Plaidoyer pour les énergies renouvelables

En matière d’approvisionnements mondiaux en énergie, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. Les mauvaises? Le pétrole a une fin. Les bonnes? Le pétrole a une fin. Et pas seulement lui: tôt ou tard, toutes les énergies fossiles subiront le même sort, y compris l’uranium qui alimente les centrales nucléaires.

Disponible sous forme liquide, facile à utiliser, le pétrole est devenu l’énergie la plus courante, « l’or noir » du XXe siècle. Mais il a toujours été clair qu’il s’épuiserait un jour. Comme personne ne savait vraiment quand, le problème a été mis de côté.

L’humeur alarmiste qui règne aujourd’hui parmi les chefs d’État montre qu’ils géraient la question à la petite semaine, alors que continuait de croître notre dépendance à cette ressource sur le déclin.

En fait, la question de savoir combien de temps encore dureront les réserves n’arrive qu’au troisième rang des préoccupations, car le monde « civilisé » aura atteint un niveau insupportable de destruction environnementale avant d’avoir épuisé les ressources disponibles (1).

La deuxième question tourne autour des conséquences de l’augmentation des prix de l’énergie tant pour l’économie mondiale que pour les économies nationales. L’ère du pétrole facile à extraire est définitivement révolue et cela explique que l’on se tourne vers le potentiel des énergies fossiles non conventionnelles.

Ensuite – avec, par exemple, le développement de la Chine mais aussi l’augmentation des déplacements dans le monde –, la demande en énergie croît plus vite que ce que les nouvelles technologies peuvent fournir en approvisionnements supplémentaires. Les infrastructures requises, quant à elles, deviennent d’autant plus coûteuses que le système énergétique mondial basé sur les énergies fossiles est toujours plus dépendant de l’exploitation des ressources ultimes existantes.

Les incertitudes politiques constituent un autre facteur. Dans un monde de plus en plus instable dans les domaines politique, économique, culturel et social, en raison, entre autres, d’une libéralisation dogmatique, ces contingences ont toutes les chances de croître. Principal défi logistique: l’approvisionnement continu du monde entier en pétrole, en gaz et en uranium à partir de quelques lieux et pays d’extraction, tout en utilisant d’importants réseaux de transport. Cette vulnérabilité rime avec une augmentation des coûts politiques et militaires en matière de sécurité, par exemple pour protéger des attaques terroristes les moyens et les centres d’approvisionnement.

Obligés d’acheter aux prix des marchés mondiaux, les pays en développement sont touchés de plein fouet. Dans nombre d’entre eux, les importations de produits énergétiques absorbent déjà l’ensemble des revenus d’exportation. En 2005, les coûts du pétrole se sont alourdis, en ce qui les concerne, de 100 milliards de dollars, ce qui représente bien plus que l’ensemble des aides au développement octroyées par toutes les nations industrialisées. Pendant ce temps, les profits des grands groupes travaillant dans ce secteur ont augmenté de façon astronomique: en 2005, Exxon Mobil a réalisé un profit de 35 milliards de dollars, Shell de 25 milliards, BP de 22 milliards (2)…

Ainsi, et bien avant l’épuisement réel des ressources, le système mondial d’approvisionnement en énergie primaire est dans un état précaire et calamiteux.

Des avantages économiques significatifs

L’utilisation directe ou indirecte de l’énergie solaire, du vent, de l’eau, de la biomasse et des vagues pourrait fournir chaque jour à notre planète – sous forme de vent non capté, de chaleur solaire non récupérée, etc. – quinze mille fois plus d’énergie que l’humanité n’en consomme. Une éolienne peut être installée en une semaine, alors que la construction d’une centrale thermique classique demande entre cinq et quinze ans. Des solutions existent déjà pour pallier l’intermittence de filières comme le solaire et l’éolien (3).

Les seuls coûts directement liés à la production d’énergies renouvelables sont ceux du développement de la technologie. Les coûts liés à l’équipement diminueront avec le développement de la production à grande échelle et l’amélioration continue des technologies. Cela, alors que l’énergie conventionnelle augmentera constamment.

En même temps, les « renouvelables » offrent des avantages politiques et économiques significatifs: les importations d’énergies fossiles étant remplacées par des sources d’énergie indéfiniment disponibles localement, la sécurité énergétique en sort renforcée, avec un impact positif sur la balance des paiements.

Utopique? Irréaliste? La loi allemande sur les énergies renouvelables, adoptée au printemps 2000, démontre le contraire. Les incitations mises en place ont entraîné une augmentation annuelle de trois mille mégawatts des capacités d’électricité produite par les sources d’énergies renouvelables depuis 2000, dépassant dix-huit mille mégawatts. L’élément fort de ce cadre législatif est l’accès garanti au réseau pour chaque producteur d’électricité renouvelable, et ce, avec un tarif assuré sur vingt ans, qui garantit la rentabilité des investissements. Les surcoûts engendrés sont répartis sur tous les consommateurs et s’élèvent à 5 euros par personne et par an.

Ce nouveau secteur industriel a déjà créé cent soixante-dix mille emplois (4). Aucun programme politique de soutien à l’industrie n’a coûté aussi peu et n’a atteint autant de résultats en si peu de temps! En six ans, les coûts d’investissement ont chuté de 40% du fait de la construction en grandes séries. Ce changement énergétique a entraîné une diminution des émissions de CO2 de sept millions de tonnes additionnelles chaque année.

Si ce développement se poursuit au même rythme, la production d’électricité d’origine nucléaire et fossile aura été entièrement remplacée dans environ quarante ans. Quant aux surcoûts, ils diminueront du fait de l’augmentation du prix des énergies conventionnelles.

Un potentiel de substitution similaire peut également être réalisé dans le domaine de la chaleur et des carburants. Il existe déjà des maisons individuelles, et il y aura bientôt des gratte-ciel, répondant à leurs propres besoins grâce aux énergies renouvelables. Le montant des surinvestissements est compensé en dix ou vingt ans par les économies de combustibles ainsi obtenues. Le développement des voitures hybrides doit permettre également de remplacer les carburants fossiles par des biocarburants et des motorisations électriques utilisant de nouvelles technologies de batteries.

Notre système, dépassé, avec ses structures d’entreprises associées, est considéré comme étant gravé dans le marbre. Cette vision trahit un manque complet de connaissances de base sur les technologies liées à l’énergie.

Le choix de la source primaire d’énergie détermine l’effort politique, économique et technologique requis pour l’extraction, la transformation, le transport et la distribution, sans oublier les techniques d’utilisation. Cela supposera de passer de quelques grandes centrales et raffineries à un nombre plus important d’unités de moyenne et petite taille, d’infrastructures internationales à des structures régionales, et d’énergies polluantes à des énergies propres, n’émettant pas de gaz à effet de serre.

Enfin, dernier élément, qui n’est pas le moindre, il faudra passer de structures concentrées en matière de sociétés et de propriétés à des organisations plus diversifiées. Le changement systémique en matière d’approvisionnement énergétique représente un changement de paradigme en termes technologiques, économiques et politiques. C’est en fait là que se situe le cœur de la question.

(1)

(2) Cette année-là, les cinq plus grosses compagnies pétrolières du monde – Exxon Mobil, Chevron Corporation, Total, BP et Shell – devaient accumuler 106,8 milliards de dollars de profits. (Le Figaro Économie, Paris, 9 septembre 2005.)

(3) Cela va des moyens de stockage comme le pompage-turbinage dans les aménagements hydroélectriques, ou les systèmes basés sur l’air comprimé dans des réservoirs souterrains, jusqu’à des systèmes hybrides associant ces filières avec un appoint programmable d’hydroélectricité ou de biomasse.

(4) Ministère de l’Environnement allemand (BMU)

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