Ferme des 1000 vaches : « Nous ne lâcherons pas ! »

La Confédération Paysanne proteste contre le projet de « Ferme des 1000 vaches » qui représente, selon elle, le pire exemple de ce que peut apporter une modernisation de l’agriculture. La Confédération a mené une opération de désobéissance civile le 28 mai en pénétrant sur le site et en démontant une partie des installations (voir notre article à ce sujet ici). Voici une lettre ouverte au Président de la République dans laquelle le syndicat agricole explique son rejet de l’élevage intensif, qui transforme les fermes en usines.

Monsieur le Président de la République, Nous sommes à un tournant. L’industrialisation de l’agriculture se fait de plus en plus pressante, et chaque année, sous couvert de modernisation, le nombre de paysans diminue. Désormais, nous n’avons plus le choix : soit nous laissons faire, actant de ce fait la disparition des paysans, soit nous controns ce mouvement pour faire vivre une agriculture créatrice d’emploi, de dynamique des territoires, respectueuse de son environnement et de la souveraineté alimentaire, l’agriculture paysanne pour laquelle nous nous battons.

La ferme-usine des 1000 vaches est le symbole de ce point de non-retour. Elle n’est pas unique en Europe, encore moins dans le monde, mais doit-on pour autant s’y résoudre ?

Aujourd’hui, vos discours et vos arbitrages politiques sont l’expression d’un choix. Vous parlez d’agro-écologie, d’emploi, mais surtout, sous prétexte d’une prétendue compétitivité, vous vantez la vocation exportatrice de la France, la balance commerciale comme ultime arbitre de vos actions. De fait, vous entérinez le modèle des fermes-usines comme celle des 1000 vaches.

Présentée comme un projet pilote par son promoteur Michel Ramery, elle fournirait du lait à bas prix grâce à des salariés précaires et à un méthaniseur géant subventionné. On est bien loin de la ferme qui produit du lait de qualité. Loin de la ferme partie prenante de son territoire. Loin de la ferme qui fait vivre des paysans.

Pourtant, le discours de Michel Ramery, comme le vôtre, est séduisant. Vous nous parlez modernité, efficacité, rayonnement international ! La réalité, elle, est bien moins séduisante. Vous le savez, nous le savons, nos concitoyens le savent.

Et si nous changions de vocabulaire ? Si nous pensions relocalisation, valeur ajoutée, qualité, vitalité, valorisation… ? L’agriculture paysanne que nous défendons est la seule qui soit en cohérence avec les enjeux auxquels vous, Président de la République, avez la responsabilité de faire face.

Mettons en regard la ferme-usine des 1000 vaches et son homonyme, le plateau de Millevaches en Limousin. C’est un endroit que vous connaissez bien puisque vous avez été Président du Conseil général de Corrèze.

Il y a là un renouveau frappant. Alors que le secteur semblait se vider inexorablement de sa population, des paysans sont revenus. Dans leurs fermes, ils produisent une alimentation de qualité et de proximité, ils expérimentent, ils emploient. Sur le plateau et au-delà, ils recréent des réseaux, renouvellent le lien social. Plus de paysans, c’est aussi plus d’habitants, donc plus de services publics et marchands, plus d’activités. Et le plateau de Millevaches qui se vidait redevient attractif.

C’est exactement ce dont aurait eu besoin ce secteur de la Somme où l’on veut implanter la ferme-usine des 1000 vaches. Pourtant, avec seulement 18 emplois, des milliers d’hectares de terres agricoles confisquées, les dégâts sur l’environnement, elle provoquera l’exact contraire. Mais la vitalité d’un territoire n’est pas une variable recevable pour les agences de notation.
Monsieur le Président, ces deux modèles sont incompatibles. Vous parviendrez toujours à garder quelques fermes-vitrines pour alimenter les dépliants touristiques, mais notre agriculture aura disparu. L’industrialisation ne peut se poursuivre que par l’élimination de l’agriculture à taille humaine. L’accaparement des terres agricoles, la dérégulation des marchés, la spécialisation, puis la disparition du savoir-faire paysan, l’élimination de la biodiversité dans la production comme dans l’environnement… quand il n’y aura plus de paysans, on ne pourra pas revenir en arrière.

Vous le savez, mais vous ne faites rien pour l’empêcher. C’est pourquoi, depuis septembre, nous avons pris nos responsabilités pour stopper la ferme-usine des 1000 vaches. Nous, paysans, avons toute légitimité à agir puisque c’est de notre existence même qu’il s’agit. De notre existence, et du rôle que nous tenons dans la société.

Nous savions le risque que nous courrions en pénétrant, par deux fois, sur ce chantier. Après deux gardes à vue et une procédure judiciaire qui se poursuit, nous comprenons que nous ne sommes pas les bienvenus dans votre business plan de l’agriculture et que tous les moyens seront bons pour nous faire renoncer.

Mais nous ne lâcherons pas. Nous ne nous résignerons pas. Ni Michel Ramery, ni les intimidations policières et judiciaires orchestrées depuis le sommet de l’Etat ne parviendront à nous faire taire.

Il est de notre responsabilité de nous battre pour le maintien de paysans nombreux sur le territoire.

Votre responsabilité, Monsieur le Président de la République, c’est d’agir en faveur de l’agriculture, et donc de la société toute entière. Si vous ne le faites pas, nous serons là, à nouveau.

Laurent Pinatel
Porte-parole de la Confédération paysanne
Lettre initialement publiée dans Politis le 15 mai 2014

 

19 commentaires

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  • […] La Confédération Paysanne proteste contre le projet de ferme des 1000 vaches qui représente le pire exemple de ce que peut apporter une modernisation de l’agriculture.  […]

  • […] La Confédération Paysanne proteste contre le projet de ferme des 1000 vaches qui représente le pire exemple de ce que peut apporter une modernisation de l’agriculture.  […]

    • CAR ELIANE

    Mon Dieu , mon Dieu , le monde est fou , mais où va t on , ,?
    Je suis de tout coeur avec la confédération paysanne , surtout ne l

      • CAR ELIANE

      Mon commentaire est parti trop vite
      Je voulais dire à la confédération paysanne , «  »surtout ne lâchez rien «  » , après les poules en batteries , les vaches en batteries ? et là est ce que l’on pense au bien être de l’animal qui est un ^être sensible , mais il n’y a qu’un seul mot pour tout cela :RENTABILITE et c’est DESOLANT !!

        • lamiraux

        A aucun moment personne ne s’inquiète du bien être animal dans cet article, mais uniquement de l’emploi…. ce que je trouve choquant…. je me permet juste un point lorsque vous dites « après les poules en batterie, les vaches en batterie, personne ne s’inquiète du bien être animal »…. même si les vaches sont élevées en plein air, le lait vient de la souffrance: inséminer artificiellement une vache tant qu’elle est rentable (après…abattoir), une fois le veau arrivé lui arracher son petit qui ira bien évidement à l’abattoir pour prendre le lait de la vache et recommencer l’insémination…. en plein air ou en batterie si on se souci du bien être animal, le lait est à boycotter…. Cordialement. P.S: pour les personnes curieuses…allez voir une vidéo lorsqu’un un veau est enlevé à sa mère…

    • DAMBRINE

    Non seulement les arguments de la confédération paysanne sont fallacieux mais en plus ils sont erronés.

    D’abord, il s’agit de regrouper six exploitations agricoles en un seul site pour le rendre plus fonctionnel, garder la production de ces six exploitations dans la région et non pas perdue dans le cadre d’une redistribution nationale ou européenne et de maintenir 18 emplois dans le bassin de production, dont les six chefs d’exploitations. En ayant une réflexion pragmatique, il est plus aisé de maîtriser les effluents d’élevages sur un seul site moderne, aux normes environnementales, que d’avoir six sites bétonnés et des transports non sécurisés qui se baladent sur les routes picardes. Ici les effluents sont maîtrisés, transformés grâce à un méthaniseur en électricité et chaleur dont la moitié est directement utilisée par les bâtiments d’élevage, le reste étant fourni à EDF afin d’alimenter Abbeville ou les villages environnant l’exploitation. Les digestats sont beaucoup plus stables et moins odorants que les fumiers dont ils sont issus et selon le process utilisé, ils sont plus efficaces agronomiquement que les fumiers (moins de perte d’azote potentiellement lessivables.

    Aujourd’hui une ferme d’élevage moyen en Picardie c’est l’éleveur, son épouse et 70 vaches laitières sur 70 ha. Là ce serait 700 vaches et 300 génisses de renouvellement. soit dix exploitations moyennes (à rapprocher des six exploitations et leur 500 vaches existantes). Il y a 18 emplois au lieu de 20 mais ce n’est rien à côté des emplois créés de façon indirecte dans la maintenance, la fourniture de matériel performant et qui épand de façon géolocalisée (donc plus facile de suivre les règles d’épandages) que les vieux matériels en général dan une exploitation d’élevage (l’épandeur à fumier a en général plus de dix ans d’age).

    Alors, oui la modernisation et la compétitivité des fermes d’élevages peut passer par des regroupements comme celui-ci qui permettent de maintenir une activité laitière dans un secteur ou beaucoup d’éleveurs arrêtent car ils n’ont plus de successeurs, les jeunes voulant bénéficier et c’est normal des mêmes avantages de vie que leurs voisins salariés ou fonctionnaires.

    Enfin, comparer le plateau picard, plateau fertile et ayant une efficacité optimale pour produite une nourriture de qualité et le plateau des « mille vaches », plateau rocailleux où seul le pâturage extensif peut subsister est une ineptie agronomique et économique.

    Richard DAMBRINE
    Ingénieur Agronome, Consultant
    Expert Environnement et Protection des Plantes

    • Franchement, quand je vois un commentaire comme le vôtre, cela me fait bondir. De rage et de désespoir! Une vache est un être vivant, qui a besoin de vivre dehors, dans l’herbe pour brouter et s’ébattre. Quelle aberration que de vouloir les faire vivre dans un tel lieu! Car vos installations sont des prisons dans lesquelles on devrait enfermer tous ceux qui pensent de la sorte! Tout ça pour produire encore et encore plus, pour une société qui ne sait que gaspiller. Mais j’arrête là, car je sais bien que mes propos ne vous toucheront guère!

      • Larrose

      Quand je lis des inepties pareilles, je bondis! De rage et de désespoir! Comment peut-on traiter de la sorte des êtres vivants, considérés ici comme des machines? Une vache, dois-je vous le rappeler, Monsieur l’Ingénieur agronome, n’est pas un robot!! Elle a besoin d’espace, de prés pour brouter à sa guise et s’ébattre. Ce que je vois là, sur cette image, c’est pire qu’une prison, dans laquelle j’enfermerai volontiers les gens qui pensent comme vous. Mais je ne vais pas essayer de convaincre ici les esprits étroits qui ont conçu ce projet!

      • Domino

      Monsieur l’expert environnement et protection des plantes !!!!!!
      Quelle honte, savez-vous qu’une vache est un animal doué de sensibilité et que cet animal vit
      dans un pré ou elle est sensée brouter de l’herbe en toute quiétude!
      Mais peut être n’apprend on pas ce genre de choses dans les livres !
      Vous nous montrez une prison ou la vache ne pourra quasiment pas bouger, tout ca
      pourquoi ? POUR DE L’ARGENT !! ENCORE ET TOUJOURS PLUS D’ARGENT !!
      Le monde marche sur la tète, et j’ai honte de ces gens qui essayent de nous faire gober que la modernité doit en passer par là.

  • tout à fait d’accord avec ce qui est dit plus haut et j’espère que nos gouvernants y seront plus que sensibles, qu’ils réviseront leur position

    • Josse

    Je ne vois dans ce projet qu’un désir de profit juteux. Ce genre de ferme ne fait qu’éloigner encore un peu plus l’humanité de la nature. Qui pense au bien-être des vaches en question ? Une vache est faite pour manger de l’herbe dehors et bouger en toute liberté le plus longtemps possible dans un pré et non pour absorber des farines, éventuellement animales, immobilisée tout au long de sa courte vie. Apparemment, c’est un fait qui échappe aux ingénieurs agronomes. Quant au terme de « protection des plantes » utilisé plus haut, il est bien trompeur : il ne s’agit pas là de défendre la biodiversité mais de « protéger » les champs de colza ou autres avec moult pesticides, herbicides et autres intrants extrêmement nuisibles pour la santé et la planète toute entière. Pour ce qui est des emplois, je doute fort que ce genre d’initiative en crée beaucoup : qu’il s’agisse de n’importe quel domaine, les TPE et les PME créent beaucoup plus d’emplois que les grandes entreprises du CAC40 … (Non, je n’ai encore jamais envoyé ce commentaire, serait-ce là de la censure ?)

    • Hervet-Jaffré Catherine

    C’est scandaleux !! Comment peut-on se servir d’animaux d’une façon si odieuse et lamentable et spéculer de la sorte ! Comment des dirigeants peuvent accepter pareils traitements ! Vous avez affaire à des êtres vivants et nous devons bien les traiter et les respecter !! Honte à ceux qui pratiquent pareils traitements !!…

    • Azar

    Stop cruelty!

    • CAR ELIANE

    Je suis d’accord avec tous les commentaires SAUF celui de MONSIEUR l’Ingénieur Agronome consultant !
    On ne voit que la rentabilité et on a peu de soucis pour le bien être de l’animal c’est odieux !

      • Lambert

      Monsieur l’ingénieur agronome Consultant, rentrez chez vous, vous êtes à la solde des

      multinationales à Bruxelles! Et lisez le livre de François Ruffin.(Faut-il faire sauter Bruxelles?)

  • ANNIEDZ29 : Ce projet est une Honte !!! Honte aux hommes qui n’ont plus rien d’humain et qui ne pensent qu’à l’argent !

  • Ne lâchez rien ! Continuons le combat !

    • chapolin

    Ingénieur agronome et vos commanditaires pour fabriquer et imposer ces camps de concentration, vous ressemblez très fort à des tueurs monstrueux.

    • luis999

    en chine,c’est pas 1000 vaches……c’est 250,000! ils comptent faire du biogaz et fertilisants avec…bien sur il y a aussi le lait…….

    http://www.gizmodo.fr/2010/11/24/la-plus-grosse-ferme-de-biogaz-bovin-est-en-chine.html