Le documentaire Anaïs, 2 chapitres de Marion Gervais suit deux épisodes de la vie d’une agricultrice en Bretagne, à dix ans d’écart. Tout en étant un film intimiste, il parle des crises agricoles, de la dureté du métier, des clivages entre la campagne et la ville. Il questionne aussi nos rêves, la lutte des femmes pour s’imposer dans la société, le combat de l’individu contre le système et l’amour entravé par les frontières. Le film est en salles actuellement.
À la rencontre d’Anaïs, une jeune femme à la poursuite de ses rêves
Au premier abord, le projet de celle que l’on connaîtra uniquement par son prénom, Anaïs, semble un peu fou. À 24 ans seulement, elle qui ne vient pas du monde de l’agriculture est partie s’installer toute seule dans la campagne bretonne, à la poursuite de son rêve: faire pousser et vendre ses propres tisanes.
« Elle irradiait parce qu’elle avait un rêve »
La réalisatrice Marion Gervais a rencontré Anaïs il y a treize ans, à Saint-Suliac, où elles vivaient toutes les deux. Elle se souvient : « on parlait d’une jeune femme, avec un caractère bien trempé, qui avait un rêve : faire des tisanes. Mais c’était compliqué, elle vivait sans eau, sans électricité, dans une caravane. J »ai tout de suite eu envie de la rencontrer. » Marion Gervais a alors « débarqué dans son champ un dimanche » pour y découvrir Anaïs qui, malgré des conditions de vie très précaires, « irradiait parce qu’elle avait un rêve, et que rien ne pouvait arrêter ce rêve ». De cette rencontre est née Anaïs, 2 chapitres, à la fois le récit d’une fureur de vivre dans la France moderne et un voyage initiatique d’une grande humanité.
Attention, toutefois, à ne pas s’y méprendre. Anaïs ne survit pas. Au contraire, elle vit entièrement en cultivant sa passion au présent, sans jamais savoir ce que lui réserve le lendemain.
L’abnégation d’Anaïs
Cette détermination à l’épreuve de tout obstacle a donné envie à Marion Gervais de « filmer son combat », qui est aussi un magnifique portrait féministe. Anaïs doit se battre contre tout : les dures conditions du métier, la perplexité de son entourage, la misogynie de certains agriculteurs et l’isolement dans le dénuement le plus total. À sa mère inquiète, Anaïs explique simplement : « je suis pas du tout sûre que ça marchera, mais je suis sûre que j’irai jusqu’au bout ».
Il y a certes une « une immense colère » chez la jeune femme au début du film, mais celle-ci disparaît dès qu’elle a « les mains dans la terre », affirme Marion Gervais. Inlassablement néanmoins, Anaïs poursuit son rêve. Elle arpente la terre, douze heures par jour, sans week-ends ni vacances. Parfois la cigarette à la bouche, souvent la bêche à la main, toujours au travail, Anaïs nous fait part de ses espoirs, de ses attentes, de ses appréhensions aussi. « Ce qui me fait le plus peur, c’est de pas y arriver. Parce que si j’y arrive pas, je sais pas ce que je ferai de ma vie », avoue-t-elle.
10 ans plus tard, un combat pas si ordinaire
On retrouve Anaïs dix ans plus tard, alors que Seydou, son mari qu’elle a rencontré au Sénégal, vient la rejoindre. Ensemble, ils cultivent la terre sans parvenir vraiment à échapper aux procédures administratives sans fin, dans une France marquée par la montée de l’extrême-droite. « Tout ce qui ne devrait pas être, elle le rejette », explique la réalisatrice. Le franc-parler de la jeune femme ne se conforme pas à « tous les conditionnements de la société ». Car Anaïs ne supporte aucune injustice : en elle souffle « une révolte très forte », qu’elle se batte pour sa terre ou pour son mari et ses droits. Au final, selon la cinéaste, « tout ce qu’elle fait est […] éminemment politique ».
Le documentaire est aussi le fruit d’une relation exceptionnelle, faite de confiance et de réciprocité, qui, en dix ans, est devenue une amitié solide. L’évolution se ressent dans le film. Le chapitre un est l’histoire d’une première fois, que les deux femmes ont vécu ensemble : premier film pour Marion Gervais, premières cultures pour sa protagoniste. Au début, la caméra est un personnage auquel l’agricultrice se confie, avec des hauts et des bas. Mais, lorsque Seydou arrive dans la deuxième partie du film, Marion Gervais se fait plus discrète, observant chaque aspect de la vie du jeune couple.
« Je ne voulais pas mythifier Anaïs. Ce n’est pas une héroïne. C’est une femme. C’est un être humain »
Ce côté brut fait tout le charme du récit. « Je ne voulais pas mythifier Anaïs. Ce n’est pas une héroïne. C’est une femme. C’est un être humain », résume la réalisatrice. Pour cette dernière, l’intimité n’est pas taboue. Elle n’hésite pas à se poser en observatrice des scènes de ménage du jeune couple : « Une histoire d’amour, c’est la confrontation. C’est les rugosités. C’est les incompréhensions. Et ça doit exister dans le film. Il n’en sera que plus fort parce qu’il sera vrai », justifie la réalisatrice.
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