Parler du changement climatique en Afrique

Les médias africains peuvent jouer un rôle décisif en communiquant des informations sur le climat au grand public, selon Patrick Luganda, secrétaire du Réseau des Journalistes spécialisés dans le Climat de la Grande Corne de l’Afrique, basé à Kampala en Ouganda.

Savoir faire face au changement climatique est en train de devenir un enjeu majeur pour l’Afrique. Or, si la majorité des Africains observent déjà des changements de grande ampleur sur le climat de leur continent, ils ignorent en revanche comment y réagir. Les médias ont donc un rôle décisif à jouer en diffusant des informations utiles sur le climat afin de donner une bonne orientation au débat public et d’améliorer la compréhension des phénomènes météorologiques et du changement climatique.

En Afrique, la pratique d’une agriculture extensive pluviale signifie qu’il y a un besoin constant de prévisions saisonnières et d’informations sur le climat. Des millions de paysans sont en effet confrontés au changement climatique, mais manquent cruellement d’informations concrètes et opportunes quant aux solutions qui s’offrent à eux. Il n’est pourtant pas rare de les entendre évoquer les évolutions en cours concernant les précipitations. Car le changement climatique occupe maintenant le devant de la scène sur le continent et tout le monde en parle, que ce soit sur les marchés, dans les jardins, les foyers ou au sein des communautés.

Le dialogue, outil d’une meilleure compréhension

Le dialogue peut faire en sorte que le changement climatique paraisse moins déroutant et, pour peu qu’il s’appuie sur des informations fiables, il devient un outil de développement économique à la fois bon marché et puissant. La communication orale est sans doute la méthode de diffusion de l’information la plus efficace en Afrique et elle peut influer sur les prises de décisions. Une communication régulière et ciblée est donc l’étape numéro un vers l’élaboration de mécanismes de lutte contre le changement climatique sur ce continent.

La communication a d’ailleurs prouvé son efficacité dans la gestion des catastrophes. Dans la guerre contre le sida, conférences, émissions de radio, réunions de mobilisation des communautés et séminaires ont contribué à empêcher la propagation de la maladie au Kenya et en Ouganda et y concourent de plus en plus dans les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe.

Les gouvernements doivent donc appliquer ces techniques de communication au secteur climatique afin de mettre en place des stratégies de lutte efficaces. Informer les populations sur une sécheresse à venir, par exemple, leur donne le temps de trouver la parade. De la même façon, des informations actualisées peuvent aider les gouvernements à mieux se préparer face à une catastrophe potentielle.

Le rôle des médias

En Afrique, plus de 70 % des catastrophes écologiques – inondations, sécheresse, famine et maladies – sont soit causées soit accentuées par le changement climatique. Si on faisait en sorte que le grand public soit davantage conscient de ce lien de cause à effet et soit tenu informé de l’évolution de ce changement, les stratégies d’intervention pourraient être élaborées à temps.

Les médias doivent donc s’atteler à atteindre ce but. Par le passé, ils ont montré les limites de leurs compétences, en Afrique, concernant la météorologie et le climat. Les climatologues sont souvent accusés de travailler dans leur coin et, en plus du fait que le langage scientifique est compliqué, les informations dans ce domaine sont généralement considérées comme ennuyeuses et rébarbatives.

Cette situation doit changer si on veut que les médias comblent de façon significative et rentable le déficit de communication entre les spécialistes du climat et le reste de la société africaine.

Les journalistes doivent collaborer avec les chercheurs pour se tenir au courant des dernières avancées, comprendre l’importance de leurs découvertes et identifier les informations qui seront les plus pertinentes dans la vie quotidienne de chacun.

Il faut aussi mettre en place des réseaux au sein desquels il y ait rencontre et échange entre les médias et les climatologues. Les journalistes doivent être davantage formés aux reportages sur le climat. Les institutions et revues scientifiques doivent faire en sorte que les journalistes aient un meilleur accès à l’information. Et les médias doivent aussi prendre part à la recherche sur la communication concernant les prévisions météorologiques, les risques de catastrophes, le changement climatique et l’amélioration des conditions de vie en milieu rural.

Par une meilleure compréhension du climat et de ses caractéristiques, les médias peuvent aider des millions de gens. Ainsi, s’ils savent quand les pluies sont censées arriver et avec quelle intensité, ils peuvent permettre aux paysans d’effectuer leurs semis au bon moment. Des journalistes qui collaboreraient étroitement avec des scientifiques pourraient également prodiguer des conseils aux éleveurs en période de sécheresse, les enjoignant par exemple à vendre certains de leurs animaux avant qu’ils ne soient décimés par des conditions extrêmes.

Des signes encourageants

Des efforts ont déjà été entrepris pour améliorer l’accès des médias à la climatologie et leur compréhension de cette science. En 2001, en effet, a été fondé le Réseau des Journalistes spécialisés dans le climat de la Grande Corne de l’Afrique (Network of Climate Journalists of the Greater Horn of Africa). Il organise des groupes de travail et des forums semestriels pour rapprocher journalistes et climatologues venus du Burundi, de Djibouti, d’Éthiopie, d’Érythrée, du Kenya, du Rwanda, de Somalie, du Soudan, de Tanzanie et d’Ouganda. En février, une conférence technique d’experts du climat s’est tenue au Burkina Faso afin de discuter des propositions visant à étendre le réseau à tout le continent.

Mais il reste un long chemin à parcourir avant que le grand public ne soit réellement en phase avec la climatologie. L’information dans ce domaine est une denrée périssable : qu’elle arrive trop tard et elle n’a plus aucune valeur. A l’inverse, lorsqu’elle est délivrée au bon moment, elle peut faire grimper les revenus, sauver des vies et améliorer le quotidien. Le grand public doit avoir confiance dans les « produits » de la climatologie. L’Afrique, elle, doit être davantage en mesure de former les journalistes à cette science. Mais c’est aussi aux climatologues de mieux appréhender le fonctionnement des médias.

Texte publié sur :  » News, views and information about science, technology and the developing world « 

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