Entretien avec Laurent Cistac, réalisateur du podcast Histoires Naturalistes : « je pense qu’on a besoin de réapprendre à écouter ces paysages sonores, souvent négligés »


Réalisateur du podcast Histoires naturalistes, Laurent Cistac souhaite allier la création sonore et le récit d’histoires de nature. Depuis son enfance, il se considère comme naturaliste amateur. Aujourd’hui, il met en lumière à travers ce podcast les naturalistes, des protagonistes passionnés par chaque découverte et chaque rencontre avec les milieux sauvages. Dans un entretien avec GoodPlanet’Mag, Laurent Cistac nous explique sa démarche et les messages qu’il souhaite transmettre.

Vous avez travaillé sur de nombreuses thématiques avec de nombreux formats, qu’est-ce qui vous a poussé à créer le podcast « Histoires naturalistes » ?

J’ai réalisé une cinquantaine de films pour la télévision, beaucoup autour de l’environnement, l’aide sociale. J’ai aussi une belle appétence pour le son, pour la poésie sonore. Je trouve que le podcast est une façon de raconter ce qui me plaît beaucoup : il concentre l’auditeur sur le son. On est plus actif par l’écoute que par le visionnage parfois.

Moi, je suis naturaliste amateur depuis tout petit, et c’est pour moi comme un aboutissement personnel : à la fois faire un produit créatif avec le son et raconter des histoires de nature.

La ligne éditoriale de ce podcast me tient à cœur : ce sont des rencontres avec des personnes passionnées et passionnantes : les naturalistes. Ces personnes qu’on entend ou qu’on voit trop peu. C’est pour ça que j’ai créé ce podcast. Moi, je suis naturaliste amateur depuis tout petit, et c’est pour moi comme un aboutissement personnel : à la fois faire un produit créatif avec le son et raconter des histoires de nature.

En diffusant ce podcast, quel message espérez-vous porter ?

C’est très simple. Je pense que nous sommes submergés de nouvelles catastrophistes — et à juste titre — mais nous avons aussi besoin de récits positifs, et je dis bien de récit. Les naturalistes racontent leurs plus belles émotions de vie : la rencontre avec un animal ou un végétal dans leur existence. Cela n’empêche pas, dans le cours de chaque épisode du podcast qui dure 30 ou 40 minutes, d’évoquer dans un discours la nécessité de préserver les espèces. Donc l’idée, c’est d’abord de transmettre avant tout un message positif, émotionnel, joyeux, mais sans occulter la réalité, en rappelant qu’on a besoin de protéger cette nature. C’est l’idée, c’est le ton de la narration de ce podcast.

Vous décrivez ce montage audio documentaire comme « poétique », pourquoi ?

La plupart des podcasts sont des entretiens verbaux, intéressants certes, mais ici il y a plus un aspect documentaire en allant sur le terrain avec les protagonistes, les gens dont on fait le portrait. Cela permet de ressentir une immersion sonore et donner l’impression d’être dans le milieu naturel, ou à l’observation de visu d’un animal.

Je pense qu’on a besoin de réapprendre à écouter ces paysages sonores, souvent négligés.

Pour moi, le son est une poésie : l’écoute quasi silencieuse d’une atmosphère naturelle. En fait, c’est une approche sensible. On est plus concentré à l’écoute, plus participatif. Le son est de la poésie pure : lorsqu’on écoute le chant d’un oiseau, d’une petite chouette, ou même simplement les sons de la nature sans qu’ils soient biophoniques (des productions sonores des êtres vivant). Je pense qu’on a besoin de réapprendre à écouter ces paysages sonores, souvent négligés. C’est une autre façon d’approcher le milieu naturel.

Chevêchette d’Europe

Comment rencontrez-vous les personnes de votre podcast, dont la vie est au plus près des espaces naturels, de la faune et de la flore ?

Concernant mes invités, je fonctionne beaucoup par bouche-à-oreille, de contact en contact. Étant naturaliste amateur, j’ai des contacts dans les réseaux francophones. Je reviens par exemple des Asturies, où j’ai rencontré un spécialiste des ours cantabriques, Pierre Boutonnet. Bientôt, je vais aller au Québec pour la migration des oiseaux et un centre de recherche local. De fil en aiguille, telle personne me recommande un autre contact, un autre centre. Finalement, il y a énormément de personnes passionnantes à rencontrer, donc c’est plutôt facile. Tous sont très enthousiastes à l’idée de participer, et je crois que ce podcast est assez inédit dans l’espace francophone.

Est-ce que la réalisation d’un ou plusieurs épisodes vous a particulièrement marqué ? Et pourquoi ?

Parmi mes plus belles rencontres, il y a eu le premier épisode avec Marc Corail et la chouette chevêchette, près de chez moi. Partir avec lui sur le terrain a été une expérience très forte et sensible. Ensuite, Jean-Michel Bertrand, réalisateur des films sur la vie des loups, m’a emmené sur le terrain, pour relever des caméras de surveillance pour détecter leur présence. Tout ça, ce sont des moments très forts, et surtout, que ce soient des portraits ou des voyages, l’écoute des naturalistes de terrain est passionnante.

Le podcast a vraiment pour but de transmettre cette sensibilité et cette écoute : celle des passionnés, mais aussi celle des sons de la nature.

Ces moments sont à la fois de belles découvertes de connaissances et des expériences émotionnelles très riches. Le podcast a vraiment pour but de transmettre cette sensibilité et cette écoute : celle des passionnés, mais aussi celle des sons de la nature.

JEAN MICHEL ET LE LOUP

Avez-vous un dernier mot à ajouter concernant ce podcast ?

Je voudrais aussi insister sur la nécessité de réaliser des diagnostics sonores des paysages. Une nouvelle science, l’écoacoustique, étudie les écosystèmes à travers la diversité des sons animaux. Cette science en dit long sur la perte de biodiversité des écosystèmes.

C’est une nouvelle approche à la fois sensible, poétique et en même temps scientifique, sur la perte dramatique de biodiversité.

Si l’on compare un même lieu aujourd’hui et il y a vingt ans, on constate souvent qu’il y avait bien plus d’émissions sonores, de chants d’oiseaux et de cris de mammifères qu’aujourd’hui. C’est une nouvelle approche à la fois sensible, poétique et en même temps scientifique, sur la perte dramatique de biodiversité. Il faut insister sur l’urgence de préserver cette biodiversité sonore. C’est un message essentiel à faire passer.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

J’ai également un autre projet, intitulé Anthropophonie. L’idée est d’associer des photos d’écosystèmes naturels (montagnes, forêts, lacs…) avec leur contre-champ sonore. Chaque image serait accompagnée d’un espace sonore (soundscape) et d’un décryptage, afin d’apprendre à écouter ces environnements. Le grand public connaît déjà peu les espèces animales et leurs chants ; décrypter un espace sonore, c’est un angle nouveau, une manière différente de se reconnecter au milieu sauvage. C’est un peu l’avenir de notre reconnexion à ce milieu sauvage.

Voilà, je pense que c’est le plus important : redonner une place à l’écoute sensible et consciente du vivant.

Propos recueillis par Violette Cadrieu

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