Libérez Fariba – Yann Arthus-Bertrand soutient les chercheurs scientifiques


J’ai reçu une lettre de mon grand ami Gérard Roso, que j’ai rencontré au Cameroun alors qu’il construisait l’un des 2 000 puits qu’il a bâti avec des ONG. Je vous partage son appel dans l’espoir qu’ensemble nous aidions les scientifiques à poursuivre leurs recherches dans les meilleures conditions en France comme à l’étranger.

« J’ai fait la connaissance de Fariba Abdelkah lors d’un anniversaire en 2001 à Montparnasse.

Chez Roland Marchal son compagnon, nous avions fêté un anniversaire, celui de Roland peut être ou Jean François ou bien Béatrice, je ne me souviens plus. Ce dont je me souviens c’est de ce groupe d’amis pétillants, tous chercheurs, spécialistes de l’Afrique pour certains, Moyen Orient pour d’autres. Je me souviens de ces discutions intéressantes, de ces échanges pétillants, de l’humour aussi, de la simplicité avec laquelle j’étais reçu dans ce milieux d’intellectuels, introduit par mon épouse qui partageait les mêmes passions qu’eux. Moi qui ai passé les 2/3 de ma vie à sillonner les routes Africaines de l’Ouest à L’Est, du Nord au Sud, j’avais l’impression de redécouvrir un continent où tellement de choses m’avaient échappées. 

Ils avaient une compréhension du monde tellement différente de la mienne. Leurs analyses m’a permis de mieux appréhender l’Afrique de mieux comprendre le monde dans lequel j’évoluais. Ils ont été à travers leur discussions, leurs écrits, leurs partages, leurs écoutes d’une grande importance pour moi. Ils m’ont ouvert les yeux et l’esprit.

Par la suite nous nous sommes revus souvent et j’ai eu la joie de partager des moments intéressants, avec Roland entre autres à Khartoum à l’époque où je travaillais dans les zones de conflit du Darfour et du Sud Soudan, ainsi qu’à New York où je vivais, quand il venait présenter ses travaux.

J’ai le souvenir de Fariba , une femme souriante, d’une grande intelligence, d’une très grande rigueur intellectuelle.

Si aujourd’hui je demande qu’on agisse pour Fariba, pour sa libération, c’est que comme la plupart des gens qui comme nous travaillent dans des pays ou les droits de l’homme sont bafoués, il y a toujours un risque de se trouver à sa place, otage de gens qui au non d’une idéologie politique ou religieuse servant souvent de prétexte, porte atteinte à notre liberté.

Nous avons grandi dans le pays des droits de l’homme, malheureusement pour beaucoup d’êtres humains sur la planète cette idée n’a rien à voir avec la réalité. Les mots, la poésie, la lecture d’un texte peut souvent entrainer une arrestation, une condamnation et même aller jusqu’à l’élimination. Il faut agir et ne pas laisser l’obscurantisme gérer nos vies. Nous avons la chance de pouvoir nous exprimer, profitons-en pour faire entendre notre voix. »

– Gérard Roso.

Béatrice Hibou,  directrice de recherche CNRS, se joint à sa demande :

« Le 5 juin 2020, cela fera un an que Fariba Adelkhah est emprisonnée à la tristement célèbre prison d’Evin.
Sa faute? Avoir mené, avec constance, détermination, droiture, son métier de chercheuse. Fariba est anthropologue à SciencesPo, et depuis 30 ans, elle nous restitue au plus près du terrain, les transformations de la société iranienne, mais aussi de la société afghane. Ses travaux font autorité par leur profondeur, par la connaissance extrêmement fine et subtile de son pays d’origine, qu’elle n’a jamais quitté, par le regard original qu’elle porte sur tout ce qu’elle travaille : les femmes et leur place dans l’espace public; les rapports entre religion et politique; la formation de l’Etat par ses frontières et ses rapports à ses voisins mais plus largement à l’international; la guerre comme mode de vie… C’est en ce sens que Fariba  est une prisonnière scientifique: elle est emprisonnée parce qu’elle a écrit, parce qu’elle a continué, envers et contre tout, à faire de la recherche, parce qu’elle a toujours pensé qu’elle n’avait rien à cacher, qu’il fallait débattre, discuter, confronter les idées, aussi différentes soient-elles de celles du régime ou de la majorité de la population, ici ou là-bas. Elle est une prisonnière scientifique – et non une prisonnière politique – parce qu’elle n’a jamais fait de politique: critiquée aussi bien par le régime (qui l’a régulièrement arrêtée, confisqué son passeport, interrogée) que par les opposants (qui lui reprochent de ne pas prendre position contre le régime, par principe parce que ce dernier serait mauvais), elle a suivi avec une force de caractère impressionnante le chemin de la recherche dans un contexte très difficile. Déjà, en 2009, elle avait montré son courage lorsqu’elle avait défendu Clotilde Reiss, une étudiante qui avait été arrêtée par les autorités iraniennes et elle avait écrit une lettre ouverte particulièrement forte, dénonçant un régime qui ne comprenait pas ce qu’était la recherche. Aujourd’hui, elle montre de façon éclatante son attachement aux valeurs de la recherche scientifique et elle incarne de façon exemplaire le combat pour la liberté scientifique. Le 24 décembre, de pair avec sa collègue anglo-australienne détenue elle aussi, Kylie Moore-Gilbert, elle avait entamé une grève de la faim qui avait duré 49 jours pour dénoncer leur traitement mais aussi celui de tous les intellectuels détenus en Iran et dans les pays de la région pour n’avoir fait que leur travail. Après son procès, qui s’était finalement tenu le 19 avril, elle a refusé de renoncer à sa recherche et à ses va-et-vient entre l’Iran et la France, comme ses geôliers l’y incitaient, en lui promettant alors la liberté. A la suite de ce refus, elle a été condamnée à 6 ans d’emprisonnement. Le combat de Fariba nous touche car ce n’est pas son combat, c’est le combat de nous tous, le combat pour la liberté scientifique, le combat pour la liberté tout court. »

Le site du comité de soutien : https://faribaroland.hypotheses.org/
La pétition en forme de e-manifestation https://faribaroland.hypotheses.org/8352  (pour être comptabilisé, cliquer sur le montage photo)

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