De quelque côté qu’on se tourne, les subventions sur les nouvelles voitures font plus de mal que de bien

Lorsque les gens agissent sans réfléchir, ça entraîne généralement des conséquences imprévues. Quand des hommes politiques ou des décideurs sont confrontés à une crise, ils ressentent le besoin de se précipiter pour prendre des mesures. C’est la recette du chaos à long terme et c’est ce qui se passe en ce moment même avec l’industrie automobile en Europe.

Les États membres de l’UE ne savent plus quoi inventer pour soutenir leur industrie automobile. Il s’écoule rarement une semaine sans qu’une certaine forme d’aide soit distribuée. Et ces derniers temps, l’idée qui a fait le plus fureur a été le « plan pro-casse », la « prime environnementale » ou, en bon français, la subvention pour l’achat d’une nouvelle voiture.

Les chercheurs et les économistes qui ont étudié ce genre de mesures sont unanimes : elles font plus de mal que de bien sur le long terme. Elles représentent une des méthodes les plus coûteuses possibles et imaginables pour réduire les émissions. Nous avons fait le douloureux constat, ces dix dernières années, qu’aucun progrès ou presque n’avait été accompli pour réduire la consommation de carburant des véhicules. Donc remplacer sa vieille voiture par une neuve n’est pas bon pour le climat, contrairement à une idée communément admise, a fortiori si on prend en compte l’impact climatique d’une augmentation de la production de véhicules. De plus, injecter de grandes quantités d’argent public pour entretenir la dépendance vis-à-vis de la voiture est bien la dernière chose dont on a besoin en ces temps de climat déréglé, surtout si, comme c’est le cas en Allemagne, on bénéficie de la même subvention qu’on achète un dévoreur de carburant ou un véhicule sobre comme un chameau.

Ces subventions envoient également de mauvais signaux. Le principal d’entre eux dit ceci : pas de problème pour que cette industrie cyclique, en période de vaches grasses, n’économise aucun argent et propose au contraire à ses clients des crédits tellement bas qu’ils n’en sont pas viables ou des contrats de crédit-bail pour doper les ventes, puisqu’elle sait que quand les vaches seront maigres, l’État se portera garant. Ce genre de subventions encourage également les autres industries à réclamer de l’argent. Les profits dans l’industrie pétrolière s’effondrent eux aussi ? Pourquoi ne pas la renflouer ? (je plaisante).

Ces subventions ont aussi pour effet de solliciter le contribuable moyen pour un produit de luxe que seuls les privilégiés peuvent s’offrir : une nouvelle voiture. (En admettant que l’industrie ne se contente pas qu’empocher l’argent et d’augmenter les prix des nouveaux véhicules, car certains disent que ça pourrait être le cas). Et lorsque les subventions cesseront, une chute des ventes s’ensuivra inévitablement qui ne manquera pas de susciter d’intenses pressions pour que les subventions soient maintenues.

Pour éviter que le reste de l’Europe, comme le souhaite l’industrie automobile en Allemagne, ne copie les subventions de ce pays – qui sont sans doute les plus élevées jusqu’à présent, comme on pouvait s’y attendre – l’UE devrait définir un cadre très précis pour ce genre de mesures et à tout le moins les réserver aux véhicules économes en carburant. Si elle échoue dans cette entreprise, c’est toute une série de subventions dépourvues de sens qui verront le jour ; les pays européens vont alors se retrouver pris dans une « course au moins-disant » aux relents nationalistes au cours de laquelle des pressions seront exercées sur les différents gouvernements pour qu’ils ne soient pas moins généreux que leurs voisins, et même les entreprises en bonne santé se sentiront tenues de réclamer une aide gouvernementale puisque leurs concurrents en bénéficient eux aussi.

La multiplication actuelle d’actions inadaptées envoie bien trop de mauvais signaux. L’Europe devrait depuis longtemps avoir mis le holà à ces pratiques afin que cette crise ne porte pas un coup fatal au climat et à la confiance de ses citoyens.

However you look at it, subsidies for new cars do more harm than good

Éditorial de Jos Dings

© European Federation for Transport and Environment – 2009

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