Au Brésil, un exemple de développement touristique éco-responsable

Interdiction de se baigner dans les rivières cristallines avec de la crème solaire pour éviter toute dégradation des eaux, passerelles en bois pour traverser les forêts luxuriantes sans perturber l’écosystème…, les autorités touristiques du Mato Grosso du Sud appliquent un règlement strict afin de préserver des sites naturels. Elles entendent jouer les bons élèves dans la cour de l’écotourisme mondial.

Un Eldorado reculé

Le Mato Grosso du Sud a été créé en 1977 d’une partition de l’immense Mato Grosso. Situé aux confins du Brésil et des frontières bolivienne et paraguayenne, il connaît un vif essor économique depuis que le gouvernement y a multiplié les routes dans les années 1960. Il est devenu un eldorado pour qui au Brésil veut tenter sa chance : ouvrir un commerce sans trop de concurrence, se trouver une terre bon marché, vivre loin des problèmes d’insécurité des grandes villes, etc.

« Nous sommes un pays neuf et possédons un énorme potentiel naturel, que nous entendons valoriser durablement sur le mode de l’écotourisme » explique Carlos Portos, président de la fondation du tourisme de l’État. En effet, au sud de l’État, des basses montagnes sont truffées de grottes propices à la spéléologie, de rivières et de cascades tropicales parfaites pour la baignade et de forêts où la nature s’offre facilement aux randonneurs. Au nord, le marais du Pantanal, classé patrimoine mondial de l’Unesco en 1986, est une des plus riches réserves naturelles du monde. La tardive colonisation humaine – certaines grandes villes ont à peine 10 ans – explique la virginité des sites.

L’écotourisme, un développement touristique réfléchi

L’écotourisme est une stratégie doublement gagnante. Selon Marcos Cesar Lomba, professeur en économie du tourisme, « Nous faisons la promotion du tourisme responsable pour des raisons de bon sens. Déjà, nous tenons à exploiter durablement notre potentiel et nous savons qu’il est fragile : trop d’acteurs du tourisme surexploitent leurs ressources sans se demander de quoi ils vivront demain ! Mais également, notre démarche originale nous confère une visibilité particulière sur les marchés. Notre démarche fait de la publicité toute seule. Contrairement à d’autres régions qui ont de gros budgets de communication, nous sommes dans un cercle vertueux où, en dépensant notre argent sur le terrain pour crédibiliser encore plus notre démarche, nous créons de la notoriété en phase avec les valeurs auxquelles nous croyons. »

Les sites sont très excentrés dans le pays. Leur pérennité offre une situation de rente aux hôtels. Il est de l’intérêt des propriétaires d’en assurer un développement économique durable. Le nombre de visiteurs par jour est souvent limité. Cela réduit les perturbations. Une douche préalable dans des bassins prévus à cet effet est obligatoire pour les touristes désireux d’accéder à certaines rivières. Cela empêche les crèmes solaires et les anti-moustiques de se répandre dans les eaux. La pêche et la chasse sont strictement réglementées. Une police environnementale patrouille. Les sanctions sont lourdes, la pêche sans permis est passible d’une peine d’emprisonnement.

Des infrastructures minimisant leur empreinte écologique

Les architectes ont souvent su transformer des contraintes locales – des sites difficiles d’accès pour importer des matériaux, des déchets à collecter, des sites à relier aux réseaux régionaux de téléphone et d’électricité, etc. – en atouts pour promouvoir une éco-architecture respectueuse de l’environnement et minimiser le poids des activités sur la fiscalité des communes. Les matériaux de conception sont biodégradables (bois gérés durablement, pailles, feuilles). Les peintures sont sans métaux lourds pour prévenir les effluents nocifs. L’énergie solaire permet d’éviter des travaux importants de câblage électrique. Le tri et le recyclage des déchets sur les sites facilitent l’emploi local et évitent aux communes de développer des services de collecte dédiés. Cette démarche rapporte gros à la région. Les tickets d’entrée sont généralement deux à dix fois plus chers que dans le reste du pays. Les prix sont justifiés par des panneaux expliquant les actions ainsi financées : plus de sécurité, plus de pédagogie, plus de protection des sites.

Au Mato Grosso du Sud, les populations descendent souvent d’Européens et d’Indiens. Ils tirent des Européens un certain sens de l’exploitation productive des ressources et des Indiens un infini respect de la nature, avec laquelle il est bon de vivre en symbiose. L’écotourisme présente ainsi l’avantage d’être une forme de développement économique harmonieuse à la culture des populations.

Farid BADDACHE

Novethic, 24 mars 2004 2004

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