les cultive pas .

          • Francis

          L’expérience prouve que des poules dans les vergers, des canards dans les rizières sont irremplaçables en permaculture.

    • Francis

    José Bové réfute le terme agribashing. Il a raison, pour respecter la langue française, il faut dire racisme anti-paysan. Pourquoi indiquer « selon eux » ? Samedi dernier, les musulmans de France ont manifesté contre l’islamophobie. Aucun journaliste n’a dit ou écrit que c’est « selon eux » qu’ils seraient victimes de haine et discrimination. Ce simple élément de langage prouve la réalité du racisme anti-paysan.
    L’agronomie officielle date du 19ème siècle, elle s’est « modernisée » après les deux guerres. L’agroécologie, ou agriculture de conservation, c’est la même chose, se met au point seulement depuis 25 ans, en dépit de l’hostilité de la science officielle. Pour les ingénieurs, « ce qui n’a pas été inventé chez moi » était forcément mauvais. C’est le renouvellement des générations chez ceux-ci qui a permis le déblocage dans les institutions officielles et dans l’enseignement agricole. Claude Bourguignon qui animait hier une conférence sur la biologie des sols dans le Nord l’a lui même reconnu: il a quitté l’INRA en 1990 pour créer son laboratoire et c’est la banalisation du glyphosate quand son brevet est tombé dans le domaine public et en faisant venir du Brésil les premiers semoirs à disques qui a permis de démarrer la culture sans labour et donc la lutte contre l’érosion.

    • Michel CERF

    Le racisme anti- paysan ne veut rien dire , parlons plutôt du racisme anti-écologistes .

  • les français seront amener à diminuer leur consommation de viande, qu’ils le veuillent ou non, donc les agriculteurs sont obligés d’avoir des élevage respectueux des animaux. Les agriculteurs en premier doivent donner l’exemple d’un respect de la planéte. et alors là la population entière sera avec eux !