Vers un autre débat sur le climat

La polémique concernant le changement climatique semble s’enliser dans une dichotomie stérile.

Certains soutiennent ardemment que le réchauffement climatique n’est qu’une vaste farce. D’autres affirment que la planète court tout droit à la catastrophe. Dans mon livre intitulé Cool It: The Skeptical Environmentalist’s Guide to Global Warming, je démontre que les deux camps ont tort et propose de trouver un terrain d’entente intermédiaire.

Cependant, beaucoup de ceux qui prennent part à ce débat adhèrent avec un instinct presque tribal à l’une ou l’autre des théories. La critique de Kevin Watkins à propos de mon livre (Prospect du mois d’octobre) en est un bon exemple. Selon lui, si je ne nie pas la réalité du changement climatique, je minimise toutefois les problèmes qu’il entraîne.

Dans Cool It, j’examine les conséquences d’une hausse probable des températures au cours du siècle à venir, à partir de l’estimation moyenne de 2,6°C à laquelle est parvenue le GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat), les valeurs données par ce groupe étant comprises entre 1,8°C et 4°C. Cela ne semble pas suffisant à Watkins, qui m’accuse d’avoir une « approche cavalière face à des faits scientifiques avérés », alors que lui-même parle d’une hausse des températures de 4°C à 6°C.

Watkins n’est pas d’accord lorsque je rapporte que les estimations du GIEC montrent que le niveau des océans augmentera de 18 à 59 cm, et que le scénario le plus plausible se situe autour de 30 cm. La planète a connu un phénomène similaire ces 150 dernières années et elle a (bien évidemment) tenu le coup. Watkins m’accuse également de m’en tenir à des valeurs peu élevées. Je prends pourtant en considération les prévisions du GIEC concernant les conséquences d’une fonte plus rapide du Groenland: le niveau des mers s’élèverait alors de 7cm environ et – dans le pire des cas – d’environ 20 cm.

Une autre critique tient au fait que j’encourage mes lecteurs à « voir le côté positif » du réchauffement global. Je reconnais qu’il faut considérer les conséquences positives et négatives du changement climatique. Des températures en hausse impliquent une multiplication des vagues de chaleur, mais le froid tue plus que la chaleur. Vers 2050, le réchauffement climatique provoquera presque 400.000 morts en plus par an liées à la chaleur. Dans le même temps, on recensera 1,8 million de morts en moins dues au froid. À cet égard, le changement climatique sauvera des vies.

Il est important d’apaiser nos craintes concernant le réchauffement global, car nos peurs semblent souvent nuire à notre capacité de relever les défis du XXIe siècle. Nous devons évidemment nous fixer comme objectif de combattre le réchauffement climatique. Mais les mesures sur lesquelles nous nous concentrons aujourd’hui aveuglément ne sont pas productives.

Watkins parle en termes favorables de la critique de Stern qui considère que la réduction des émissions de CO2 constitue un bon investissement. Dans mon livre, je démontre que des études économiques réalisées par l’ensemble de ses pairs prouvent le contraire. Watkins appelle cela mon « analyse personnelle coût-bénéfice” au lieu de reconnaître que c’est la conclusion de nombreux économistes.

En 1992, les pays riches ont promis de réduire les émissions de gaz d’ici l’an 2000 pour revenir au niveau de 1990. Les émissions ont au contraire augmenté de 12% environ. En 1997, ils ont promis de revenir à un niveau inférieur de 5% à celui de 1990 d’ici à 2010. Malgré cet engagement, il est probable qu’elles connaissent une hausse de 20%.

Les dirigeants insistent sur le fait que le prochain protocole, qui doit faire l’objet de négociations à Copenhague fin 2009, pourrait être encore plus contraignant. Après deux échecs, nous devons nous demander si ces mesures sont bien appropriées.

Si les États-Unis et l’Australie avaient signé le protocole de Kyoto, cela aurait représenté un coût annuel de 180 milliards de dollars jusqu’en 2012, date butoir du protocole, et repoussé les effets du réchauffement climatique de seulement sept jours à la fin du siècle.

Même si nous nous engagions à respecter le protocole de Kyoto jusqu’à la fin de ce siècle, nous ne retarderions l’impact du changement climatique que de cinq ans seulement. C’est pourquoi l’ensemble des études économiques démontre que le genre de mesures promues par Kyoto ne constitue pas une bonne solution pour aider la planète. Au contraire, nous devrions trouver un moyen de faciliter la réduction des émissions de gaz carbonique.

Le problème est que la réduction des émissions de carbone coûte environ 20 dollars par tonne, alors que les bénéfices ne s’élèvent qu’à 2 dollars la tonne. Nous devons faire en sorte que la réduction des émissions soit plus rentable. La lutte pour l’environnement ne serait plus ainsi le seul apanage des riches mais pourrait être ouverte à tous, en particulier aux plus gros émetteurs de CO2 du XXIe siècle, la Chine et l’Inde, qui ont d’autres problèmes plus urgents à résoudre.

Je crois que la réponse réside dans une hausse considérable des dépenses en matière de recherche et développement sur les énergies à faible teneur en carbone.

Chaque pays devrait s’engager à verser 0,05 % de son PIB pour la recherche sur les technologies énergétiques ne produisant pas de CO2. Cela représenterait une dépense de 25 milliards de dollars par an, sept fois moins donc que le coût du protocole de Kyoto, mais constituerait une hausse importante par rapport aux dépenses actuelles en R&D. Tous les États devraient prendre cet engagement, les plus grosses dépenses incombant aux pays les plus riches. Plus important encore, cette approche créerait un élan de recherche mondial et la vision d’un monde à faible teneur en carbone et aux revenus élevés.

L’un des arguments clé dans mon livre revient à se demander pourquoi nous voulons aider le tiers monde en réduisant les émissions de CO2 alors que nous pourrions les aider plus efficacement en combattant la malnutrition, la maladie et la pollution hydrique. Watkins classe cette question comme « parfaitement judicieuse », puis noircit le tableau en affirmant que je ne comprends pas que le changement climatique rend les populations plus vulnérables à la malnutrition et à la maladie. Cependant, ces dernières les rendent aussi plus vulnérables face au changement climatique. La question est de savoir quelle est la meilleure solution pour aider les pays en développement.

Si nous éradiquions le paludisme, nous n’en tirerions pas un bénéfice immédiat, mais rendrions ces pays plus productifs – des estimations indiquent qu’ils seraient deux fois plus riches d’ici 2100 – plus efficaces et plus à même de répondre au changement climatique. Au lieu de sauver une personne atteinte de paludisme grâce aux mesures contre le changement climatique, nous pourrions soigner 36 000 malades en consacrant la même somme d’argent à la recherche sur le paludisme. Ce n’est pas simplement une question théorique – il s’agit d’aider des gens bien réels maintenant, et dans le futur. Adopter la meilleure solution face au changement climatique n’est pas chose aisée au regard de la lutte acharnée qui empêche tout dialogue sensé. Nous devons tempérer le débat.

Changing the Climate Debate

Bjorn LOMBORG, Kevin WATKINS

Prospect magazine

Novembre 2007

http://www.prospect-magazine.co.uk/landing_page.php

http://www.prospect-magazine.co.uk/article_details.php?id=9881

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